Robots
Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
Actu-Environnement

Gouvernance durable des entreprises : faut-il recourir au levier de la rémunération des dirigeants ?

En attendant de nouveaux textes de la Commission européenne en matière de RSE, plusieurs personnalités appellent à indexer la rémunération des dirigeants sur des objectifs environnementaux. Une pratique qui se développe dans les grands groupes du CAC 40.

Gouvernance  |    |  R. Boughriet
Gouvernance durable des entreprises : faut-il recourir au levier de la rémunération des dirigeants ?

Dans une lettre adressée le 25 janvier dernier, l'eurodéputé Pascal Canfin (1) et une vingtaine de P-DG de grands groupes européens ont appelé la Commission européenne à conditionner la rémunération variable des dirigeants à la réalisation d'objectifs environnementaux et de soutenabilité. De grands groupes français, comme Veolia, Engie et Spie, demandent à la Commission d'inscrire cette mesure dans son paquet législatif sur la gouvernance durable des entreprises attendu à la mi-février. Mais pour quoi faire ?

Privilégier la gestion de long terme

Permettre aux entreprises européennes de « mieux gérer » les questions liées à la « durabilité » dans leurs opérations et leurs chaînes de valeur, en ce qui concerne les droits sociaux et les droits de l'homme, le changement climatique, l'environnement, etc. C'est l'objectif visé par la proposition de directive en cours de finalisation, après une première consultation d'octobre 2020 à février 2021. Les entreprises sont encouragées à privilégier la création de valeur « durable à long terme, plutôt que les aspects financiers à court terme ».

Ce texte prévoit de renforcer « le devoir de vigilance des entreprises, le fait de ne plus importer de produits qui ont été fabriqués avec du travail forcé », explique Pascal Canfin. La Commission pourrait aussi obliger les grandes entreprises européennes à se doter d'un « plan de transition climat pour expliquer comment elles ajustent leurs modèles économiques » pour limiter le réchauffement à 1,5 °C d'ici à la fin du siècle, ajoute-t-il. Et donc aller plus loin que communiquer les informations sur leurs risques climatiques dans le reporting extra-financier. Bruxelles doit encore préciser le champ d'application du devoir de vigilance pour les filiales des grandes entreprises concernées et leurs sous-traitants, ainsi que les petites et moyennes entreprises (PME) qui seraient visées. À noter : la France fait déjà figure de pionnière dans l'UE, avec sa loi adoptée, dès 2017, sur le devoir de vigilance. Celle-ci impose aux multinationales françaises et à leurs sous-traitants de veiller au respect des droits humains et environnementaux.

Obliger les entreprises à ouvrir le débat

Pour les grandes entreprises européennes, le paquet de la Commission pourrait aussi être l'occasion d'« intégrer une clause » imposant que la part variable de la rémunération des dirigeants exécutifs soit adossée à des « objectifs de soutenabilité », propose Pascal Canfin. « Les dirigeants des filiales, les directeurs financiers, les directeurs des achats, les directeurs logistiques, etc. seraient concernés. Les « bonus » ne seraient donc plus uniquement liés à la performance financière de l'entreprise et au court-terme. On laisserait la main aux entreprises pour fixer leurs objectifs environnementaux et le montant de la rémunération », explique l'eurodéputé. Ces objectifs peuvent concerner le climat, la réduction des emballages en plastique ou la protection de la biodiversité. « L'idée est de créer le cadre européen qui oblige la gouvernance de l'entreprise à avoir ce débat au départ, et à l'arbitrer. Il faut que cette mesure soit présente dès la proposition de la Commission », plaide-t-il, pour ensuite être débattue par le Parlement et les ministres de l'UE.

Plusieurs centaines de grandes entreprises européennes (dont les multinationales françaises Axa, Danone ou L'Oréal) auraient déjà indexé une partie de la rémunération variable de leurs dirigeants – entre 10 et 20 % (pour la grande majorité), voire 30 % – sur l'atteinte d'objectifs environnementaux, constate Pascal Canfin.

CAC 40 : le climat est le critère environnemental le plus utilisé

Établir cette part du salaire variable à 20 % minimum pour les dirigeants, mais aussi leurs salariés (cadres supérieurs et managers), est aussi préconisé par l'association Orée dans son rapport (2) , dévoilé le 3 février, qui traite de la gouvernance durable des entreprises. « Intégrer des critères de durabilité dans les politiques de rémunération témoigne de l'implication de l'ensemble des acteurs de l'entreprise dans la réussite de la stratégie de durabilité », souligne l'association.

Pour Juliette Allione, chargée de mission reporting RSE chez Orée, « la rémunération apparaît de plus en plus comme un levier pertinent pour aligner les intérêts des acteurs de l'entreprise sur la stratégie de leur organisation, et les inciter à des pratiques et des décisions qui les amènent à pleinement contribuer à la transition écologique des acteurs économiques et de notre société ».

De grands groupes français du CAC 40 ont introduit des critères de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) au système de rémunération variable annuel de leurs dirigeants. En 2021, 74 % des entreprises du CAC 40 (sur 39 analysées) ont ainsi intégré au moins un critère quantitatif sur le climat dans la politique de rémunération variable de leur directeur général. Ce chiffre est tiré du baromètre (3) publié en novembre 2021 par l'Institut français des administrateurs (IFA), Ethics et Boards et Chapter Zero France.

L'indicateur quantitatif de réduction des émissions de CO2 est le plus utilisé par les entreprises qui intègrent des objectifs environnementaux dans cette rémunération. Viennent ensuite des critères sur l'efficacité énergétique, la consommation d'énergie (en distinguant les énergies fossiles et les énergies bas carbone), et la préservation des ressources naturelles (biodiversité, eau, forêt, etc.), le recyclage et traitement des déchets et l'économie circulaire. « Le taux d'atteinte des ambitions environnementales est également parfois utilisé », explique Orée dans son rapport.

Quels que soient les critères et les aspects de la rémunération, Orée souligne l'importance de « conserver une cohérence » avec l'objectif environnemental de l'entreprise. « Certains critères retenus peuvent avoir des effets secondaires pernicieux. Par exemple, le seul critère de réduction de l'empreinte carbone peut conduire à des fuites d'activités brunes à l'étranger pour verdir rapidement et artificiellement l'activité de l'entreprise. D'où l'importance également de prendre en compte l'ensemble des émissions directes et indirectes (scopes 1, 2 et 3). Il importe également de prendre en compte une diversité de critères quantitatifs », recommande l'association.

1. Télécharger la lettre initiée par Pascal Canfin envoyée à la Commission européenne
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-39101-Letter-Remuneration-of-executive-directors-must-be-linked-with-sustainability.pdf
2. Télécharger le rapport d'Orée Vers une gouvernance d'entreprise durable
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-39101-gouvernance-entreprise-durable.pdf
3. Télécharger le baromètre Le climat dans la politique de rémunération 2021 des CEO du CAC 40
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-39101-Barometre-Remuneration-Climat.pdf

RéactionsAucune réaction à cet article

Réagissez ou posez une question à la journaliste Rachida Boughriet

Les réactions aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Je veux retrouver mon mot de passe
Tous les champs sont obligatoires

Partager

Green Save Planet, faciliter la rénovation énergétique des foyers précaires AXDIS PRO