À l'instar du volontarisme affiché pour développer le biogaz, les grands noms du gaz naturel en France se positionnent sur l'hydrogène et évaluent les conditions techniques et économiques d'injection de la molécule dans les réseaux. Aperçu.
« À court terme, le taux de 6 % en volume d'hydrogène est atteignable en mélange dans la plupart des réseaux, hors présence d'ouvrages ou d'installations sensibles chez les clients ». C'est l'un des principaux enseignements qui ressort d'un rapport présenté récemment dans la continuité du plan Hydrogène de juin 2018, par neuf opérateurs d'infrastructures de transport (GRTgaz, Téréga), stockage (Storengy, Elengy, Géométhane), et de distribution (GRDF, RGD-S, Régaz-Bordeaux et le SPEGNN) de gaz naturel.
Preuve de leur intérêt pour l'hydrogène, six grand.e.s patron.ne.s de la filière ont fait le déplacement pour présenter les principaux enseignements de leurs travaux sur les conditions techniques et économiques d'injection de l'hydrogène dans les réseaux, et enfoncer le clou du rôle qu'ils entendent jouer dans la transition énergétique.
6 % sans heurts
Assis de gauche à droite : Thierry Trouvé, Directeur Général de GRTgaz, Edouard Sauvage, Directeur Général de GRDF, Sandra Roche, Directrice Générale d'Elengy, Pierre Chambon, Directeur Général Storengy France, Martine Mack, Directrice Générale de R-GDS et Dominique Mockly, Président et Directeur Général de Teréga, commentent le rapport sur la contribution des infrastructures gazières au développement de l'hydrogène en France.
Si l'injection de quelques pourcents d'hydrogène peut être envisagée sans grand investissement, un travail en amont d'identification des zones propices à destination des porteurs de projets d'injection reste à mener. Et les opérateurs de préciser que «
les zones seront étendues progressivement en cohérence avec les résultats des actions de R&D et de remplacement d'équipements ». Au-delà de 6 %, force est de constater que l'équation se complique. L'hydrogène étant par essence très réactif, il se montre très corrosif. Son injection à des taux supérieurs impose des études préalables et des mesures adéquates et planifiées. À l'horizon 2030, les opérateurs recommandent ainsi de fixer une capacité cible d'intégration d'hydrogène en mélange dans les réseaux à 10 %, puis 20 % au-delà.
10 % et 20 % : adapter les équipements en bout de chaîne
Si ces taux sont atteignables avec des adaptations limitées sur les infrastructures de transport, stockage et distribution, les équipements situés notamment en aval, devront quant à eux, être adaptés. Avec à la clé, de vraies questions méthodologiques et financières notamment pour accompagner la R&D chez les fabricants d'appareil de combustion (chaudière, gazinière…) et la formation des professionnels de la maintenance.
De l'hydrogène vert sinon rien
L'hydrogène est un vecteur et non une source d'énergie. De la manière dont il est produit dépend son intérêt environnemental. Et les opérateurs gaziers de préciser que leurs travaux visent à intégrer de l'hydrogène décarboné et renouvelable, que ce soit via la récupération d'hydrogène coproduit dans l'industrie, celui issu de la pyrogazéification de déchets ou biomasse, du reformage de gaz avec stockage du carbone ou bien encore du Power to Gas.
Au-delà de 20 %, la question semble entendue car les coûts d'adaptation des infrastructures explosent, et ce sur toute la chaîne de valeur. Du site de stockage au lieu de consommation finale, trop d'équipements devraient être adaptés ou remplacés. Dans ces circonstances, les gaziers suggèrent une alternative, en développant opportunément des boucles locales 100 % dédiées à l'hydrogène, et proposer des services associés. Il pourra s'agir de déployer des flottes spécifiques de véhicules de transport pour les collectivités, voire de développer des villes intelligentes autour de la molécule de dihydrogène. Avec ses propriétés physico-chimiques si particulières, l'hydrogène ouvre en effet, selon les gaziers, la porte à de nouvelles opportunités.
L'hydrogène, hub de l'énergie ?
À l'instar du projet Impulse porté par Térega autour de Lacq (64), l'hydrogène endossera idéalement le rôle d'intermédiaire entre différentes sources d'énergie renouvelable et postes de consommation. Objectif : déployer de nouveaux systèmes énergétiques urbains pilotables et en réseau. Ces smart grids construits autour de l'hydrogène promettent d'être « intelligents » en produisant, récupérant et distribuant l'énergie sous sa forme la plus adéquate, et avec un minimum de perte lors des transformations.
La pyrogazéification, sur la base de combustible solide de récupération (CSR) telle que développée par le Syndicat mixte d'élimination et de valorisation des déchets (Symevad) en région Hauts-de-France, ambitionne de trouver une solution au manque d'unité de valorisation des CSR et du déficit d'exutoires pour la filière des déchets et du recyclage.
À l'horizon 2030, les opérateurs recommandent ainsi de fixer une capacité cible d'intégration d'hydrogène en mélange dans les réseaux à 10 %, puis 20 % au-delà.
Jupiter 1 000, qui va être très prochainement inauguré par GRTgaz, entend lever les freins à la captation industrielle du CO
2 par méthanation de l'hydrogène vert obtenu à partir des énergies renouvelables. Dans le même esprit, l'énergéticien Enertrag expérimente la production d'hydrogène grâce à des hydroliseurs implantés aux pieds des champs éoliens (notamment les plus anciens qui ne peuvent prétendre aux compléments de rémunération) et valorise le
surplus d'énergie du vent. Enfin, le projet Hygreen ambitionne de produire de l'hydrogène à partir de l'
énergie solaire et de le stocker à grande échelle dans les
cavités salines de Provence.
Opérateur de terminaux méthaniers, Elengy se projette en 2050 et voit, dans l'hydrogène, une opportunité pour ses navires d'importer du GNL « vert » de synthèse, grâce à la séquestration de CO2 / méthanation sur les lieux de chargement.
Ambitions nationales et concurrence mondiale
Alors que les opérateurs d'infrastructures gazières proposent à l'État dix leviers prioritaires pour accélérer le déploiement de l'hydrogène en France, Aurélie Picart, déléguée générale du Comité stratégique de filières industries des nouveaux systèmes énergétiques, confirme que c'est maintenant qu'il faut que la France se positionne sans ambiguïté sur le marché industriel que constitue l'hydrogène. Car si cela bouillonne bel et bien dans l'Hexagone, il convient de ne pas laisser passer l'opportunité de devenir un acteur international de premier plan et éviter de reproduire l'échec des tentatives tricolores sur le solaire et le stockage. Des secteurs sur lesquels les Chinois ont massivement investi et sont désormais les leaders incontestés.
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Note Accéder au Rapport hydrogène Plus d'infosArticle publié le 12 décembre 2019