Tous les hydrogènes ne se valent pas. Une étude, publiée le 12 août dans la revue Energy Science & Engineering et menée par un duo de chercheurs des universités Cornell et de Stanford, atteste que l'hydrogène bleu n'apporte « aucun bénéfice » en matière de décarbonation. « Nous suggérons que l'hydrogène bleu n'est qu'une distraction, qui ne fait que reporter des actions nécessaires véritablement capables de décarboner l'économie mondiale de l'énergie », concluent les scientifiques.
L'hydrogène en couleurs
Les différents types de dihydrogène (H2) sont classés communément par couleur. L'hydrogène vert est celui produit par électrolyse de l'eau grâce à de l'électricité provenant d'énergies renouvelables. Pour rappel, depuis septembre 2020, le gouvernement français encourage en priorité la production de ce type d'hydrogène (6,5 GW visé d'ici 2030), à l'aide d'une enveloppe de 7 milliards d'euros.
L'hydrogène gris, quant à lui, est issu du vaporeformage, une méthode venant surchauffer la vapeur de gaz naturels comme le méthane (CH4) – ce qui émet une certaine quantité de gaz à effet de serre, en fonction de la source de l'électricité employée. L'hydrogène bleu, enfin, provient, comme le précédent, du vaporeformage de gaz naturel mais est associé à une étape supplémentaire de compensation : le captage et le stockage (dans le sol, par exemple) d'une partie des gaz à effet de serre émis par sa production.
L'hydrogène bleu est ainsi perçu, par certains producteurs, comme une étape intermédiaire moins polluante vers l'hydrogène vert. Deux installations dans le monde produisent actuellement de l'hydrogène bleu à « échelle commerciale » : celle de Shell au Canada et celle d'Air Products au Texas, précise la Fondation européenne pour le climat (ECF) dans un communiqué. Cependant, les auteurs de cette nouvelle étude affirment que ce type d'hydrogène n'est pas si « décarboné » qu'il en a l'air.
De l'hydrogène « décarboné » mais émetteur ?
En admettant que le carbone capturé est ensuite stocké indéfiniment sans possibilité de s'échapper, les chercheurs estiment que les émissions de dioxyde de carbone équivalent (CO2eq) dues à la production d'hydrogène bleu ne sont que de 9 % à 12 % inférieures à celles de l'hydrogène gris.
Si les émissions sont effectivement réduites, expliquent les chercheurs, les émissions « fugitives » (ou fuites) de méthane restent plus importantes du fait de l'utilisation d'électricité produite elle-même, le plus souvent, à partir de gaz naturel dans le processus de captage des gaz à effet de serre. Ainsi, selon leurs calculs, le taux d'émission de CO2eq de l'hydrogène bleu serait même 20 % supérieur à celui de la combustion du gaz naturel pour le chauffage.
L'hydrogène vert comme seul choix possible ?
« Il s'agit d'un signal d'alarme à l'intention des gouvernements : le seul hydrogène "propre" dans lequel ils devraient investir des fonds publics est l'hydrogène vert, véritablement net zéro, produit à partir de l'énergie éolienne et solaire », déclare Robert Howarth, professeur d'écologie et de biologie environnementale à l'Université Cornell et co-auteur de l'étude.
Pour Robert Howarth et son collègue de Stanford, Mark Jacobson, concernant la production d'hydrogène bleu, le seul moyen de réduire les émissions induites par les processus d'extraction du méthane, du vaporeformage puis de captage du CO,2 serait de les alimenter uniquement en électricité issue de sources renouvelables comme l'éolien, le solaire ou l'hydroélectricité. « La société a besoin de se débarrasser de toutes les énergies fossiles aussi vite que possible, rappellent les chercheurs, et seul l'hydrogène vert produit par électrolyse alimenté en électricité renouvelable peut contribuer [à les remplacer] ».