Le CGEDD (1) a rendu public le 19 mars un rapport sur les dégâts du grand gibier (2) (cerfs, chamois, chevreuils, isards, mouflons, sanglier, blaireau). Cette instance avait été saisie avec le CGAAER (3) par les ministres de l'Ecologie et de l'Agriculture afin de mener une mission d'inspection sur les mesures à mettre en œuvre pour diminuer ces dégâts.
Des signaux inquiétants
Les auteurs de la mission relèvent un certain nombre de "signaux inquiétants" qui démontrent, selon eux, la nécessité de renforcer l'action de régulation des populations de grand gibier en France.
Quels sont ces signaux ? Il s'agit, selon le rapport, de l'augmentation constante du montant des indemnisations payées par les fédérations départementales des chasseurs (27,3 M€ en 2009/2010), de la dégradation croissante des peuplements forestiers par les cervidés, des difficultés rencontrées par les agriculteurs dont les prairies sont parfois fortement endommagées par les sangliers, de même que la présence indésirable de ces espèces en milieu urbain et péri-urbain (estimation de 4.000 sangliers à Berlin) ou sur les voies de circulation (35.000 accidents provoqués par des animaux sauvages en France en 2008).
"A ces constats s'ajoute la suspicion grandissante quant à l'existence de liens entre certaines épizooties touchant notamment les bovins et les porcins, et l'existence d'une faune sauvage infectée sur le même territoire", indique le rapport. "Si ce lien se confirmait et si la situation évoluait de manière défavorable, l'impact économique pourrait être très conséquent", s'alarment les auteurs.
Face à ce constat plutôt alarmant, que propose le rapport ? "Il convient, comme cela a été initié dans le cadre du plan « sanglier » engagé en 2009, de mettre en place une véritable politique territoriale, et ceci sur l'ensemble du pays", indique la mission. La mise en place des actions proposées devrait permettre "le retour à une situation normale dans les trois à cinq ans, selon la gravité de la situation".
Les recommandations sont au nombre de dix. Parmi celles-ci, la mission préconise de mettre en place une action graduée selon les départements et, à l'intérieur de chacun d'eux, selon les unités de gestion. Dans les départements en urgence ou en alerte, le rapport propose la mise en place d'un plan d'action, l'interdiction de création d'élevages de sangliers, et l'encouragement du classement de cette espèce en espèce nuisible.
La mission préconise aussi de faciliter le prélèvement des espèces de grand gibier surabondante : amélioration des moyens d'exercice de la mission des lieutenants de louveterie (4) , assouplissement des modalités de tir du sanglier lorsque l'espèce est classée nuisible, suppression de prélèvement maximal pour le sanglier, suppression du plan de chasse au chevreuil et au sanglier dans les départements en alerte ou en urgence, suppression du caractère systématique des réserves en ACCA (5) pour le grand gibier. Pour prévenir le développement incontrôlé des dégâts, le rapport recommande d'interdire l'agrainage (6) et d'encourager le développement des jachères faunistiques en bordure de forêt.
Les auteurs du rapport préconisent également de réformer le fonds d'indemnisation des dégâts en instituant le principe de "responsabilisation des territoires" par une "contribution de chaque unité cynégétique calculée proportionnellement au montant des dégâts qui y sont constatés" et en prévoyant "un plafonnement de la part prélevée sur les taxes par animal". Cette réforme passerait aussi par un élargissement de "la responsabilité de l'équilibre agro-sylvo-cynégétique" à l'ensemble du territoire, y compris les zones non chassées, "et en les faisant contribuer au financement du fonds". Il s'agirait aussi d'élargir le champ d'intervention du fonds aux dégâts forestiers et d'améliorer le dispositif d'indemnisation pour les prairies.
Sujet sensible
Pour la mission, l'Etat se doit d'initier la dynamique proposée, en étroite coopération avec l'ensemble des acteurs concernés, et en particulier avec les chasseurs "qui sont parfaitement conscients de la nécessité de conserver la maîtrise de la situation". Mais il doit aussi "veiller constamment à la totale indépendance et à l'objectivité des acteurs publics sur ce sujet sensible", concluent les auteurs du rapport.