Le suspens a pris fin ce mercredi après-midi avec l'annonce du gouvernement d'Edouard Philippe. Deux jours après la nomination du Premier ministre, c'est un gouvernement resserré, autour de dix huit ministres, qui vient d'être nommé. Si celui-ci n'est pas particulièrement connu pour ses positions en faveur de l'environnement, en revanche, le Président de la République Emmanuel Macron a fait le choix d'un grand ministère de la Transition écologique, avec à sa tête l'écologiste Nicolas Hulot.
Un Premier ministre peu porté sur l'écologie
Le nouveau Président de la République, qui n'a pas mis les questions environnementales au cœur de son programme électoral, a envoyé un drôle de message aux défenseurs de l'écologie en nommant à Matignon Edouard Philippe. Les associations environnementales ont immédiatement réagi à la nomination du Premier ministre.
Avant d'être élu maire du Havre (Les Républicains), Edouard Philippe a en effet occupé le poste de directeur des affaires publiques d'Areva (de 2007 à 2010). "Il a joué un rôle de lobbyiste auprès des élus de l'Assemblée nationale au sujet des mines d'Areva au Niger", souligne le Réseau Sortir du nucléaire qui s'inquiète de ce signal en début de quinquennat.
Mais les interrogations ne s'arrêtent pas là… Alors qu'Emmanuel Macron a indiqué qu'il entendait poursuivre les objectifs de la loi de transition énergétique, adoptée pendant le quinquennat de François Hollande, il a nommé un chef de gouvernement peu engagé sur ces questions. En tant que député de Seine-Maritime, Edouard Philippe a voté contre cette loi (mais aussi celle sur la biodiversité), à l'instar des parlementaires du groupe Les Républicains. Jugé pro-nucléaire, il est également opposé à la fermeture de la centrale à charbon du Havre, qui emploie 180 personnes. Il a également été cosignataire, en 2012, d'une proposition de résolution parlementaire demandant la création d'une commission d'enquête sur l'exploitation en France des hydrocarbures de schiste pour évaluer l'opportunité ou les risques de ces forages. En revanche, en tant qu'élu normand et maire du deuxième port de France, il est plutôt favorable aux énergies marines renouvelables et, plus généralement, à l'économie bleue.
Très impliqué sur les débats concernant la réforme territoriale, il a en revanche peu abordé les questions environnementales lors de son mandat parlementaire. L'une de ses seules interventions sur le sujet dans l'hémicycle concernait le projet du Canal Seine-Nord, en mars 2015. Il s'inquiétait alors de l'impact environnemental "considérable" de ce projet, "sans que rien ne garantisse la réalité du report modal de la route vers le canal". Mais il redoutait surtout un "coup de pouce aux ports d'Anvers et de Rotterdam" au détriment des ports français. Plus récemment, il s'est dit favorable au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Nicolas Hulot à la tête d'un large ministère de l'Environnement ?
Emmanuel Macron a créé la surprise en nommant Nicolas Hulot à la tête du ministère de la Transition écologique. Encore plus surprenant : le fait que l'ancien animateur télé, devenu peu à peu le porte-voix de la nature, ait accepté, alors qu'entre les deux tours, il jugeait assez durement le programme du candidat En marche dans une tribune publiée dans le journal Le Monde : "Ce projet est en première lecture trop souvent le prolongement d'un modèle économique qui n'est pas la pierre angulaire de la justice sociale et de la dignité humaine. La poursuite d'un jeu à somme nulle qui épuise les ressources, détruit la nature et concentre les richesses".
Le président de la fondation pour la nature qui porte son nom a-t-il reçu les garanties nécessaires à son engagement ? Probablement pour que l'homme engagé accepte, pour la première fois à 62 ans, un poste de ministre qu'il a, à une ou plusieurs reprises, décliné. Longtemps conseiller de l'ombre des hommes de pouvoir (Juppé, Chirac…), il sera candidat malheureux à la primaire Europe Ecologie Les Verts en vue de la Présidentielle de 2012.
Nommé "envoyé spécial pour la protection de la planète" par le Président François Hollande, il parcourra le monde à la rencontre des chefs d'Etat et de la société civile, dans les mois précédents la Conférence de Paris sur le climat (COP 21). Alors que de nombreuses personnes le poussaient à se porter candidat en 2017, il renonce finalement par manque de préparation, comme il l'expliquera dans les colonnes du magazine Society du 30 mars. Non sans amertume, au vu de la faible place accordée à l'environnement dans la majorité des programmes…
"J'essaierai d'être le gardien du temple, a-t-il déclaré mercredi soir lors de la passation de pouvoir face à Ségolène Royal. J'ai été du côté de ceux qui exigeaient, rôle sans doute plus facile que celui que je vais exercer maintenant, celui de ceux qui réalisent", a-t-il expliqué. "Mon but est de faire en sorte que la créativité déjà à l'oeuvre dans certaines petites et moyennes entreprises, dans le tissu associatif ou les collectivités territoriales soit le standard de demain".
Le nouveau ministre a salué le travail de son prédécesseur. Il a ainsi qualifié Ségolène Royal de "dame courage" et a exprimé sa "gratitude" : "Vous êtes tout bonnement irremplaçable". Nicolas Hulot estime qu'elle a mené un combat difficile mais elle lui laisse "un socle d'acquis qui va peut être rendre [sa] position plus confortable".