
''Nous envisageons deux sortes d'engagements, indique Frédéric Lisak, gérant de la maison d'édition Plumes de carotte, basée à Toulouse. Des choix de fabrication, nécessitant une veille technologique, sur les papiers, les encres, la distance à laquelle se trouve des imprimeurs ; des choix ''sociaux'', afin de travailler avec des sociétés ayant un minimum de respect vis-à-vis des auteurs, en leur versant un droit d'auteur systématique et non en les payant au forfait, ce qui les désavantage en cas de succès d'un livre''.
La réduction de l'impact environnemental du secteur n'est pas aisée pour plusieurs raisons. D'abord, les éditeurs s'avancent en terre quasi inconnue. Ainsi, le Syndicat national de l'édition, le Centre national du livre ou le ministère de l'environnement n'ont pas réalisé d'étude sur le sujet. Ensuite, les responsabilités quant à l'impact sont partagées entre plusieurs acteurs : papetiers, imprimeurs, éditeurs, libraires et lecteurs.
1,3 kilogramme de CO2 par livre
La maison d'édition Hachette a fait réaliser par le cabinet Carbone 4 un bilan carbone de son activité : il était de 210.000 tonnes équivalent CO2 en 2008. 71% sont liés à la fabrication (papier, impression, transport), 17% à la distribution, 10% à la conception du livre, 2% à sa diffusion. 163 millions de livres ayant été vendus par le groupe en 2008, chaque livre a donc ''émis'' 1,3 kilogramme de CO2 en moyenne. Plus de la moitié des émissions sont imputables au papier.
Pour autant, cela n'enlève rien à la responsabilité de l'édition dans l'impact environnemental du livre. ''Le monde de l'édition n'a pas été le plus actif dans la réduction de son impact environnemental, observe Benoît Moreau, responsable environnement-sécurité de l'Union nationale de l'imprimerie et de la communication (Unic). C'est d'autant plus dommage que les grands éditeurs ont une influence considérable sur l'impression de leurs livres : la majorité d'entre eux choisissent et achètent leur papier, qu'ils font livrer aux imprimeurs''. De plus en plus, les éditeurs commencent à exiger que les imprimeurs soient soumis à Imprim'Vert, selon lui.
Cette marque professionnelle - relevant d'une initiative privée, contrairement à un label, reconnu par l'administration - a été lancée en 1998 par la Chambre des métiers du Loir-et-Cher. Elle impose le respect de 4 critères : la bonne gestion des déchets dangereux,la sécurisation des stockages de liquides dangereux, la non-utilisation de produits étiquetés ''toxiques'' symbolisés par une tête de mort, la sensibilisation du public. Car l'impression génère une importante quantité de déchets, souvent dangereux : révélateurs de plaques d'impression, liquides de nettoyages, chiffons souillés par les solvants et autres déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE).
''Il y a 5-10 ans, une entreprise pouvait se différencier d'une autre avec cette marque. Maintenant, c'est devenu un minimum, le tout dans un environnement de PME-TPE. Cela montre que l'industrie a progressé sur un plan environnemental'', affirme Benoît Moreau. Sur 5.000 entreprises concernées par Imprim'Vert, 2.000 y sont soumises en France, soit 80% du volume d'imprimés.
Reste la question du papier. 400 imprimeurs français sont certifiés PEFC et FSC, labels permettant d'identifier les forêts gérées ''durablement''. Le bilan est moins bon du côté de l'usage de papier recyclé utilisé dans les livres. Plus cher que le papier certifié, il est insuffisamment produit en France, note Ronald Blunden, du fait de la faiblesse de la demande. ''Nous sommes obligés de nous tourner vers les papetiers scandinaves, et réclamons aux papetiers français une hausse de leur capacité de production''. Une situation causée par… la faiblesse de la demande, explique Ronald Blunden. ''En France, le papier recyclé est surtout produit pour les emballages, et moins pour le livre'', confirme Bénédicte Oudart, responsable environnement de la Confédération française de l'industrie des papiers (Copacel). L'organisation participe à des groupes de travail européens sur les empreintes carbone et eau du secteur.
La réduction des impacts environnementaux a ses revers
Toutefois, les solutions apportées pour réduire l'impact environnemental du livre ne sont pas sans revers. Ainsi, les encres à base d'huiles végétales : comment garantir qu'elles ne contiennent ni huile de palme ou OGM ? De même, le papier recyclé pose un problème du fait de son blanchiment et du retraitement des boues d'encre chargées en métaux lourds.
Ensuite, l'impact social et environnemental du livre n'est pas tout. Quid de l'usage du livre et des pratiques de lecture ? ''Nous avons l'obligation de livrer le moindre point de vente dès la première commande d'un livre'', rappelle Ronald Blunden. Le taux moyen de retour d'un livre aux éditeurs est de 27%, avant d'être recyclés en journaux, magazines ou emballages. ''Tout le monde admet qu'il y a trop de livres publiés, noyant les lecteurs, les libraires, constate Frédéric Lisak. D'un côté, il y a de quoi réfléchir à l'utilité d'un livre, à la surabondance. De l'autre, parler de 'livre utile' est une absurdité. C'est donc un pas que nous ne franchirons pas dans la charte''.
Même si l'initiative des Editeurs écolo-compatibles doit encore prendre de l'ampleur, elle ne peut être que saluée. Un effort similaire est attendu du livre électronique, star du 30e Salon du livre. Outre les problèmes que ne devraient pas manquer de générer son développement - ''piratage'' du contenu et problème de droit d'auteur similaire à celui rencontré par la musique ou le film, prix finalement pas moins élevé qu'un livre papier -, les ''e-Books'' ont un bilan carbone calamiteux. Selon l'étude de Carbone 4 pour Hachette, un tel livre générerait 250 kilogrammes équivalent CO2, sans compter l'impact environnemental de l'extraction des métaux rares destinés à sa fabrication… Il faudrait que le propriétaire d'un e-Book lise 60 livres par an pour que le livre papier perde son avantage environnemental. Or, les Français en lisent 16 en moyenne chaque année.