
Directeur du CREDEN de l'université de Montpellier
Actu-environnement : Pourriez-vous détailler les principaux coûts du kWh français?
Jacques Percebois : Un kWh est vendu entre 12 et 13 centimes d'euro au client domestique. Le prix hors taxes et hors Contribution au service public de l'électricité (CSPE) est d'environ 10 centimes et se décompose en deux parties à peu près égales : le prix de l'électricité elle-même et le coût de d'utilisation du réseau de transport et de distribution.
AE : S'agissant du coût de l'électricité, quelle évolution attendre?
JP : Il y a une vérité historique dont il faut tenir compte : les périodes d'investissement s'accompagnent de hausses de prix. Or, nous sommes en période d'investissement et cela se traduira donc par une hausse des prix. La révision décennale des centrales nucléaires, en vue d'un prolongement de l'activité, va débuter avec la centrale de Fessenheim. Ensuite il y a le développement des énergies renouvelables qui lui aussi impose de supporter le surcoût lié aux prix de rachat garantis très rémunérateurs. Enfin, la hausse des prix du pétrole, du gaz, indexé sur celui du pétrole en Europe, et du charbon, renchérit le prix du kWh produit à partir des centrales thermiques. Quelle que soit la source de production les coûts sont en hausse. Il faut de plus investir dans les réseaux et cela va avoir un impact sur les péages d’accès à ces réseaux.
AE : La révision des centrales nucléaires est-elle onéreuse?
JP : Il y a en France 58 réacteurs qu'il faut réviser dans les 10 ans à venir. Le coût des travaux à entreprendre est difficile à évaluer. Au début EDF évoquait un prix de 400 millions d'euros par réacteur pour des investissements qui permettront d’allonger la durée d’exploitation et aujourd'hui l'entreprise évoque plutôt 600 millions, voire 700. Ces investissements dit ''de jouvence'' sont importants car il faut changer à peu près l'ensemble des éléments, mis à part la cuve qui constitue le coeur de la centrale. Néanmoins cela reste moins cher que de construire une nouvelle centrale. Enfin, les chiffres avancés sont à considérer avec précaution. Au moment où la loi Nome impose à EDF de céder à prix coûtant 20% de son électricité nucléaire à ses concurrents, les coûts supportés seront expertisés avec attention par le régulateur qui voudra en vérifier la justesse.
AE : Qu'en est-il des investissements lié au stockage des déchets nucléaires? EDF s'inquiète de la dérive des coûts du futur centre d'enfouissement.
JP : Effectivement, EDF s'est inquiété du coût du projet de stockage profond de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (
AE : Et s'agissant des investissements dans les énergies renouvelables?
JP : Les investissements sont lourds et pour l'instant le coût du kWh reste élevé. Ce surcoût est pris en compte via la CSPE qui permet de dédommager EDF pour le prix élevé payé aux producteurs d'électricité à partir des sources énergétiques renouvelables. Les prix payés pour l'éolien sont d'environ 8,5 centimes par kWh, et ceux du photovoltaïque ont atteint jusqu'à 61 centimes par kWh. Ils se situent actuellement autour de 58 centimes dans le meilleur cas.
AE : Justement, le photovoltaïque est aujourd'hui pointé du doigt.
JP : Le système est bon, mais il y a clairement eu des abus, avec par exemple des agriculteurs qui gagnent une partie importante de leurs revenus non pas grâce à leur activité agricole, mais grâce aux mètres carrés de panneaux photovoltaïques dont ils ont couvert les toits de leurs hangars. C'était un simple effet d'aubaine pour profiter d'un tarif pensé à l'origine pour le photovoltaïque intégré au bâtit résidentiel. Pour l'instant la CSPE est bloquée à 4,5 euros par MWh et sa hausse est débattue. Surtout que la part de la CSPE finançant l'aide sociale contre la précarité énergétique est amenée à croître. Certains députés évoquent une hausse de 1 à 2,5 euros par MWh, soit entre 0,1 et 0,25 centimes par kWh.
AE : Vous évoquiez la part du prix de l'électricité qui rémunère l'usage du réseau. Quelle évolution escompter?
JP : S'agissant du coût lié au réseau, c'est principalement la distribution, avec un réseau couvrant l'ensemble du territoire, qui détermine le prix. Le coût du transport sur longue distance est plus faible en pourcentage : environ 15% du coût du kWh hors taxe est imputable au transport et 30% à la distribution. Or là aussi, il va falloir investir, notamment pour enfouir une partie du réseau de distribution. Autre investissement prévu, la mise en œuvre des réseaux électriques intelligents qui permettent au consommateur de mieux maîtriser sa consommation. Ces investissements se répercuteront sur le Tarif d'utilisation des réseaux publics (Turpe). Par contre les nouveaux raccordements de producteurs d'électricité verte seront payés par les producteurs et non pas par une hausse du Turpe ce qui est légitime.
AE : Finalement, le prix de l'électricité est-il moins cher en France par rapport aux autres pays européens?
JP : Si l'on s'intéresse au prix hors taxes pour les consommateurs particuliers, c'est vrai qu'il est de 25 à 35% moins cher que la moyenne européenne, ce qui prouve que le consommateur français a déjà profité de l’effort fait dans le passé en faveur du nucléaire. Par contre ce n'est pas le moins cher de l'Union européenne. Pour les gros industriels, le prix est plus ou moins équivalent à celui de la moyenne européenne, cela dépend en fait du tarif retenu et dans certains cas il reste plus bas.