L'hydrogène apparaît aujourd'hui comme un maillon essentiel des politiques climatiques et de transition énergétique de nombreux pays. L'Australie, le Japon, la Corée, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, les Pays-Bas, la France ou encore l'Union européenne… consacrent tous une partie de leurs plans de relance à l'hydrogène. Si ce combustible n'est pas nouveau (il est utilisé depuis le XIXe siècle), les progrès technologiques et la chute du prix des énergies renouvelables laissent entrevoir la possibilité de produire un hydrogène vert et compétitif. Celui-ci permettrait alors de décarboner certains secteurs de l'économie, qu'ils soient anciens utilisateurs de l'hydrogène ou nouveaux convertis.
« Une grande variété de combustibles sont capables de produire de l'hydrogène, notamment les énergies renouvelables, le nucléaire ou le gaz naturel. Il peut être transporté sous forme de gaz ou sous forme liquide. Il peut être transformé en électricité et en méthane pour alimenter les maisons et l'industrie, et en combustibles pour les voitures, les camions, les navires et les avions », soulignait l'Agence internationale de l'énergie (AIE), dans un rapport présenté en 2019 aux membres du G20.
Verdir les usages industriels
La stratégie française vise, dans un premier temps, à décarboner les usages actuels de l'hydrogène dans l'industrie. Ce secteur consomme, chaque année en France, autour de 900 000 tonnes d'hydrogène. Mais cet hydrogène dit « gris » est produit aujourd'hui essentiellement (à 94 %) à partir de fossiles (gaz naturel, charbon, pétrole). Cette consommation a un impact non négligeable sur le climat : elle représente 3 % des émissions nationales de gaz à effet de serre. Trois grands secteurs l'utilisent en grande quantité dans leur process : la pétrochimie, et précisément la désulfurisation de carburants pétroliers (60 % de la consommation nationale d'hydrogène), la fabrication d'engrais, et notamment la synthèse d'ammoniac (25 %) et, enfin, certains secteurs de la chimie (10 %) pour la production d'ammoniac et de méthanol notamment. D'autres secteurs l'utilisent de manière plus diffuse : l'agroalimentaire, l'électronique, les industries du verre et des métaux, l'aérospatiale, les laboratoires… Enfin, l'hydrogène pourrait permettre d'électrifier certains usages industriels difficiles à décarboner autrement (réduction du minerai dans la fabrication de l'acier par exemple).
L'hydrogène décarboné, produit par électrolyse de l'eau avec de l'électricité d'origine nucléaire ou renouvelable, pourrait remplacer tout ou partie de cette consommation industrielle. « La moitié des usages industriels sont substituables par de l'hydrogène vert ou décarboné. Aujourd'hui la production d'1 kg d'hydrogène génère 11 kg de CO2. Demain avec l'électrolyse et le mix français, la production d'1 kg d'hydrogène n'émettra que 3 kg de CO2 », estime David Marchal, directeur adjoint productions et énergies durables à l'Ademe.
Mais à quel coût?
Mais se pose encore la question du coût. L'hydrogène gris produit à grand volume, pour les industries les plus consommatrices, revient entre 1,5 et 2,50 € le kilo. « L'hydrogène produit par électrolyse revient aujourd'hui aux environs de 4 €/kg à 6 €/kg en fonction de la technologie d'électrolyse, pour une durée d'utilisation de l'ordre de 4 000 à 5 000 h par an et un coût de l'électricité autour de 50 €/MWh », indique la stratégie française. D'où la nécessité de baisser les coûts, en massifiant notamment la fabrication d'électrolyseurs, mais pas que. « La compétitivité de l'hydrogène, aujourd'hui, n'est pas encore au rendez-vous car l'hydrogène est fossile et non taxé », rappelle David Marchal de l'Ademe. Il faudrait envisager de revenir sur cette exonération de TICGN, mais ce sont des débats à régler au niveau européen, précise l'expert. Le prix de l'électricité est aussi un paramètre essentiel de l'équation. « Avec une électricité à 30 €/MWh, la composante électrique représente 1,65 €/kg d'hydrogène produit. À cela s'ajoute la part électrolyseur. Avec un élecrolyseur à 700 €/kW installé et un facteur de charge de 4 000 heures, elle atteint 0,95 €/kg soit un total de 2,60 €/kg », détaille Philippe Boucly, président de France Hydrogène.
Coût de l'électrolyseur, coût de l'électricité… L'équation est complexe. « Attention à bien prendre en compte le coût d'un électrolyseur installé. Les coûts de construction peuvent doubler la facture de l'électrolyseur, prévient Pierre-Étienne Franc, d'Air liquide. À terme, l'industrie va devoir accepter que l'on change de modèle et que l'hydrogène renouvelable devienne la norme, mais une norme plus chère que l'hydrogène actuel.»
Prix de l'hydrogène vert : 4 à 6 € le kilo en fonction de la technologie d'électrolyse et pour une durée d'utilisation de l'ordre de 4 000 à 5 000 heures par an et un coût de l'électricité autour de 50 €/MWh.
Remplacer les carburants classiques dans les transports
Un deuxième objectif est fixé dans la stratégie nationale : déployer 6,5 GW d'électrolyseurs en 2030, ce qui permettra de produire 600 000 tonnes d'hydrogène par an. Mais pour alimenter quel autre secteur ? Le Gouvernement mise en second lieu sur la mobilité. L'objectif est de faire de l'hydrogène décarboné un carburant alternatif, en complément des batteries ou du bioGNV, pour décarboner le secteur. Pour rappel, le Plan climat français prévoit la fin des ventes de voitures au diesel et à essence en 2040.
Mais l'hydrogène n'est pas pertinent pour tous les usages de la mobilité. « Il présente des avantages clés pour les usages intensifs qui nécessitent une forte autonomie et un faible temps de recharge, particulièrement en milieu urbain où des mesures sont prises pour réduire la pollution et les nuisances sonores », note la stratégie. Il est également particulièrement adapté à la mobilité lourde. La France se fixe plusieurs objectifs dans ce domaine : déployer 5 000 véhicules utilitaires légers et 200 véhicules lourds (bus, camions, trains régionaux, bateaux), et implanter 100 stations, alimentées en hydrogène produit localement, à l'horizon 2023, et 20 000 à 50 000 véhicules utilitaires légers, 800 à 2000 véhicules lourds et 400 à 1000 stations d'avitaillement à l'horizon 2028.