Des aides à la mobilité durable insuffisantes, inégalement proposées sur les territoires, complexes à appréhender et socialement assez mal adaptées : telles sont les conclusions d'une étude (1) de l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), publiée ce mois d'octobre et intitulée « Les aides à la mobilité à faible émission pour les particuliers en France ». Alors que les métropoles commencent à mettre en place leurs zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), dix d'entre elles l'ayant déjà fait, le laboratoire d'idées a réalisé un état des lieux complet de ces soutiens, nationaux ou territoriaux, pour du neuf ou de l'occasion, dans 13 régions et 96 départements métropolitains, 5 départements et régions d'outre-mer et 11 métropoles concernées par les ZFE-m, pour six types de véhicules électriques : véhicules particuliers, véhicules utilitaires légers, vélos, vélos-cargos, scooters, quadricycles-voiturettes.
Des subventions variables selon le lieu d'habitation
Les experts de l'Iddri observent, d'abord, l'existence d'une multitude de dispositifs sur l'ensemble du pays : 103 exactement. Mais ils constatent que ces derniers présentent une forte hétérogénéité selon les territoires. Ainsi, plus de 13 millions de Français, habitant les régions Bretagne, Centre-Val-de-Loire et Nouvelle-Aquitaine ou les départements et régions d'outre-mer ne bénéficient d'aucune aide de leurs collectivités territoriales pour investir dans une voiture électrique neuve. Un Lyonnais, pour sa part, peut compter sur un soutien maximal de 2 000 euros, quand un Francilien ou un Niçois recevront jusqu'à 6 000 euros. Un Ardéchois désireux d'acquérir un vélo électrique peut être subventionné à hauteur de 200 euros, alors qu'un Corse peut espérer en recevoir 500. Mêmes disparités pour un vélo-cargo, soutenu jusqu'à 3 000 euros dans l'agglomération de Grenoble contre 500 euros en Corse ou à Reims et 450 euros en Saône-et-Loire. Récemment devenue ZFE-m, la métropole de Marseille ne prévoit, quant à elle, aucune aide, quel que soit le type de véhicule choisi.
Les plus vulnérables toujours en difficulté
Occasions, reconditionnement ou rétrofit ignorés
Excepté en région Île-de-France ainsi que dans les agglomérations ou métropoles de Nice, Rouen, Lyon, Paris et Strasbourg, le choix d'un scooter ou d'un quadricycle électrique est peu épaulé, avec six aides seulement pour chacun. Autre lacune de ces programmes de soutien : ils s'intéressent peu aux achats d'occasion, alors que le marché de la seconde main concernait près de 4 voitures sur 5, en 2021. Sur l'ensemble du pays, l'étude recense seulement huit aides proposées pour l'achat d'un véhicule électrique dans cette catégorie. Elle fait le même constat pour le reconditionnement et le rétrofit : sept aides concernent l'achat d'un kit d'électrification de vélo, quand la France compte 26 millions de cyclistes réguliers. Cette approche ne permet pas de répondre à la diversité des usages des Français, regrettent les auteurs de l'étude, et de proposer ainsi un accompagnement « le plus sur-mesure possible ».
Des conditions peu faciles à appréhender
Enfin, pour bénéficier de ces aides, toutes différentes, les candidats doivent jongler avec des conditions variables. Certaines sont liées au niveau de revenu, d'autres au périmètre géographique, au coût d'achat ou au mode d'acquisition... Des démarches cloisonnées, en outre, entre les échelons national et local, ce qui les rend bien souvent inaccessibles aux plus précaires. « Ce panorama montre une grande insuffisance de moyens face à l'urgence climatique et les enjeux de justice sociale qui en découlent », concluent les experts de l'Iddri, qui rappellent au passage les chiffres des décès prématurés attribués à la pollution atmosphérique : entre 40 000 à 100 000 personnes par an en France.
L'institut s'associe donc au Secours catholique, au Réseau action climat et à la fédération T&E pour suggérer aux pouvoirs publics des pistes d'amélioration. Ils préconisent, d'abord, d'augmenter nettement l'ampleur des dispositifs, en faveur des ménages plus modestes notamment, de plus en plus exposés au risque de basculer dans la précarité mobilité, en raison du contexte socio-économique actuel. Les dispositifs d'aides devraient ainsi être repensés et ciblés pour en faire bénéficier ceux qui en ont le plus besoin. Un guichet unique pourrait par ailleurs permettre de lutter contre le morcellement des aides et simplifier les démarches. Enfin, « en partant d'un retour d'expérience global sur les différentes aides existantes, il est indispensable de clarifier, de pérenniser et de donner confiance dans les dispositifs, en proposant un référentiel commun sur les conditions d'éligibilité et les montants d'aides », recommandent les experts.