« Il nous faut aussi simplifier nos procédures. Nous avons déjà commencé de le faire, mais il faut accélérer pour raccourcir nos délais et permettre le déploiement plus rapide des projets de production d'énergie ou d'intrants critiques sur notre sol », a déclaré le Premier ministre en présentant, le 16 mars, le plan de résilience du gouvernement à la suite de l'agression russe en Ukraine.
Pour cela, l'exécutif annonce la mise en œuvre de plusieurs mesures issues du rapport que lui a remis Laurent Guillot. Cet ex-cadre dirigeant du groupe Saint-Gobain avait reçu, en juillet 2021, une lettre de mission signée par quatre ministres (Transition écologique, Cohésion des territoires, Transformation, Industrie) en vue de proposer des mesures d'accélération et de simplification des implantations d'activités économiques.
« Depuis le début du quinquennat, le gouvernement a fait de l'attractivité de la France une priorité », rappellent les quatre ministres dans un communiqué commun. Celui-ci mentionne les réformes de simplification apportées par la loi Pacte de 2019 et par la loi Asap de 2020, qui a mis en œuvre les conclusions du rapport Kasbarian sur l'implantation des activités industrielles. La première de ces lois a notamment intégré la notion de « plateforme industrielle » dans le Code de l'environnement. La seconde a procédé à plusieurs simplifications du droit de l'environnement : autorisation de travaux de construction avant d'obtenir l'autorisation environnementale, simplification des règles applicables à la participation du public et à l'évaluation environnementale, assouplissement des règles applicables aux installations classées (ICPE).
Mettre fin aux inventaires faune-flore sur quatre saisons
Alors que ces simplifications avaient été très critiquées par des spécialistes du droit de l'environnement, les ministres jugent au contraire « essentiel de poursuivre ces efforts pour faciliter l'implantation d'activités économiques ». Outre un renforcement de l'autorité des préfets dans le suivi des projets d'implantation, avec la nomination d'un sous-préfet à l'investissement dans chaque région, ils annoncent une clarification de la doctrine relative aux différentes procédures administratives.
Dans ce cadre, il est prévu, en premier lieu, une circulaire sur la réalisation des inventaires faune-flore. « En France, l'Administration demande en pratique un inventaire faune-flore sur quatre saisons, de manière quasi-systématique aux porteurs de projets, relève le rapport Guillot L'adaptabilité du périmètre et de la durée de l'étude faune-flore est pourtant induite par le principe de proportionnalité de l'étude d'impact prévu en droit français, qui suggère en particulier d'inventorier la biodiversité lors des périodes les plus sensibles. » La « clarification de la doctrine » devrait, par conséquent, se traduire par la suppression de l'obligation de conduire cet inventaire sur une année entière lorsqu'elle n'apparaît pas justifiée.
Une deuxième circulaire est annoncée en vue de renforcer les échanges entre l'Administration et les porteurs de projets en amont de la procédure d'autorisation, afin de limiter les demandes de pièces complémentaires en cours de procédure. La mission Guillot proposait de fixer l'objectif « zéro demande de pièces complémentaires », tout en admettant que l'Administration puisse continuer à en demander, mais « en nombre sensiblement réduit ».
La mission a également formulé une proposition visant à anticiper l'enquête publique dans la procédure « en l'initiant à l'issue d'une seule étude de recevabilité du dossier par les services ». Ce qui nécessitera une réforme de la procédure d'autorisation environnementale. « Cette proposition permettrait de renforcer la participation des habitants et des collectivités territoriales en la faisant démarrer plus tôt dans la procédure, ce qui permettrait au public de faire évoluer le projet », estime le gouvernement, qui souhaite engager un travail technique sur celle-ci. Mais l'objectif est aussi, et surtout, de réduire les délais d'instruction des projets de plusieurs mois.
Orienter vers des sites à moindre enjeu environnemental
Les ministres annoncent une deuxième série de mesures, dont l'objectif est d'orienter les porteurs de projets, qu'ils soient industriels ou logisticiens, vers des sites à « plus faibles enjeux environnementaux » dans la continuité des sites « clés en main » proposés depuis janvier 2020. Pour ces sites, les procédures relatives à l'urbanisme, à l'archéologie préventive et à l'environnement sont menées en amont par un aménageur de manière à pouvoir accueillir des porteurs de projets dans des délais raccourcis.
« Ce dispositif est à juste titre la pierre angulaire de la politique du gouvernement en faveur de la simplification et l'accélération des implantations d'activités. Les investisseurs doivent pouvoir s'y fier sans rencontrer de délais "cachés" à la suite de leur décision d'implantation », analyse Laurent Guillot dans son rapport. Or, la mission a relevé que le cahier des charges du dispositif n'était pas toujours respecté sur le terrain, en particulier en ce qui concerne l'anticipation de l'inventaire faune-flore. Le gouvernement retient donc la proposition visant à garantir le respect dans la durée des critères d'éligibilité du label « clés en main » afin de sécuriser les porteurs de projets.
Les ministres annoncent également un appel à propositions « grands sites », afin d'identifier entre trois et cinq sites de plus de 300 hectares susceptibles d'accueillir des implantations industrielles importantes. Cet appel à propositions, qui serait lancé auprès de consortiums constitués de Régions et d'intercommunalités, devrait concerner des sites présentant « des enjeux environnementaux modérés » et localisés, « si possible sur du foncier déjà artificialisé ou une friche », recommande la mission.
Enfin, les quatre ministres annoncent une meilleure mobilisation du Fonds friches pour implanter des activités économiques. Ce fonds, mis en place en septembre 2020 par le plan de relance et dont la pérennisation a été annoncée par le chef de l'État en septembre dernier, profite actuellement davantage à des projets de logements qu'à des projets industriels ou logistiques, relève la mission. Celle-ci propose, par conséquent, de l'orienter davantage vers ces derniers afin de constituer des réserves foncières à usage industriel dans un contexte de rareté du foncier et de lutte contre l'artificialisation des sols.
À cet égard, Matignon annonce, avant la fin du quinquennat, une ordonnance permettant de « simplifier certaines procédures pour faciliter les implantations dans les zones déjà artificialisées » dans le cadre d'une habilitation votée dans la loi Climat et résilience.