Avec la loi sur l'énergie de juillet 2005 et la récente loi sur l'eau adoptée fin 2006, représentants un nouvel équilibre entre intérêts énergétiques et environnementaux, l'hydroélectricité devrait connaître un renouveau en France.
Première filière de production d'énergies renouvelables en France, l'hydroélectricité représente 14% de la production d'électricité. La puissance installée s'élève actuellement à 24.000 MW contribuant à produire 70 TWh d'électricité par an sur les 480 TWh consommés chaque année par le pays. Si sa participation peut paraître faible par rapport aux installations nucléaires, l'hydroélectricité est un élément clé pour l'équilibre du système électrique français car elle est modulable. Associées à un réservoir de type lac ou barrage, les installations hydroélectriques permettent de stocker de l'énergie qui peut, selon les besoins, être mobilisée très vite. Ainsi l'électricité de source hydraulique peut atteindre sa production nominale en 3 minutes alors qu'il faut 11 heures pour une centrale thermique et environ 40 heures pour un réacteur nucléaire. C'est pourquoi les usines de lac, les installations fonctionnant en
éclusée et les
stations de transfert d'énergie par pompage sont utilisées en période de forte demande et peuvent produire environ 33 TWh modulables par an. Cette forme de production d'électricité a d'ailleurs été très sollicitée lors de la panne électrique qu'a connu l'Europe le 4 novembre 2006 : 5.000 MW de barrages ont permis de limiter la panne.
Ces installations modulables à souhait sont complétées par des installations au fil de l'eau qui se trouvent sur les grands fleuves et qui produisent de l'électricité en continu, injectée directement sur le réseau. Sur l'année, ces installations contribuent à hauteur de 37 TWh de la demande en électricité française.
Outre le fait d'être modulable, rappelons que l'hydroélectricité est une énergie renouvelable, stockable, nationale et non productrice de gaz à effet de serre qui pourrait donc avoir une place importante dans le mixte énergétique français et aider à la réalisation des objectifs de l'hexagone qui sont de consommer 21% d'électricité issue de sources renouvelables d'ici 2010.
Un potentiel hydroélectrique d'environ 13 TWh/an supplémentaireC'est pourquoi, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (MINEFI) s'est penché sur le potentiel de développement de la filière. Il en résulte dans le rapport présenté par Fabrice Dambrine, haut fonctionnaire au développement durable au MINEFI, que la France possède un potentiel hydroélectrique techniquement exploitable d'environ 98 TWh/an alors qu'elle n'en produit que 70 actuellement. Selon le rapport, la France pourrait produire 23 TWh de plus en renforçant ces installations actuelles comprises en 10 et 50 MW ou en en construisant de nouvelles. Il serait également possible de produire 4 TWh supplémentaires grâce aux petites unités de 0,1 à 10 MW (petite hydraulique) et 1 TWh supplémentaire en rénovant les anciens moulins déjà installés sur les rivières. En effet, 30.000 moulins pourraient accueillir des installations de pico-hydraulique (puissance comprise entre 10 kW et 100 kW).
Cependant, la construction d'ouvrages hydroélectriques n'est pas exempte d'impact sur les écosystèmes fluviaux et entre en conflit avec d'autres usages de l'eau comme la pêche, l'agriculture, le tourisme ou encore le « non-usage » de l'eau qui consiste à laisser l'eau libre pour préserver les sites. C'est pourquoi, certains cours d'eau classés dits « réservés », certains Site d'Importance Communautaire (SIC), certains lieux intégrés dans une Zone de Protection Spéciale de l'environnement ou dans un parc naturel ne peuvent pas accueillir de nouvelles installations hydrauliques ou alors sous certaines conditions. Ainsi, dans son rapport Fabrice Dambrine estime que le potentiel réel de développement de l'hydroélectricité est d'environ 13 TWh/an supplémentaire.
Un nouveau cadre réglementaireCette recherche d'un nouvel équilibre entre intérêts énergétiques, économiques et environnementaux a été au cœur des débats lors de la rédaction de la législation et de la réglementation qui est entrée en vigueur dernièrement. La
loi de programme de juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique de la France a apporté des modifications dans le domaine de l'hydraulique : réalisation d'une évaluation du potentiel hydroélectrique par zone géographique et prise en compte de ce potentiel par les
SAGE et les
SDAGE, possibilité d'augmenter de 20% la puissance des installations déjà existantes… Ces modifications ont permis de fixer de nouveaux objectifs pour le développement de la filière. L'
arrêté du 7 juillet 2006, relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité prévoit que d'ici 2015, la filière produisent 7 TWh supplémentaires par an. 2 TWh seront obtenus par l'amélioration de l'existant, 2 TWh par de nouvelles centrales d'environ 30 MW, 2 TWh de
petites centrales d'environ 1 MW et 1 TWh en équipant les nombreux moulins.
Ces nouvelles dispositions et ces objectifs énergétiques ont, bien entendu, été discutées lors de la rédaction de la
loi sur l'eau qui a été adopté fin 2006. Par conséquent la nouvelle loi sur l'eau prévoit de déconcentrer et de simplifier les procédures de classement des rivières en revoyant les critères des cours d'eau « réservés » où aucun ouvrage n'est possible. Mais elle rappelle que tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage. A compter du 1er janvier 2014, ce débit minimal devra être égal à 1/10e du débit moyen annuel du cours d'eau. Cependant certaines dérogations sont prévues pour les centrales modulables déterminantes pour l'équilibre du système électrique et pour les rivières dont le débit moyen annuel est supérieur à 80 m3/s.
Avec ce nouveau cadre législative et réglementaire la France souhaite renouer avec son hydroélectricité et tente d'éviter de reproduire les mêmes erreurs écologiques que par le passé. Toutes ces nouvelles dispositions vont très vite entrer en vigueur puisque de nombreuses concessions doivent êtres renouvelés dans les prochaines années. Tous les acteurs réunis à l'occasion d'un colloque organisé hier par l'
ADEME et l'Union Française de l'Electricité semblent satisfaits, même s'il reste plusieurs choses à fixer surtout sur le plan logistique et administratif.
“La France ne peut pas faire l'impasse sur le potentiel hydroélectrique” (article paru le 15/11/2005) Entre projet de loi sur l'eau et loi énergie, l'hydroélectricité se situe au cœur de l'actualité environnementale. Anne Pénalba, vice présidente du Groupement des Producteurs Autonomes d'Energie hydroélectrique (GPAE), décrit pour Actu-Environnement, les enjeux de la petite hydroélectricité. Lire la news
Loi du 13/07/2005 (ECOX0400059L) Loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (Loi POPE)
La loi POPE fixe la stratégie française et les objectifs à atteindre en matière d'énergie. Pour cela la loi se base sur :
* La maîtrise de la demande d'énergie ;
* La diversification du bouquet énergétique ;
* Le développement de la recherche et de l'innovation dans le secteur de l'énergie ;
* La maîtrise des moyens de transport et de stockage adaptés aux besoins.
Pour cadrer les actions à conduire pour l'application de cette loi, la France se donne des objectifs chiffrés :
* Le soutien à un objectif international d'une division par 2 des émissions mondiales de gaz à effet de serre d'ici 2050, ce qui nécessite une division par 4 ou 5 des émissions pour les pays développés ;
* La réduction en moyenne de 2 % par an d'ici à 2015 de l'intensité énergétique finale (rapport entre la consommation d'énergie et la croissance économique) et de 2,5 % d'ici à 2030 ;
* La production de 10 % des besoins énergétiques français à partir de sources d'énergie renouvelables à l'horizon 2010 ;
- une production intérieure d'électricité d'origine renouvelable à hauteur de 21 % de la consommation en 2010 contre 14 % actuellement, soit + 50 % ;
- le développement des énergies renouvelables thermiques pour permettre d'ici 2010 une hausse de 50% de la production de chaleur d'origine renouvelable ;
- l'incorporation de biocarburants et autres carburants renouvelables à hauteur de 2 % d'ici au 31 décembre 2005 et de 5,75 % d'ici au 31 décembre 2010.
* La mise en œuvre de trois plans mobilisateurs pour les économies d'énergie et le développement des énergies renouvelables :
- Le plan ''L'énergie pour le développement '' pour étendre l'accès aux services énergétiques des populations des pays en développement ;
- Le plan ''Face sud '' dans le bâtiment doit permettre l'installation de 200 000 chauffe-eau solaires et de 50 000 toits solaires par an en 2010 ;
- Le plan ''Terre Énergie '' pour atteindre une économie d'importations d'au moins 10 millions de tonnes équivalent pétrole en 2010 grâce à l'apport de la biomasse pour la production de chaleur et de biocarburants.
La loi de programme sur les orientations de la politique énergétique prévoit également le maintien de l'option nucléaire en France. En savoir plus
Arrêté du 07/07/2006 (INDI0607832A) Arrêté du 7 juillet 2006 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité (PPI) En savoir plus
Loi du 30/12/2006 (DEVX0400302L) Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA).
Loi LEMA : déclinaison française de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau (Directive cadre sur l'eau ou DCE) En savoir plus
Définition de « Centrales d'éclusée » Ces centrales hydroélectriques ont une réserve d'eau qui correspond à une période d'accumulation assez courte (moins de 400 heures de débit). Aux heures les moins chargée de la journée ou de la semaine, on reconstitue le stock pour apporter un con... Lire la définition
Définition de « Stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) » Les stations de transfert d’énergie d’énergie par pompage (STEP) sont des installations hydroélectriques qui puisent aux heures creuses de l'eau dans un bassin inferieur afin de remplir une retenue en amont (lac ... Lire la définition
Définition de « Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) » En France, le schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) décline à l'échelle d'une unité hydrographique ou d'un système aquifère les grandes orientations définies par le SDAGE.... Lire la définition
Définition de « Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) » Depuis la loi sur l'eau de 1992, la France possède deux outils de planification dédiés à la gestion de la ressource en eau : les SDAGE et les SAGE. Les Schémas Directeur d'Aménagement et de Gestion de l'Eau (SDAGE) fixent pour chaque grand bassin ... Lire la définition
Définition de « Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME) » Établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle des Ministères chargés de l'Environnement, de l'Industrie et de la Recherche. L'ADEME participe à la mise en œu... Lire la définitionArticle publié le 24 juillet 2008