
Identification de ''signaux sanitaires'' indéniables
Résultat, l'expertise de l'Afsset met en évidence l'existence d'effets des radiofréquences sur le fonctionnement des cellules pour les fréquences supérieures à 400 MHz et pour des niveaux d'exposition ''non thermiques''1. L'agence précise toutefois que ces modifications ne signifient pas forcément qu'il y a un dommage et encore moins une altération de la santé : ''il y a encore un pas scientifique à franchir pour faire le lien entre ces dysfonctionnements et des maladies'', précise Martin Guespereau. Sur le plan épidémiologique, l'agence évoque une augmentation du risque de gliomes pour une utilisation du téléphone mobile d'une durée supérieure à 10 ans et des risques de lymphomes et de leucémies pour des expositions de plus de 2GHz (expositions professionnelles). L'Afsset estime cependant que le niveau de preuve est insuffisant pour conclure à des conséquences sanitaires mais ces effets constituent à ses yeux ''des signaux indéniables'' qu'il ne faut pas négliger. En attendant les résultats de l'étude épidémiologique Interphone, l'agence recommande de poursuivre les recherches surtout pour les fréquences inférieures à 400 MHz et supérieures à 2 GHz. ''Les études doivent en priorité porter sur les effets sur la reproduction et le développement de l'enfant'', précise l'agence.
Réduire autant que possible l'exposition du public
Même si l'agence reconnaît une ''incertitude scientifique'', elle recommande de réduire l'exposition du public ''autant que possible'' : dès lors qu'une exposition environnementale peut être réduite, cette réduction doit être envisagée, en particulier par la mise en œuvre des meilleures technologies disponibles à des coûts économiquement acceptables, peut-on lire dans l'avis. ''Nous ne pouvons plus ne rien faire, explique Martin Guespereau tout en précisant qu'il faut hiérarchiser les actions''. Et la priorité de l'Afsset va au téléphone portable qui est la première source d'exposition du public. L'agence recommande notamment de privilégier les téléphones à faible niveau de Débit d'Absorption Spécifique ou DAS. Cet indicateur spécifique à chaque téléphone traduit la quantité d'ondes qui sera absorbée par le corps et par conséquent l'élévation de température des tissus qui en résultera. Exprimé en Watt/Kg, plus il est élevé, plus le niveau d'absorption sera élevé. Le DAS des téléphones actuels varie de 0,2 à 1,8 W/kg. L'Afsset recommande donc un affichage plus visible et plus clair pour que les consommateurs choisissent en conséquence. Par ailleurs, l'agence recommande de rechercher les points du territoire où les niveaux de radiofréquences sont nettement plus élevés que la moyenne, de les cartographier et de proposer une procédure pour réduire les niveaux.
Il n'est toutefois pas question de réduire le niveau d'émissions des antennes-relais ou de les interdire. Selon le directeur général de l'Afsset, ''on n'a pas de preuve suffisante pour justifier une interdiction''. L'agence remarque par ailleurs que ''le simple abaissement de valeurs limites n'est pas nécessairement garant de l'apaisement de la controverse sociale''. L'Afsset recommande surtout de peser avec soin les conséquences, pour la population générale et pour les utilisateurs de téléphonie mobile, d'une réduction de la puissance des antennes relais qui pourrait conduire à l'augmentation de l'exposition à la tête aux radiofréquences émises par les téléphones mobiles. ''Il y a un arbitrage à faire entre l'exposition de la population générale et l'exposition de ceux qui utilisent les portables'', prévient Martin Guespereau.
Quelle suite à donner ?
Cet arbitrage, l'Afsset laisse au gouvernement le soin de le faire. Le rapport a en effet été présenté aux ministères de la santé, de l'environnement et de l'économie numérique. Roselyne Bachelot, Ministre de la santé, Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat à l'écologie et Nathalie Kosciusko-Morizet, Secrétaire d'Etat chargée de la Prospective et du Développement de l'économie numérique, ont d'ailleurs estimé que le rapport de l'Afsset constitue ''un point d'étape important qui vient conforter et enrichir les orientations du gouvernement''. Les ministres ont également indiqué que ''l'ensemble des recommandations issues de ce rapport seront largement intégrées dans les actions actuellement en cours''.
C'est également le souhait des associations de médecins et de protection de l'environnement. ''Le rapport de l'Afsset publié aujourd'hui peut être lu de différentes façons, mais une chose est sûre, il appelle à la vigilance'', commente L'Association Santé Environnement France. ''Le nouvel avis de l'Afsset rompt avec l'unanimité de façade scientifique qui a prévalu jusqu'à présent et invite les pouvoirs publics à agir rapidement notamment en réduisant les expositions aux ondes électromagnétiques'', estime de son côté Priartém.
Pour Stéphen Kerckhove, délégué général d'Agir pour l'environnement, ''c'est un avis courageux et en rupture tant sur la forme que sur le fond. Nous sommes vraiment à un tournant, pour la première fois, en France, nous avons un avis qui prouve qu'il existe des études sérieuses qui donnent des signaux d'alerte'', commente pour sa part José Cambou, pilote du réseau santé-environnement de France Nature Environnement.
Reste désormais à traduire dans les actes le nouvel éclairage de l'Afsset. Les débats du Grenelle 2 à l'Assemblée nationale qui devraient débuter d'ici quelques semaines pourraient en être l'occasion. Les sénateurs Verts rappellent avoir déposé une proposition de loi relative à la réglementation de l'implantation des antennes-relais de téléphonie mobile et à la réduction de l'exposition des personnes aux champs électromagnétiques. Forts de l'avis de l'Afsset, ils demandent aujourd'hui que leurs recommandations soient enfin prises en compte.
En attendant, le gouvernement installe demain le comité de suivi de la table ronde ''radiofréquences, santé, environnement''. Ce comité aura pour objectif d'assurer le suivi des dix orientations retenues à l'issue du Grenelle des ondes organisé en mai dernier.