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AccueilGrégoire Michel et Benoît ChevalierTerres rares et brevets : la Chine préserve son monopole

Terres rares et brevets : la Chine préserve son monopole

Grégoire Michel et Benoît Chevalier, Consultants chez Avenium Consulting, nous proposent leur expertise sur l’enjeu de l’activité inventive et de la propriété industrielle pour l’économie vert face aux tensions pour l’approvisionnement en terres rares.

Publié le 04/09/2011

Régulièrement sur le devant de la scène médiatique, les terres rares font l'objet d'une grande attention [12128] de la part des gouvernements occidentaux préoccupés par la révision régulière des quotas d'exportations chinois [13070]. Provenant à 97% de Chine et à travers leur utilisation courante, les terres rares sont devenues des matières premières hautement stratégiques pour les pays industriels, symboles d'une nouvelle ère technologique.

Que ce soit dans les domaines de l'automobile, de l'électronique, de l'aérospatiale, de la défense ou bien encore des énergies renouvelables, les terres rares et leurs propriétés particulières sont à l'origine des performances accrues de ces secteurs. Face au monopole chinois les gouvernements - Japonais, Américain, Européens - cherchent des alternatives économiques et technologiques pour réduire leur dépendance : recyclage, nouveaux procédés, réouverture de mines... Mais devant la dimension stratégique que revêtent ces ressources, les informations et la communication restent partielles. Ainsi, les brevets, grâce au caractère public des informations qu'ils comportent, sont d'excellentes sources d'informations complémentaires permettant d'identifier le positionnement stratégique de certains états et sociétés sur ce domaine.

« Au Moyen-Orient le pétrôle, à la Chine les terres rares1 »... et les brevets

Depuis plusieurs décennies, le gouvernement Chinois a pris la mesure de l'importance de ces métaux pour le développement de son industrie et la traduit directement en termes de stratégies commerciale, financière et technologique. La mise en place, en 2004, de quotas limitant l'exportation des terres rares en est le principal exemple. Alors qu'en 2009, la demande mondiale en terres rares a atteint 135.000 tonnes, ces quotas freinent considérablement la disponibilité de ces matériaux. La mise en place de quotas s'est également accompagnée par la prise de contrôle de sociétés minières étrangères et - depuis près de vingt ans - par une croissance continue des dépôts de brevets. On observe qu'en dix ans le nombre de dépôts annuel de brevet a été multiplié par dix en Chine alors que dans les autres zones géographiques, l'activité inventive ne croit que très faiblement.

Cette dynamique montre la volonté de la Chine d'accompagner sa politique commerciale par une politique technologique forte. Elle illustre autant la volonté gouvernementale de montrer la Chine comme un pays d'innovation, que la recherche de protection économique sur le sol chinois des procédés d'extraction de composés. Cette dernière thématique est en effet la plus récurrente dans les brevets chinois. Devant la hausse des contentieux sur les brevets dans ce pays, détenir des droits d'interdire l'extraction des composés devient un enjeu économique.

Cependant, bien que la Chine soit leader dans ce domaine, la propriété de ses brevets sur les terres rares est très éclatée et notamment entre les organismes de recherche publics (Changchun applied chemistry Institute, Baotou Research Institute, Beijing General Research Institute, ... ). La volonté affichée par le gouvernement, depuis quelques mois, de regrouper les sociétés existantes en grands groupes nationaux pour consolider la filière devrait permettre une concentration des compétences et du savoir-faire chinois. De ce fait, l'environnement des déposants devrait se transformer faisant apparaître des portefeuilles brevets plus importants et plus visibles, permettant à leurs propriétaires de venir concurrencer des entreprises historiques de ce domaine et remporter ainsi des parts de marché dans des secteurs à plus forte valeur ajoutée.

En termes stratégiques, on constate que les dépôts de brevets des entreprises et organismes académiques chinois privilégient la protection des inventions exclusivement sur leur territoire. Cette manœuvre pourrait s'avérer être très efficace dans le cas où le gouvernement Chinois favoriserait l'approvisionnement en terres rares des industriels étrangers qui installeraient leur activité en Chine. La simple protection des technologies en Chine constituerait dès à présent une très haute barrière d'entrée sur le marché chinois.

La savoir-faire Français : un atout pour sécuriser la filière européenne

Dans ce contexte, la sécurisation d'approvisionnement est un enjeu crucial pour de nombreuses industries. Plusieurs axes technologiques, porteurs d'innovations visant à réduire cette dépendance sont aujourd'hui étudiés : la réduction et l'optimisation de l'utilisation des terres rares, le développement de nouveaux procédés de recyclage ou bien encore la diversification des sources d'approvisionnement. À ce titre, Areva et Rhodia ont signé, en mai dernier, un accord de collaboration pour l'exploitation et la valorisation des gisements mixtes d'uranium et de terres rares.

Aujourd'hui, la propriété industrielle concernant les terres rares est détenue à plus de 50% par la Chine et le Japon, mais paradoxalement le déposant le plus actif - plus de 180 inventions brevetées - est l'entreprise européenne Rhodia, rachetée en 2011 par Solvay. Leader sur le marché des terres rares séparées, l'entreprise développe et entretient un important savoir faire qu'elle a hérité en partie de la recherche de Rhône Poulenc. Le savoir-faire français dans ce domaine est très visible avec des déposants très actifs tels que Saint-Gobain, le CNRS et le Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA). Ce dernier est d'ailleurs le principal déposant d'origine académique avec un portefeuille brevet d'une quarantaine d'inventions. Ces dépôts résultent des recherches menées pour les domaines des énergies renouvelables et du nucléaire deux domaines étroitement liés aux terres rares.

Autre source d'approvisionnement d'importance pour les pays européens, le recyclage est un axe technologique majeur où le nombre d'inventions croît progressivement chaque année. Bien qu'ils soient encore peu nombreux par rapport à la masse totale de brevets, ceux concernant le retraitement des terres rares représentent environ 10% de l'ensemble. Dans ce domaine, l'activité inventive française est encore très importante. Preuve en est en janvier 2011 avec l'annonce de Rhodia, d'un procédé de recyclage des poudres luminophores contenues dans les ampoules basse consommation pour en extraire les terres rares.

L'économie verte en danger ?

Comme pour de nombreux domaines technologiques, la propriété industrielle tient une place prépondérante sur l'ensemble de la filière et laisse apparaître la nécessité pour les industriels de mettre le brevet au cœur de leur stratégie de développement.

À l'heure où les énergies renouvelables sont au centre de la diversification énergétique de nombreux pays, la dépendance de ces filières vertes aux métaux et terres rares montre que leur développement est intimement lié à la gestion des ressources minières chinoises. Les difficultés d'approvisionnement devraient au contraire constituer une opportunité d'innovation pour substituer et recycler ces matériaux. Il s'agit là d'axes de développements importants pour la « croissance verte » pour réduire son impact environnemental si souvent montré du doigt, et renforcer sa propriété industrielle face à l'agressivité de la Chine en la matière.

Avis d'expert proposé par :

Benoît Chevalier (Consultant Senior / NTIC et électronique)
Ingénieur en techniques avancées (ISTASE - Saint Etienne). Il est aussi diplômé d'un mastère spécialisé en management de l'innovation et de la technologie (ESC - Toulouse). Il a travaillé en tant qu'ingénieur brevet dans un cabinet de conseil en Propriété Industrielle. Sa participation au développement des algorithmes d'évaluation et des méthodologies d'analyses est l'une de ses principales contributions. En outre, Benoît a pu acquérir une expertise dans les domaines suivants : Internet des Objets, M2M, Smartconnectivity, Smartcard et de nombreux projets liés à l'énergie thermique de la mer.

Grégoire Michel (Consultant / Microélectronique)
Ingénieur en électronique (CPE Lyon) et diplômé d'un mastère spécialisé en Management de la Technologie et de l'Innovation (EM Lyon). Il a travaillé dans le domaine du Photovoltaïque pour application spatiale (Center for Advanced Materials – University of Houston) et des semi-conducteurs (matériaux III-V). Grégoire a rejoint Avenium Consulting en 2010. Il a pu acquérir une expertise dans les domaines de l'énergie, de l'électronique et autres sciences de l'ingénieur.

Les terres rares en quelques chiffres
- Les terres rares sont une famille de 17 métaux comprenant les 15 lanthanides, le scandium et l'yttrium.
- En 2010, les réserves mondiales d'oxydes de terres rares étaient estimées à 110 millions de tonnes.
- En 2010, la Chine a subvenue à 97% de la demande mondiale en exportant près de 130.000 tonnes d'oxydes de terres rares.
- D'ici 2015, la demande mondiale devrait croitre, en moyenne, de 10% par an.
- Depuis 2004, Pékin a instauré des quotas et réduit ses exportations de 5 à 10% par an.
- En 2011, la production chinoise en terres rares sera limitée à 93.800 tonnes avec un gèle des délivrances de nouvelles licences de prospection ou d'exploitation de gisements jusqu'en 2012.
- Le moteur de la Toyota Prius Hybride contient 1kg de néodyme et chaque batterie entre 10 et 15kg de lanthane.
- Une éolienne à système magnétique peut contenir jusqu'à 600kg de terres rares.
- La production d'une tonne de terre rare peut potentiellement produire 1,4 tonne de déchets radioactifs ainsi que des déchets liquides et gazeux acides.

1 Phrase de Deng Xiaoping en 1992

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Crédits photos : Avenium Consulting, 2011

1 Commentaire

Cédric

Le 04/09/2011 à 19h32

Excellent article, je partage votre analyse sur quasiment tous les points.

Cédric

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