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Actu-Environnement

Une huile de palme ''durable'' est-elle possible ?

L'huile de palme est présentée depuis quelque temps comme l'ennemi juré de l'environnement (et de la santé). Retour sur ce produit qui est devenu l'arbre qui cache la forêt des nombreuses dérives d'une société de consommation mondialisée…

   
Une huile de palme ''durable'' est-elle possible ?
   
L'huile de palme a été érigée en symbole. Symbole de la ''tuerie organisée'' des forêts primaires, symbole des multinationales qui nient les droits humains, symbole des industriels de l'agroalimentaire négligeant les questions environnementales, symbole de la malbouffe… Ou comment un produit attire à lui seul des accusations qui le dépassent largement ? Car au-delà de l'huile de palme, c'est un système entier qui doit être remis en cause : l'industrie agroalimentaire, la consommation de masse et le régime alimentaire occidental.
Actu-Environnement fait le point avec Alain Rival, coordinateur des recherches sur l'huile de palme au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), sur un sujet beaucoup plus complexe que certains ne voudraient le laisser entendre.

Déforestation : le palmier à huile n'est pas le seul coupable

Il n'est pas rare de lire que l'huile de palme est responsable de la déforestation en Indonésie. Pourtant, selon Alain Rival, ''il n'y a pas de lien absolument direct entre déforestation et huile de palme. En vingt ans, 20 millions d'hectares ont été déforestés en Indonésie alors que ''seulement'' 3 millions d'hectares de palmiers ont été plantés. Il y a une multitude d'autres causes à la destruction des forêts tropicales : l'usage du bois pour l'ameublement, pour la cuisine, pour la pâte à papier… Le plus souvent, les terrains déforestés pour ces besoins sont ensuite laissés à l'abandon. Aujourd'hui, il y a plusieurs dizaines de millions d'hectares de terres dégradées en Indonésie''.
Alors pourquoi ces accusations ? Si l'huile de palme est attaquée, c'est parce qu'elle est largement utilisée par l'industrie agroalimentaire et cosmétique. Un produit de grande consommation sur dix vendus en Europe contiendrait de l'huile de palme. Bon marché, elle est la première huile consommée dans le monde (25 %), devant l'huile de soja (24 %), de colza (12 %) et de tournesol (7 %). Avec le boom des marchés émergents, la demande devrait exploser dans les années à venir. C'est cette évolution qui inquiète, car elle risque de ne pas être encadrée.
D'autant que le palmier à huile est la culture tropicale qui rapporte le plus, autour de 2.000 dollars par hectare et par an. ''Mais contrairement à ce qu'on lit souvent dans les journaux, la culture du palmier à l'huile n'est pas seulement le fait de multinationales. 60 % des exploitants sont de petits planteurs, analyse Alain Rival. Cette culture a contribué à l'élévation du niveau de vie de dizaines de milliers de personnes dans des pays où certains meurent de faim. Un instituteur ou un commerçant qui hérite de terres va être tenté de se lancer dans cette culture pour payer les études de ses enfants ou avoir un complément de revenus. Il y a donc eu un boom des petites plantations.''

Boycott ou huile de palme durable ?

Selon le chercheur, plus que freiner la culture du palmier à huile, il faut l'organiser, l'accompagner. Principal levier d'action : le marché. Alors que certains préconisent le boycott (des industriels sont déjà passés à l'acte ''à grand bruit'' en floquant leurs produits d'une marque ''sans huile de palme''), pour Alain Rival, ''c'est une très mauvaise idée utilisée par certains pour faire un coup marketing''. Et d'expliquer : ''si les pays du Nord boycottent ce produit, c'est une catastrophe. Certes, le système est déséquilibré aujourd'hui, mais il faut le tirer vers le haut et seuls les pays du Nord peuvent y contribuer. Il ne faut pas compter sur l'Inde, la Chine ou le Pakistan, qui représentent 60 % du marché, pour s'engager sur des critères éthiques ou durables ! Si la vieille Europe se retire de ce marché, celui-ci continuera à se développer sans limites. Il faut au contraire tirer le secteur vers la durabilité''.
Quelle solution ? ''Nous souhaitons développer des critères de durabilité. Premièrement, sur les territoires cultivés : à qui sont-ils ? Les populations sont-elles consentantes ? Les salariés ont-ils des droits sociaux ? Deuxièmement, sur la culture elle-même : il ne faut pas planter n'importe quoi. Selon les estimations, la demande va nécessiter un doublement de la production d'huile de palme d'ici 2050, or, on ne peut pas doubler les surfaces d'exploitation. Il faut donc adopter des pratiques intensives intelligentes pour produire la plus grosse quantité d'huile par surface. Enfin, il faut faire de la planification de paysage. Créer des zones sanctuaires, à haute valeur de conservation, où les espèces et les populations sont protégées. C'est un travail qui doit être réalisé de manière collective, avec des écologues, des ONG… Il faut éviter toute frontière directe entre ces zones et les champs de culture. Il est nécessaire de créer des zones tampons autour, une agroforêt par exemple, où animaux et populations vont et viennent. Une dizaine de projets de ce type est développée aujourd'hui à Bali avec des ONG''.
Le CIRAD s'est impliqué dans ce sens dans la très contestée Table ronde pour une huile de palme durable (RSPO en anglais), lancée en 1994 par des industriels. La certification volontaire qu'ont mis en place les parties prenantes est aujourd'hui dénoncée par de nombreux acteurs. Alain Rival y croit : ''le système n'est pas parfait mais il a le mérité d'exister. Il faut être pragmatique : si l'on met des conditions trop strictes dès le départ, on va louper le coche. L'offre provient principalement des petits producteurs, il ne faut pas l'oublier. Les acheteurs veulent d'ores et déjà une étiquette, un label à coller sur leur produit. Mais qui va payer ça ? C'est une phase conflictuelle où chacun essaie de faire porter le poids de la certification sur l'autre. La démarche est longue, il faut discuter, écouter pour faire évoluer les choses… Il faut également organiser la traçabilité de l'huile de palme, qui n'existait pas jusqu'à présent. Il faut du temps pour organiser tout ça''. Près de 40 producteurs sont certifiés. Deux millions de tonnes d'huile de palme ont été certifiées aujourd'hui, ce qui représente 4 % de la production actuelle.
Le marché peut-il à lui seul être gage de durabilité ? ''L'idée est que les principes et critères soient inscrits dans le droit de chaque pays. Pour cela, nous avons besoin du soutien des gouvernements. Si au départ la RSPO était une initiative business to business, il manque autour de la table les Etats eux-même. Les gouvernements indonésiens et malaisiens se sont engagés récemment sur des moratoires sur la déforestation mais ce sont des démocraties relativement jeunes, il y a des problèmes de corruption. L'arrêt de la déforestation sera un processus lent qui nécessite l'aide des pays du Nord. Le poids politique est très important sur cette question, on l'a vu à Copenhague''.
Dans le cadre de la conférence d'Oslo sur la déforestation et le climat les 27 et 28 mai dernier, la Norvège s'est engagée à consacrer jusqu'à un milliard de dollars à la préservation des forêts indonésiennes, après l'annonce de la mise en place d'un moratoire de deux ans quelques jours plus tôt par le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono.

Réactions7 réactions à cet article

M.D., Ph.D. epidémiologie nutritionnelle

même durable, l'huile de palme est riche en un acide gras athérogène, l'acide palmitique

MG | 08 juillet 2010 à 10h10 Signaler un contenu inapproprié
pb de santé

suis bien d'accord que beaucoup de personnes sont dépendantes des ventes de l'huile de palme.
Je regrette cependant que l'article ne parle pas des effets néfastes de la graisse (plutôt que l'huile) de palme ne soient nullement mentionnés. Quelle soit durable ou non...
Personnellement je continuerai de boycotter les produits en contenant

Figaro | 08 juillet 2010 à 10h56 Signaler un contenu inapproprié
allucination et dégout

Ce problème ne date pas d'aujourd'hui et pourtant les seuls résultats sont une certification mole ne couvrant que 4% de la production et quelques producteurs 14001 (pas dit dans votre article) mais ce qui ne change pas c'est qu'avant d'être des plantation monoculture à biodiversité médiocre voire nulle (à cause des multiples traitements et entretiens sur les plantations pour améliorer le rendement), ces zones étaient de la FORÊT PRIMAIRE !!! Ces forêts sont des sources de vie incontestables avec de multiples avantages à long terme (alimentation équilibré et de qualité des populations locales, éco-tourisme, sources d'innovations scientifiques grâce aux biomollécules et organisations physiologiques du vivant, etc.) ; il faut DES SIÈCLES pour qu'une forêt atteigne son stade de climax (milieu dont les écosystèmes sont développés au maximum et en équilibre parfait) ! Et des compagnies (autant que des petits producteurs peut-être : sources du chiffre à vérifier...) ont tout rasé à coup de napalm enflammé ! (après, il ne reste qu'une terre morte désolée : les animaux qui ont pu fuir l'ont fait mais sans milieux, les populations décroissent à grande vitesse par régulation naturelle)
... et cet homme ose proposer des solutions moles et lentes en accord avec le marché, etc.
Il y a bien d'autres huiles, bien d'autres manières d'en produire que sur ces sols là (qui ont étés choisi - ou plutôt volés - pour leur extrême richesse) et un peu moins de gras partout dans tout les produits alimentaires manufacturés ne ferrait pas de mal !
...Quand aux individus qui ont laissé faire ça, ils devraient subir la pire des sentences : autoriser ou organiser une perte comme celles-ci est extrêmement pire que tuer quelqu'un...

Lionel Sanchez
Bac +3 développement durable industriel
DUT Hygiène-Sécurité-Environnement
habitant de la terre

Anonyme | 08 juillet 2010 à 11h23 Signaler un contenu inapproprié
Puit de carbone

Bonjour,

Il ne faut pas oublier que le palmier a huile est un exellent puit de carbone.
Une fois planté , les paysans ne le touchent plus car il est une source de revenus.
Donc il vaut mieux avoir des palmiers a huile qu'une foret devastée.

GC | 09 juillet 2010 à 05h21 Signaler un contenu inapproprié
Des plantations familiales de palmiers à huile

Merci pour l'article sur l'huile de palme durable en effet, le modèle des gerandes plantations industrielles est un modèle dangereux pour les écosystèmes . Votre proposition des réaliser des plantations très intensives avec des ceintures écologiques est intéressante Mais pourquoi ne pas s'orienter vers des plantations familiales avec objectifs de restauration des écosystèmes dans des zones où la forêts à disparue. Je pense particulièrement au Bénin et à Madagascar .
Les chercheurs du CIRAD ne nous ont pas encore proposé un modèle de plantation qui puisse permmettre à des familles des vivre avec une plantation de palmiers dans un système agroforestier viable. Il nous faut inventer ce système et le proposer aux politiques des pays où le palmier à huile à un avenir économique.
A mon avis au lieu de toujours crier au scandale proposons des solutions acceptables pour améliorer le climat sur notre planète.
Jean Yves Clavreul
jean-yves.clavreul@wanadoo.fr

clavreul | 09 juillet 2010 à 08h56 Signaler un contenu inapproprié
Gestion économique oui. Mais la santé publique ?

Je rejoints Figaro. Il faut que les pays du Nord donnent une impulsion pour que n'importe quoi ne soit fait sur le plan économique et "écologique". Mais je suis déçu que la principale raison pour laquelle l'huile de palme (qui contient des acides gras saturés et insaturés) est décriée ne soit pas abordée dans l'article :les interrogations sur la santé. On se rend compte que la santé passe après l'argent. L'huile d'olive par exemple est considérée comme une des meilleures pour la santé. Mais ses couts de production étant plus élevés que ceux de l'huile de palme, pour la santé on verra plus tard. Oui, plus tard lorsqu'un des partenaires d'un grand groupe agro-alimentaire tirant grand profit du commerce de l'huile de palme aura mis au point un médicament miracle permettant de guérir des dommages liés à une trop forte consommation de cette huile. Et la boucle sera boucler. "Je vous vends un produit que les scientifiques considèrent comme pas très recommandable pour la santé, quand vous en souffrirai, j'aurai la potion à vous vendre". Business quand tu nous tiens !

Sophie Fabrégat merci pour cett article qui aurait été plus complet avec une laïus sur l'huile de palme et la santé.

Kakounet | 17 juillet 2010 à 00h22 Signaler un contenu inapproprié

je suis d'accord sur tous............

lola | 06 janvier 2011 à 18h18 Signaler un contenu inapproprié

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