Des factures qui doublent, triplent ou pire encore : depuis quelques semaines, la hausse des prix de l'électricité affole les services financiers des collectivités locales. Et les exemples de difficultés commencent à se multiplier : de cette commune de 3 800 habitants qui voit sa facture passer de 14 000 à 50 000 € pour une école, une cantine et une salle des fêtes, à cette région qui devra débourser plusieurs millions d'euros supplémentaires…. Selon l'Association des Petites villes de France (APVF), 90 % des collectivités seraient déjà touchées quelle que soit leur taille, avec des capacités d'absorption très inégales pour chacune. À moyen terme, cette épée de Damoclès menace aussi celles qui venaient juste de signer leur contrat d'approvisionnement avant l'envolée des tarifs, puisque ces derniers n'excèdent pas trois ans.
Par an et par habitant, le coût de cette énergie devrait atteindre 350 €, selon les calculs de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Un problème d'autant plus crucial pour les élus que ces dépenses destinées au service public sont majoritairement contraintes. « Une usine peut mettre ses activités à l'arrêt quelques temps. Mais on ne peut pas stopper la production d'eau potable, ni fermer les écoles », rappelle Lionel Guy, chef du service énergies renouvelables (ENR) de la FNCCR.
Des économies d'urgence
Afin de tenter de desserrer rapidement cet étau, certaines collectivités choisiront de fermer plus souvent la salle des fêtes, renoncerons à faire fonctionner le centre aquatique ou voteront l'extinction de l'éclairage public nocturne. Celles qui disposent des ressources en interne lanceront sans doute un audit sur l'utilisation des locaux ou du chauffage... Mais, dans l'immédiat, leurs marges de manœuvre restent assez faibles. D'autant plus qu'en matière d'aide, rejetant l'idée d'une dotation, le gouvernement s'en tient pour le moment aux deux mesures classiques : la baisse de la Taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) qui aura peu d'effet sur les dépenses des grosses collectivités, et le maintien à 4 % de la hausse du tarif réglementé de vente (TRV) qui ne concernent que les petites communes non soumises au marché concurrentiel.
Outre une possible hausse de la fiscalité et des tarifs des services publics – pour l'eau par exemple –, les acteurs des territoires craignent un report des investissements, notamment dans les domaines clefs de la rénovation énergétique des bâtiments et de la transition écologique en général.
Sobriété et production locale
Mais d'autres solutions de plus long terme commencent aussi à s'imposer ou à émerger, notamment au sein des agglomérations et des collectivités les plus engagées dans des démarches durables. La rénovation énergétique de leurs bâtiments pourrait ainsi s'accélérer – quitte en effet à différer d'autres investissements – et la thématique de la sobriété prendre plus d'importance. Autre piste qui suscite de plus en plus d'intérêt : l'installation de panneaux photovoltaïques, en autoconsommation ou non, sur les toitures des bâtiments publics. « On sent que les collectivités commencent à se questionner sur la valorisation de leur patrimoine » indique Lionel Guy. En attendant l'émergence des communautés d'énergie, la création de sociétés de production d'ENR détenues par des acteurs locaux est également d'actualité.
Un accompagnement nécessaire
« Viser ainsi les économies d'énergie et le développement des ENR, envisager la transition écologique comme un moteur d'autonomie énergétique, plutôt que de compter sur des aides financières court-termistes, c'est pour nous la vraie solution. On le répète depuis des mois sans être entendus », commente Anne Auclair. Cependant, quelles que soient les solutions choisies, elles ne seront pas à la portée de tous, alerte la responsable de projets. « Les petites communes manquent de ressources et d'ingénierie en interne pour animer des projets, solliciter des aides, y voir clair dans les programmes, remplir des dossiers, étudier des contrats très complexes… Elles ont besoin d'être mieux accompagnées, de pouvoir s‘adresser à un guichet unique. C'est le rôle de l'état de leur donner les moyens de faire émerger leurs projets. » Si des conseillers sont théoriquement à leur disposition, comme ceux de l'Ademe dédiés aux ENR ou ceux du département pour les diagnostics de performance énergétique des bâtiments publics, ils sont pour le moment tous débordés.
Une réglementation remise en cause
Les contrats avec des fournisseurs sur 15 ou 20 ans, de type PPA (Power Purchase Agreement), pourraient constituer une alternative, défendue par l'APVF et l'Association des maires de France (AMF). Mais ils devront pour cela être simplifiés et adaptés à l'échelle des collectivités ou des groupements d'achat locaux. Engie et la FNCCR, entre autres, y travaillent. Ces contrats pourraient également s'appliquer aux sociétés de production locales. Mais ils ne sont pas autorisés pour le moment. « C'est la brique qui nous manque, souligne Lionel Guy. Si les ministères s'en emparent, elle pourrait aboutir au prochain semestre. »
D'une manière générale, les associations d'élus et autres acteurs locaux réclament une amélioration des techniques d'achat de la commande publique, qui leur paraissent aussi compliquées qu'inadaptées, accompagnées d'indicateurs pour faciliter le choix des fournisseurs. Certains, comme l'AMF et la FNCCR, vont même jusqu'à remettre en cause les règles actuelles du marché de l'énergie, préconisant un accès au tarif règlementé de vente pour toutes les collectivités qui le souhaiteraient. D'autant plus, soulignent-ils, que la tendance à la hausse des prix risque de se poursuivre longtemps. Mais convaincre les autorités risque de prendre encore plus de temps…