L'ONG écologiste Greenpeace a réalisé ce matin une nouvelle opération-surprise pour dénoncer le manque de sécurité des centrales nucléaires françaises, cinq mois après son intrusion dans les sites de Nogent-sur-Seine (Aube) et Cruas (Ardèche) le 5 décembre dernier.
Deux militants en garde à vue
Avec un parapente à moteur, un militant a réussi à survoler ce matin vers 7h40 la centrale du Bugey (Ain), lancer des fumigènes puis à atterrir à l'intérieur du site, ''illustrant la vulnérabilité des sites nucléaires français face à la menace d'une attaque aérienne'', a déclaré Sophia Majnoni d'Intignano, chargée des questions nucléaires chez Greenpeace France dans un communiqué. ''Alors que l'Allemagne a pris en compte la chute d'avion dans ses tests de sûreté, la France refuse toujours d'analyser ce risque pour nos centrales", pointe-t-elle.
Le pilote de l'ULM a été interpellé par les gendarmes du Peloton de Sécurité et de Protection de la Gendarmerie (PSPG),''dans les minutes qui ont suivi", a assuré EDF, propriétaire de la centrale, tout en indiquant qu'il s'était posé "en dehors de la zone du bâtiment réacteur". Un second militant de Greenpeace, posté pour sa part à l'extérieur de l'enceinte nucléaire, a également été arrêté par les gendarmes. Il est soupçonné d'avoir guidé le pilote de l'engin dans sa manœuvre. Les militants ont tous les deux été placés en garde à vue.
La sécurité des centrales au cœur des présidentielles
Avec cette action, Greenpeace a souhaité remettre au cœur du débat présidentiel la sécurité des centrales françaises qui "ne sont pas conçues pour résister à la chute d'un avion de ligne", estime l'ONG en s'appuyant sur une étude commandée au cabinet britannique Large & Associates sur le sujet. Les 34 réacteurs de 900 MW, ceux du Bugey, mais aussi ceux de Fessenheim, Gravelines, Dampierre, Blayais, Chinon, Saint-Laurent et Cruas, seraient "particulièrement vulnérables aux agressions extérieures en raison d'un confinement primaire en béton simple doublé d'une paroi métallique intérieure", selon l'étude publiée ce mercredi sur le site de l'ONG. De même, les bâtiments abritant les piscines de refroidissement des combustibles irradiés seraient soumis à un risque de perforation ou d'effondrement de leur structure. ''Ces piscines, qui contiennent souvent plus de combustibles radioactifs que les réacteurs eux-mêmes, peuvent être à l'origine d'un accident nucléaire majeur'', indique Greenpeace.
Sur le site de la Hague seraient stockés, selon l'ONG, plus de 10.000 tonnes de combustibles irradiés dans des piscines de refroidissement, ainsi que 64 tonnes de plutonium. Ces matériaux hautement radioactifs ''ne sont protégés que par des bâtiments simples sans renforcement spécifique contre la menace aérienne'', pointe l'association.
Or, la chute d'un avion de ligne sur une centrale nucléaire, ''jugée peu probable par les autorités de contrôle, n'a jamais été prise en compte ni dans la conception, ni durant l'exploitation de nos installations'', regrette l'ONG. L'objectif de cette action est "d'adresser un message aux deux candidats à l'élection présidentielle Nicolas Sarkozy et François Hollande qui nient le risque du nucléaire", a dénoncé Sophia Majnoni. À 4 jours du second tour, Greenpeace les interpelle ''afin qu'ils s'engagent à lancer une analyse approfondie des risques d'agressions extérieures d'origine humaine sur les centrales nucléaires, dont la chute d'avion fait partie''.
François Hollande, l'un des deux candidats (PS) a aussitôt réagi sur RMC et BFMTV : "Greenpeace n'en est pas à son premier coup d'éclat. On voit bien ce que cette organisation veut démontrer, c'est qu'il y aurait des risques nouveaux d'insécurité sur les centrales. (...) Je fais confiance à l'Autorité de sûreté pour dire quels seraient les travaux qu'il conviendrait d'engager pour prévenir tout danger".
De son côté, EDF se veut une nouvelle fois rassurant sur l'impact de l'intrusion : ''La sûreté des installations n'a aucun moment été remise en cause. Les mesures de sécurité qui ont été renforcées en fin d'année 2011 ont permis une détection et une appréhension immédiate de l'auteur de l'intrusion'', a fait valoir l'énergéticien dans un communiqué. Les trois tranches nucléaires, la quatrième étant à l'arrêt pour maintenance, "fonctionnent normalement et la production n'est pas affectée", a ajouté le service communication de la centrale du Bugey.
Même son de cloche de la part du ministère de l'Intérieur, où l'on affirme avoir repéré le militant avant qu'il ne survole le site. "Le parapente à moteur a été détecté très rapidement puis suivi lors de son survol de la centrale. (...) Avant même qu'il ne survole la centrale, nous avions connaissance du fait qu'il s'agissait d'un militant écologiste menant une action médiatique", a déclaré à l'AFP le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Pierre-Henry Brandet.
Les deux militants de Greenpeace qui s'étaient introduits en décembre 2011 dans la centrale de Cruas avaient été relaxés le 28 février. Quant aux neuf activistes qui avaient pénétré dans la centrale de Nogent-sur-Seine, le tribunal correctionnel de Troyes (Aube) s'est lui déclaré incompétent le 21 février, renvoyant l'affaire au parquet.