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Hydrogène : les réseaux en ordre de marche

Que les usages se limitent à l'industrie, dans quelques bassins, ou qu'ils se développent massivement, les réseaux auront un rôle à jouer pour accompagner le développement de l'hydrogène. Reste à définir les volumes et les échelles de temps en jeu.

Energie  |    |  S. Fabrégat
Hydrogène : les réseaux en ordre de marche
Hors-série - Février 2023
Cet article a été publié dans le Hors-série - Février 2023
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La crise énergétique a provoqué une accélération et un changement d'échelle pour l'hydrogène. Face à la multiplication des projets se pose la question des infrastructures à court, moyen et long termes. Celles-ci offrent la possibilité de mettre en adéquation offre et demande, d'assurer et de sécuriser les volumes adéquats, ou encore de transporter l'hydrogène des zones où il est produit massivement à moindre coût vers les zones de consommation.

Les grands acteurs des réseaux gaziers commencent à travailler sur la question, afin d'identifier les besoins et leur localisation. Dans un premier temps, des réseaux de petite échelle sont à l'étude pour répondre à un ou plusieurs besoins locaux. Faudra-t-il aller plus loin en interconnectant ces réseaux et en envisageant un maillage du territoire européen ? Les avis divergent.

Devant la filière hydrogène, en décembre 2022, le ministre délégué chargé de l'Industrie, Roland Lescure, résumait le questionnement actuel : va-t-on vers une multiplication de petits centres de production ou au contraire vers une massification ? Si 70 % des projets de production actuels sont inférieurs à 3 mégawatts (MW), 24 (sur les 244 recensés) concentrent à eux seuls 80 % des volumes, selon France Hydrogène. La recherche de compétitivité devrait, à terme, plaider en faveur des électrolyseurs de grande capacité. Dans le cas d'une massification de la production, faut-il produire l'hydrogène là où l'électricité décarbonée est disponible en prévoyant un transport par canalisations ou, au contraire, produire l'hydrogène au plus près des consommateurs, en misant alors sur un renforcement des réseaux électriques ?

Pour éclairer cette question, GRTgaz et RTE ont lancé des travaux communs de modélisation et de planification. Avec l'objectif, si possible, de placer les électrolyseurs là où les réseaux sont capables d'absorber ces nouvelles consommations électriques et productions d'hydrogène. « Nous devons définir la meilleure option possible », soulignait Roland Lescure, indiquant que la question des infrastructures ferait partie des points abordés dans le cadre de la mise à jour de la stratégie nationale sur l'hydrogène, annoncée pour mi-2023.

Usages essentiels…

Tout dépendra, également, des volumes d'hydrogène nécessaires. Et sur ce point, plusieurs visions cohabitent. D'une part, celles qui misent sur les usages essentiels à décarboner, comme l'industrie et la mobilité lourde. D'autre part, celles qui envisagent un développement beaucoup plus massif de l'hydrogène.

“ Il y a également des enjeux de compétitivité économique : aller chercher l'hydrogène là où il est moins cher ” Anthony Mazzenga, GRTgaz
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) se place du côté des prudents. Pour elle, développer les réseaux semble prématuré. « On voit bien que les usages de l'hydrogène se concentrent sur quelques bassins, pas plus de cinq à sept en France. Ça reste très localisé. Par ailleurs, pour être compétitifs, les électrolyseurs devront atteindre une certaine taille : il n'y a pas de modèle économique évident à court et sans doute moyen terme en deçà de 50 mégawatts (MW). Faut-il, dans ce contexte, investir massivement dans des réseaux ou dans le rétrofit des réseaux gaziers ? C'est un marché très balbutiant », estime Ivan Faucheux, commissaire à la CRE et référent du comité de perspective.

Selon lui, le remplacement de l'hydrogène gris industriel (900 000 tonnes) par de l'hydrogène décarboné induirait des besoins en électricité de 45 térawattheures (TWh). Vouloir développer d'autres usages nécessiterait donc de disposer d'électricité décarbonée en grands volumes, soit « plusieurs dizaines de térawattheures supplémentaires ». La France ne dispose pas de ces volumes, ce qui impliquerait des imports et un développement des infrastructures. « Au moment où l'on s'aperçoit que la question de l'énergie crée de la dépendance, il vaudrait mieux éviter de se précipiter vers une nouvelle dépendance, estime Ivan Faucheux. Mieux vaut créer les conditions d'un marché de l'hydrogène décarboné en France. » Le gendarme de l'énergie plaide donc pour une approche pas à pas, sans précipitation, avec un développement limité, sur le modèle du réseau d'hydrogène actuel (1 000 kilomètres opérés par Air liquide).

… versus multiplication des usages

Du côté des gestionnaires des réseaux, on suit attentivement les annonces de projets. « La stratégie française, puis la crise énergétique, ont changé la donne : on parle de multiplication de la production et de la consommation (dans l'acier, la chimie, la haute température, le transport lourd), beaucoup plus réparties sur le territoire, qui vont nécessiter des réseaux de plus grande capacité, plus ouverts, et capables d'accueillir de nouvelles productions et consommations », analyse Anthony Mazzenga, directeur hydrogène et gaz chez GRTgaz.

Cette multiplication des usages de l'hydrogène s'accompagnerait donc d'une hausse des besoins en électricité et/ou en hydrogène. « Les volumes en jeu sont considérables. Alors qu'au départ la stratégie française tablait sur un volume de 40 TWh en 2050, désormais, les projections sont au-dessus de 100, voire 200 TWh. » Un changement d'échelle bien avancé pour certains secteurs. « ArcelorMittal annonce convertir ses hauts-fourneaux à l'hydrogène à Dunkerque : cela représente 300 000 tonnes d'hydrogène sur un seul site. Aéroports de Paris (ADP) travaille également sur l'hydrogène, d'abord pour approvisionner ses véhicules de service puis, dans un second temps, les aéronefs, en phase avec la stratégie d'Airbus. Or, dans cette perspective, l'approvisionnement en hydrogène sera critique, comme l'est aujourd'hui son approvisionnement en kérosène », souligne Anthony Mazzenga.

Pour sécuriser de tels volumes, estime le responsable de GRTgaz, « les infrastructures seront essentielles. Il s'agit de ne pas dépendre d'un seul producteur local. Il y a également des enjeux de compétitivité économique : aller chercher l'hydrogène là où il est moins cher ».

Une dorsale européenne en 2030 ?

L'annonce par les chefs de gouvernement français, espagnols et portugais, en décembre dernier, du lancement du projet H2Med semble tendre vers cette stratégie : un pipeline sous-marin reliera Barcelone à Marseille pour transporter deux milliards de tonnes d'hydrogène par an à l'horizon de 2030, « soit 10 % des besoins exprimés par l'Europe », souligne Antoine Charbonnier, responsable du pôle innovation et développement de Teréga, qui participe au projet avec GRTgaz, Enagás et REN. Coût estimé : 2,5 milliards d'euros. Il s'agirait de construire la brique Sud d'une future dorsale européenne. « L'Allemagne affiche ses ambitions en imports massifs d'hydrogène pour répondre à ses besoins industriels. Ce corridor Sud-Ouest européen permettra de créer une route d'approvisionnement du Portugal vers l'Allemagne », explique le responsable de Teréga. Et pourquoi pas aller plus loin en envisageant, à plus long terme, une interconnexion avec l'Afrique du Nord ?

En France, une partie du réseau gazier actuel pourrait être reconvertie pour transporter l'hydrogène sur le territoire. En effet, la consommation de gaz naturel est appelée à baisser, en raison des objectifs climatiques mais aussi de la crise actuelle. « De fait, certaines lignes pourront être libérées, notamment dans le grand réseau national où certaines ont été dédoublées. Cette vision est partagée par nos homologues européens avec qui nous avons travaillé sur une vision à 2040 », souligne Anthony Mazzenga.

À quel coût ? « Plusieurs milliards d'euros d'investissements. Mais si on regarde le coût d'acheminement, la fourchette est de 0,10 à 0,20 € le kilo d'hydrogène transporté sur 1 000 km. En comparaison, elle est entre 4 et 8 € le mégawattheure (MWh). La part du transport peut être minime en comparaison du coût de production », explique-t-il.

Dans cette logique de déploiement massif, des capacités de stockage devront également être développées, pour assurer un équilibre entre l'offre et la demande. « Le stockage doit permettre de moduler l'approvisionnement par rapport à l'offre. Nous développons donc un portefeuille de projets de stockage en cavité saline et en aquifère, dont un projet pilote à court terme, Hygéo », explique le responsable de Teréga. L'objectif : stocker, d'ici à 2024, 1,5 gigawattheure (GWh) dans une cavité saline de 10 000 m3 située dans la commune de Carresse-Cassaber (Pyrénées-Atlantiques).

Un développement brique par brique

Mais à court terme, les réseaux devraient d'abord se déployer à des échelles beaucoup plus locales. « On interroge régulièrement les acteurs pour réduire les incertitudes et savoir quand s'aligner, sur quels volumes », explique Anthony Mazzenga, de GRTgaz. En 2021, GRTgaz et Teréga ont consulté une première fois le marché, pour identifier les besoins. Cette consultation a permis de recenser 90 sites de production et/ou consommation, et d'identifier les zones où la demande est plus dense, afin de créer des écosystèmes locaux. « Sans surprise, il en ressort les grands ports et les zones industrielles mais, et on s'y attendait moins, s'y trouve aussi Saint-Nazaire et le développement de projets liés au lancement en production du parc éolien en mer. Cela nous donne une idée du futur déploiement », explique le responsable de GRTgaz.

Le gestionnaire de réseau lance ensuite des appels au marché, pour des développements locaux. « Un premier appel à intérêt a été lancé entre Valenciennes et Mons, où deux acteurs, situés de part et d'autre de la frontière franco-belge, étaient intéressés par une connexion. Mais cette session a permis à 17 répondants de se manifester. Un deuxième appel a été lancé à Dunkerque, qui nous a permis de recenser 11 répondants, très équilibrés entre offre et demande. » Début janvier, un appel à intérêt a été lancé pour une liaison entre Fos-sur-Mer et Manosque. Pour toutes ces zones, après la réalisation d'études techniques, viendra, dans un deuxième temps, la phase d'investissement pour les acteurs intéressés. Teréga travaille également, via sa filiale Teréga Solutions, au déploiement d'écosystèmes locaux et de petits réseaux de distribution. La société a remporté deux appels d'offres dont un à Saint-Brieuc, avec Valorem, pour livrer en hydrogène une flotte de bus. À moyen terme, ces écosystèmes locaux pourraient être reliés, à l'échelle de bassins. Avant d'envisager un maillage beaucoup plus large.

Réactions1 réaction à cet article

Les gaziers se sont préparés à accueillir le dihydrogène H2 dans leurs réseaux ? Oh là !! Si c'est leur tuyau de raccordement, ça va être un raccordement très explosif !
Je pense que l'image choisie ne convient pas du tout à la situation, et encore moins aux dangers encourus.

J Cl M 44 | 13 février 2023 à 19h46 Signaler un contenu inapproprié

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