L'exposition pré ou post-natale au chlordécone, pesticide organochloré très persistant utilisé aux Antilles jusqu'en 1993, "est associée à des effets négatifs sur le développement cognitif et moteur des nourrissons", indiquent des chercheurs de l'Inserm, qui ont publié un article dans le revue Environnement research, après avoir réalisé une étude auprès d'une cohorte mère-enfant entre 2005 et 2007 (1.042 femmes enceintes et 153 nourrissons de 0 à 7 mois)."Bien que ces observations basées sur des petits effectifs ne traduisent pas de troubles graves, elles sont néanmoins à rapprocher de certaines particularités décrites dans le passé chez des adultes exposés professionnellement au chlordécone et caractérisées par un appauvrissement de la mémoire à court terme et par la présence de tremblements d'intention", indiquent les scientifiques.
L'exposition du foetus, mesurée dans le sang du cordon ombilical, serait "associée de manière significative avec une réduction du score de préférence visuelle pour la nouveauté ainsi qu'à un faible score sur l'échelle de développement de la motricité fine [préhension des objets entre les doigts et la paume de la main]".
L'exposition des nourrissons au chlordécone, via les denrées alimentaires contaminées, "a été retrouvée associée à la limite de la signification statistique à une réduction de la vitesse d'acquisition de la mémoire visuelle et à une réduction de la préférence visuelle pour la nouveauté". En revanche, l'exposition post natale via le lait maternel n'est associée à aucune modification du développement cognitif et moteur.
Quant à savoir si ces effets constatés augurent de troubles permanents au delà de 7 mois, "seul le suivi des enfants au cours des années à venir permettra de répondre à ces interrogations", indiquent les chercheurs Sylvaine Cordier et Luc Multigner. Le suivi se poursuit donc auprès des enfants jusqu'à 7 ans.
Bien que classé parmi les perturbateurs endocriniens, neurotoxiques et cancérogènes possibles pour l'homme depuis 1979 par l'OMS, le chlordécone a tardé à être interdit en France et aux Antilles, où il était utilisé pour lutter contre le charençon dans les bananeraies. Très persistant, ce pesticide reste aujourd'hui très présent dans les milieux (eau, denrées animales et végétales, chaîne alimentaire...), vingt ans après l'arrêt de son utilisation.