
Annonçant que le temps de l'action est venu, le président de la République a affirmé dans son discours, qu'il allait engager une révolution totale dans la méthode de gouvernance et qu'il engageait à porter et à mettre en œuvre les propositions issues du Grenelle de l'environnement, qu'il a confirmé faire siennes. C'est bien à une révolution que nous invite ce Grenelle de l'environnement, a-t-il jugé, une révolution dans nos façons de penser, dans nos façons de décider, une révolution dans nos comportements, dans nos politiques, dans nos objectifs et dans nos critères. Le Président a d'ailleurs demandé à ce que toutes les décisions publiques soient arbitrées en intégrant leur coût environnemental. Al Gore a quant à lui plaidé pour un Grenelle mondial soulignant qu'il fallait agir ensemble.
Le Président était attendu pour statuer sur les propositions : suspension de la culture commerciale des OGM en attendant une loi, réduction de moitié de l'usage des pesticides agricoles, développement des énergies renouvelables, investissement dans la recherche, les logements et les transports propres.
Lors de son discours, Nicolas Sarkozy a en effet promis une politique d'investissement massif dans les transports. La France va construire 2.000km de lignes nouvelles de TGV d'ici à 2020 et plus de 1.500km de tramway, voies de bus et vélo, hors Ile-de-France. Autre mesure concernant les transports : la création d'une écopastille. La taxe écologique annuelle sur les véhicules neufs les plus polluants doit permettre de financer le retrait des vieilles voitures polluantes grâce à une prime à la casse progressive et durable, pour aider au rachat d'un véhicule propre, a-t-il déclaré.
Concernant la taxe Carbone, dont les effets présumés ont été très controversé, le Président s'est engagé à étudier la création d'une taxe climat-energie qui viendrait en contrepartie d'un allégement de la taxation du travail. À ce sujet, il a demandé à la Commission européenne d'étudier une taxe sur les produits importés de pays qui ne respectent pas le protocole de Kyoto. À l'inverse il a également demandé la création d'une TVA à taux réduit sur tous les produits écologiques qui respectent le climat et la biodiversité et s'est prononcé contre toute fiscalité supplémentaire qui pèserait sur les ménages et les entreprises.
Il n'est pas normal qu'un produit traversant le monde coûte moins cher qu'un produit local […] il faut traiter ce dossier au niveau communautaire, a-t-il lancé à José Emmanuel Barroso, en précisant la nécessité de taxer les produits venant de pays ne respectant pas le protocole de Kyoto d'ici 6 mois. Il faut traiter le dumping environnemental au niveau européen.
En ce qui concerne l'agriculture, le président de la République a demandé au ministre de l'agriculture, Michel Barnier, de lui proposer avant un an, un plan pour réduire de 50 % l'usage des pesticides dont la dangerosité est connue, si possible dans les dix ans qui viennent. Pour atteindre cet objectif il a promis d'accélérer la mise au point de substances de substitution et jugé urgent de renforcer la recherche publique.
Au niveau de la recherche, Nicolas Sarkozy a annoncé un programme doté d'un milliard d'euros sur quatre ans pour les énergies et les moteurs du futur, la biodiversité et la santé environnementale.
Là où nous dépensons un euro pour la recherche nucléaire, nous dépenserons également un euro pour la recherche sur les technologies propres et sur la prévention des atteintes à l'environnement, a annoncé Nicolas Sarkozy, tout en précisant que même si je ne veux pas créer de nouveaux sites nucléaires, je sais que nous ne devons pas renoncer à cette énergie.
Le Président a, notamment sur ce point, promis un droit à la transparence totale en s'engageant à ce que toutes les données sans exception seront désormais communicables, y compris sur le nucléaire et les OGM, a-t-il expliqué.
Le chef de l'Etat a par ailleurs tenu à défendre le principe de précaution, que la commission Attali sur la libération croissance avait proposé de retirer. Proposer sa suppression au motif qu'il briderait l'action repose à mes yeux sur une grande incompréhension, a déclaré le président de la République. Le principe de précaution n'est pas un principe d'inaction. C'est un principe d'action et d'expertise pour réduire l'incertitude, a-t-il poursuivi. Le principe de précaution n'est pas un principe d'interdiction. C'est un principe de vigilance et de transparence. Il doit être interprété comme un principe de responsabilité.
Concernant le bâtiment, le chef de l'Etat a confirmé que toutes les constructions neuves devront répondre aux normes de basse consommation d'ici à 2012, et qu'en 2020, toute nouvelle construction sera à énergie positive. Pour les logements anciens, le Président souhaite un plan de rénovation de quatre cent mille logements par an, en commençant par les 800.000 logements HLM dégradés.
Le Président de la République a également promis que, dès que des alternatives existeront à prix raisonnable, les appareils les plus consommateurs d'énergie seront interdits. Nous le ferons en 2010 pour les ampoules à incandescence ou les fenêtres à simple vitrage, a-t-il précisé.
Enfin, sur la question des OGM, question qu'il fut probablement la plus difficile à débattre lors du Grenelle, le Président a déclaré vouloir suspendre leur culture commerciale en attendant les conclusions d'une expertise à conduire par une nouvelle instance, qui sera créée d'ici à la fin de l'année tout en précisant au Président de la Commission européenne que la directive en la matière sera bien transposée par le Parlement français.
Largement attendu, le discours prononcé par le président Nicolas Sarkozy a finalement suscité de nombreuses réactions de satisfaction. À tel point qu'il suscite aussi des réactions de prudence dans l'attente de la mise en place des mesures annoncées. Les associations environnementales ont globalement salué le discours, mais attendent toutefois des actes. On a fait en quelques mois ce qu'on n'a pas fait en une dizaine d'années, a estimé l'animateur Nicolas Hulot, qui a donné 18 sur 20 au président. Le discours de Nicolas Sarkozy marque l'acte I d'un nouveau dialogue environnemental et d'une nouvelle démocratie écologique, a dit Sébastien Genest, le Président de France Nature Environnement tout en soulignant qu'il serait très vigilant à ce que le jeu des lobbies et des vieilles habitudes ne vienne empêcher la mise en application des mesures.
Pour Yannick Jadot, le porte-parole de l'Alliance pour la planète, le processus participatif affiché est intéressant, et le Président annonce des avancées concrètes, mais le flou continue de planer sur des sujets parmi les plus lourds : pesticides, incinération, nucléaire… Nicolas Sarkozy n'a pas dépassé les contradictions françaises.
Parmi les mécontents, Sortir du Nucléaire, un réseau de 700 associations qui avait refusé de participer au Grenelle, a estimé que l'annonce du président d'un gel du nombre de sites nucléaires était aussi ridicule que provocatrice. La France a déjà plusieurs centaines de sites nucléaires répartis sur tout le territoire et, de plus, les projets de nouvelles installations sont tous sur des sites déjà existants, indique le Réseau dans un communiqué.
Du côté des partis politiques, on souligne des avancées même si l'on reste prudent. CAP 21, parti écologiste présidé par l'ancienne Ministre Corinne Lepage se félicite que le chef de l'Etat fasse sienne la proposition de New Deal Ecologique qu'elle avait avancée en 2006. Le changement est notable dans le discours, la volonté est affichée, reste à en attendre désormais la traduction en actions et en moyens dans la loi et dans l'ensemble des décisions publiques pour savoir si la révolution écologique tant attendue est en marche, souligne Eric Delhaye, porte-parole de CAP 21.
Le PS a, de son côté, affirmé qu'il restait dubitatif sur la volonté réelle du Président de la République et de sa majorité d'aller jusqu'au bout de l'ensemble des annonces. La vraie question qui nous est posée maintenant, c'est celle de la mise en œuvre et des moyens financiers qui vont être dégagés.
Enfin les Verts considèrent que l'ensemble des mesures proposées par Nicolas Sarkozy sont séduisantes mais à condition qu'elles soient mises en œuvre. Le Grenelle de l'environnement n'est pas fini. Il commence à peine, avertit Yann Wehrling, Porte-parole des Verts.