Le Conseil Environnement a organisé le 21 mars un débat public sur le projet de directive visant à réduire les impacts des changements d'affectation des sols indirects liés aux agrocarburants et à promouvoir les carburants d'origine végétale ayant une réelle plus value en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Présenté en octobre 2012 par la Commission, ce texte doit amender les directives sur la qualité des carburants et les énergies renouvelables. La Commission propose notamment de revoir la part de la contribution des agrocarburants de première génération aux objectifs de recours aux énergies renouvelables dans le secteur des transports à l'horizon 2020 (5% contre 10% initialement). Elle souhaite également durcir les critères de durabilité des agrocarburants prévus dans la directive sur la qualité des carburants. La Commission propose notamment de revoir les critères de comptabilisation d'émissions de GES, en prenant en compte les changements d'affectation des sols.
En amont du débat, deux questions étaient posées aux ministres de l'Environnement européens, indique le compte rendu du Conseil : le projet de texte répond-il de manière adéquate à ses objectifs en matière de réduction des GES et permet-il d'encourager la transition vers les agrocarburants de deuxième et troisième générations ? Est-ce qu'il permet à l'UE de respecter ses engagements liés au climat et au développement des énergies renouvelables ?
"Les délégations ont soulevé un certain nombre de questions clés et ont fourni des orientations pour la poursuite des travaux", conclut le compte rendu du Conseil. Les contributions de six Etats membres ont également été publiées.
Réduire à 5% la part des 1ères générations
La Commission propose tout d'abord de limiter à 5% la contribution des agrocarburants de première génération à la réalisation des objectifs de la directive sur les énergies renouvelables. Cette limite "ne porte pas atteinte à la liberté des États membres de choisir leur propre voie pour respecter cette limite applicable aux biocarburants dans le cadre de l'objectif global de 10%. Ainsi, les biocarburants produits dans les installations en service avant fin 2013 conservent le plein accès au marché. La présente directive modificative ne porte donc pas atteinte aux attentes légitimes des exploitants de ces installations", explique la Commission.
Pourtant, la Pologne redoute que cette limitation restreigne la possibilité d'atteindre les objectifs d'incorporation d'énergies renouvelables dans les transports d'ici 2020 et que les investissements déjà réalisés ou engagés avant cette proposition ne soient pas amortis.
De même, le Portugal émet "de fortes réserves" sur la limitation à 5% et demande à la Commission davantage d'informations "sur les analyses socio-économiques qui ont été utilisées pour établir cet objectif". La Slovaquie craint quant à elle les effets néfastes de cette limitation sur les activités agricoles.
En revanche, le Danemark estime que la Commission manque d'ambition. Pour avoir un réel impact sur les émissions de gaz à effet de serre mais aussi sur le prix des denrées alimentaires, il souhaiterait que ce seuil soit abaissé à 4%.
Durcir les critères de durabilité
La Commission propose également de renforcer les critères de durabilité des agrocarburants, qui doivent être respectés pour que ces carburants soient comptabilisés dans les objectifs EnR. Ainsi, "la réduction des émissions de gaz à effet de serre (…) est d'au moins 60% pour les biocarburants produits dans des installations entrant en service après le 1er juillet 2014. (…) Dans le cas d'installations qui étaient en service le 1erjuillet 2014 ou avant, la réduction des émissions de gaz à effet de serre résultant de l'utilisation de biocarburants est d'au moins 35% jusqu'au 31 décembre 2017 et d'au moins 50% à compter du 1er janvier 2018".
Si la Pologne approuve cette mesure, Chypre préconise de repousser l'échéance principale au 1er janvier 2015, afin de préserver les investissements engagés.
Doubles et quadruples comptages
Pour favoriser le développement des agrocarburants de deuxième et troisième générations, la Commission souhaite que leur contribution soit décomptée de manière avantageuse. Ainsi, pour les huiles de cuisson usagées, les graisses animales, les matières cellulosiques d'origine non alimentaire et les matières ligno-cellulosiques à l'exception des grumes de sciage et de placage, la contribution est considérée égale à deux fois leur contenu énergétique.
Pour les algues, les déchets municipaux (hors déchets ménagers triés), les déchets industriels, la paille, le fumier, les boues d'épuration, les effluents d'huileries de palme et rafles, le brai de tallöl, la glycérine brute, la bagasse, les marcs de raisins et lies de vin, les coques, les balles, les râpes, les écorces, branches, feuilles, sciure de bois et éclats de coupe, la contribution est considérée comme égale à quatre fois leur contenu énergétique.
Si la Pologne estime que ce mode de calcul est positif, elle pense que "cette liste de matières premières devrait faire l'objet d'une analyse détaillée et être clarifiés afin d'inclure uniquement les matières qui ne font pas actuellement l'objet d'une application plus large dans l'industrie (et sont donc traitées comme des déchets ou de résidus)".
Pour le Portugal, ce mode de calcul va permettre d'augmenter la compétitivité des agrocarburants de deuxième et troisième générations. Car tous redoutent leur coût, au moment où beaucoup de ces produits ne sont pas encore mâtures. Les six Etats membres demandent d'ailleurs davantage d'incitations pour ces nouvelles générations de carburant et un appui renforcé à la R&D.
Agrocarburants hors UE
Plusieurs Etats attirent également l'attention de la Commission sur les risques liés aux agrocarburants produits hors UE. La Pologne craint en effet que cette proposition ne prenne pas en compte les pressions sur les terres dans les pays tiers et redoute même qu'elle n'encourage l'utilisation de biomasse produite hors UE "où l'impact des changements d'affectation des sols indirects est beaucoup plus important". La Slovaquie et la Pologne évoquent les mêmes craintes.