À un peu plus d'un an de la sortie du glyphosate pour une majorité d'usages agricoles, le rapport à mi-parcours de la mission d'information parlementaire sur la stratégie de sortie n'est pas rassurant. Il laisse même entrevoir une certaine impréparation du monde agricole. Ainsi, si la mission n'a pas réussi à obtenir les chiffres de vente du glyphosate pour l'année 2018, elle prédit qu'ils ne seront « pas bons » : certains agriculteurs anticiperaient l'interdiction du glyphosate d'ici 2021 en constituant des stocks, indiquait le député Jean-Baptiste Moreau (LREM, Creuse) lors de la présentation du rapport, le 12 novembre en commission parlementaire. Selon Nicolas Turquois (Modem, Vienne), des enquêtes auprès de coopératives indiquent que les ventes auraient augmenté de 20 % à 30 %. Peur du changement ? Manque de préparation ?
La mission presse le Gouvernement de faire la lumière sur les situations ou filières qui pourront faire l'objet de dérogations à compter de 2021, faute d'alternatives. Et ce, avant le mois de juin 2020, pour laisser le temps à la profession de s'organiser. Pour 80 % des situations, une sortie du glyphosate à l'échéance serait néanmoins possible, estiment les rapporteurs.
Une méconnaissance des usages réels
La mission dresse des constats pour le moins surprenants. À titre d'exemple, malgré la constitution d'une task force par le Gouvernement, la nomination d'un délégué interministériel, la mobilisation de l'Inra (Institut national de la recherche agronomique), de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), des instituts techniques, etc., des informations fondamentales, comme les volumes utilisés par filière, sont méconnus. Les rapporteurs n'ont pas réussi à « établir une répartition des quantités nationales de glyphosate achetées par filière », indiquent-ils. « Alors que la nature et la fréquence de traitement des principaux usages sont identifiées, le Gouvernement n'a pas été en mesure de donner une répartition précise des quantités réellement utilisées », souligne la mission. Idem du côté des filières agricoles…
La mission propose donc de généraliser les enquêtes sur l'usage du glyphosate au sein de chaque interprofession et de créer une plateforme d'enregistrement des produits phytopharmaceutiques utilisés, et notamment du glyphosate. « Tout exploitant tient aujourd'hui un registre phytosanitaire. Le support du registre est laissé libre pour chaque utilisateur (papier ou numérique) mais nombreux sont ceux qui utilisent divers logiciels en ligne », notent les rapporteurs. Il suffirait donc de centraliser ces données pour éclairer les décisions politiques.
Des surcoûts à évaluer dans l'année
Les rapporteurs soulignent ensuite les difficultés rencontrées par les agriculteurs : manque de formation, lente transmission des solutions, degré de maturité insuffisant pour certaines alternatives, achat d'équipements supplémentaires pour désherber mécaniquement, besoins accrus en main d'œuvre… La sortie du glyphosate aura un coût, que les députés se refusent pour l'instant à quantifier. Les chiffres parus dans la presse ces derniers jours, de 50 € à 150 € par hectare, sont ceux avancés par certaines filières, a expliqué Jean-Baptiste Moreau. Ils n'ont à aucun moment été validés scientifiquement. « Nous allons tenter de les préciser dans l'année qui vient », indique le député. Et ce, filière par filière.
Les cas susceptibles d'obtenir des dérogations
La mission identifie enfin les situations pour lesquelles une sortie du glyphosate est prématurée, selon elle. C'est le cas des vignes ou vergers en forte pente, de l'agriculture de conservation qui pratique un non-travail des sols, ou encore de cultures de niche (comme le lin, le tabac) pour lesquelles les recherches d'alternatives n'ont pas été lancées. Les rapporteurs identifient également une difficulté dans la lutte contre certaines espèces invasives qui présentent des risques pour la santé publique (ambroisie, datura).