Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé, à l'issue d'une réunion tenue à Lyon (Rhône) du 24 au 31 mai 2011 et réunissant 31 scientifiques issus de 14 pays, qu'il considère les champs électromagnétiques des téléphones portables comme des "cancérogènes possibles pour l'homme" classés en catégorie 2B au côté de 266 éléments.
Ce classement est le plus bas des trois catégories de l'OMS pour les agents potentiellement cancérogènes : l'échelon 2A correspond aux "cancérogènes probables" (59 agents) et la classe 1 aux "cancérogènes avérés" (107 agents).
L'usage intensif du portable pointé du doigt
Cette réévaluation du risque potentiel associé aux champs électromagnétiques concerne en particulier les gliomes, des tumeurs cérébrales cancéreuses "associées à l'usage des téléphones sans fil", précise le CIRC.
Concrètement, les chercheurs ont jugé qu'il y a des "preuves limitées" de lien entre l'usage des téléphones portables et l'occurrence de gliomes ou de neurinomes acoustiques, une tumeur nerveuse non cancéreuse. Pour l'OMS, le terme "preuves limitées" signifie qu'"une association positive a été observée entre l'exposition à l'agent et l'occurrence du cancer dont [est évaluée] la crédibilité du lien causal, mais le hasard, un biais ou une confusion ne peuvent être écartés avec une certitude raisonnable." Si le CIRC ne chiffre pas le risque, il fait néanmoins explicitement référence à "une étude, sur l'usage passé du téléphone portable jusqu'en 2004, qui montre une hausse de 40% du risque de gliomes dans la catégorie des utilisateurs fréquents (en moyenne 30 minutes par jour sur 10 ans)."
Quant au lien entre l'usage des mobiles et d'autres types de cancers, le CIRC le juge actuellement "inadéquat", ce qui signifie que les études disponibles ne permettent pas encore de trancher.
L'Anses estime que sa position est confirmée
Sans surprise, cette nouvelle évaluation suscite de nombreuses réactions alors que le précédent classement de l'OMS, critiqué par les opposants au portable, était la base de l'argumentaire des opérateurs.
Pour l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), "les conclusions et les recommandations émises par le CIRC rejoignent les avis et recommandations déjà émises par l'Agence, notamment dans son rapport de 2009." En octobre 2009, elle avait formulé des recommandations pour réduire l'exposition du public et développer la recherche. Des mesures prise en compte par la loi Grenelle 2, estime l'Anses, qui cite l'affichage du Débit d'absorption spécifique (DAS) des téléphones, l'obligation de fournir un kit oreillette lors de la vente d'un mobile et les mesures concernant les populations plus sensibles comme les enfants.
L'Anses rappelle par ailleurs qu'elle poursuit ses travaux sur le sujet et qu'elle a lancé un groupe de travail permanent sur le sujet, un appel à projets de recherche financé grâce au produit d'une taxe sur les émetteurs radiofréquences dont 2 millions d'euros lui sont directement affectés et un comité de dialogue "radiofréquences et santé" réunissant les parties prenantes afin d'éclairer l'Agence sur les attentes de la société dans ce domaine.
Les opérateurs pointent les biais possibles
Du côté des opérateurs, la première réaction est venu d'outre-atlantique et de l'Association internationale pour les communications sans fil (CTIA). La CTIA pointe le terme "preuves limités" et la définition donnée par l'OMS. Si l'Association rappelle que la définition fait état de possibles biais, elle passe sous silence le fait qu'une association positive ait été observée entre l'exposition à l'agent et l'occurrence du cancer étudié.
Par ailleurs, la CTIA indique que "le CIRC mène de nombreuses études et a classé par le passé les légumes vinaigrés et le café dans la même catégorie." Ils rappellent enfin que "la Commission fédérale américaine sur les communications (FCC) a conclu qu' 'il n'y a pas de preuves scientifiques démontrant que l'usage des téléphones sans fil puisse causer un cancer' [et que] l'Agence américaine des aliments et des médicaments (FDA) a aussi établi que 'le poids des preuves scientifiques ne relit pas les téléphones portables à un quelconque problème de santé'."
La Fédération française des télécoms (FFT), pour sa part, "prend acte que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classifié l'ensemble des ondes radio comme 'peut-être cancérogènes pour l'homme' (catégorie 2B) […] comme il l'a déjà fait pour 900 agents et substances présents dans des produits de consommation courante."
Comme son homologue internationale elle pointe la classification du café et des légumes vinaigrés et indique que "le lien entre cancer et ondes radio n'est pas démontré en l'état des données scientifiques acquises."
Il revient aux autorités sanitaires de faire évoluer leur position
Par ailleurs, la Fédération revient sur la situation française et précise que "le ministère de la Santé applique déjà une approche de précaution au téléphone mobile parce qu'il considère qu'aucun danger n'est établi, que des incertitudes demeurent et donc que les recherches doivent se poursuivre." Contrairement à la CTIA qui cite les conclusions des organismes américains, la FFT s'appuie sur le commentaire publié par l'Anses et souligne que l'OMS rejoint la position française.
Rappelant que les opérateurs français "appliquent, depuis plusieurs années, cette approche de précaution, par exemple en incluant un kit oreillette dans chaque coffret", la FFT estime qu'"il revient maintenant à ces autorités sanitaires d'indiquer si elles font évoluer leur position pour chaque appareil et service émettant des ondes radio, compte tenu des niveaux d'exposition constatés et au regard de la classification qui vient d'être annoncée."