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Les retenues d'eau ne peuvent être que des solutions provisoires

Une mobilisation importante s'annonce ce week-end dans les Deux-Sèvres pour obtenir un moratoire sur la construction des bassines. Les retenues d'eau et leurs conséquences sur les milieux ont fait l'objet de travaux scientifiques. Zoom sur les résultats.

Eau  |    |  D. Laperche
Les retenues d'eau ne peuvent être que des solutions provisoires

« Nous ne lâcherons rien et continuerons à exiger collectivement un moratoire sur tous les projets de mégabassines », ont assuré le collectif Bassines non merci, la Confédération paysanne et les Soulèvements de la Terre. Les trois associations ont appelé à une mobilisation internationale du 24 au 26 mars en Poitou et aurait reçu l'appui de 200 organisations politiques, syndicales et écologistes. Elles prévoient notamment un rassemblement sur le site de la construction de la retenue des Terres rouges, dans la commune de Sainte-Soline, et/ou le site de celle de Mauzé-sur-le-Mignon, dans les Deux-Sèvres. « Nous sommes très inquiets des risques qu'un tel rassemblement fait peser sur nos outils de travail », a, quant à lui, réagi Thierry Boudaud, le président de la Coop de l'eau 79 (1) , coopérative qui porte le projet de création de 16 réserves de substitution réparties dans les Deux-Sèvres, en Charente-Maritime et dans la Vienne. Leur inquiétude a été entendue par la préfecture des Deux-Sèvres qui a interdit toutes manifestations et attroupements dans 17 communes du département du 24 au 26 mars.

“ Ces petits plans d'eau pris individuellement n'ont pas forcément d'impacts majeurs pour le milieu, c'est leur multiplication qui pose un problème ” Nadia Carluer, Inrae
Le choix de l'utilisation de réserves d'eau d'ampleur pour faire face aux effets du changement climatique suscite le débat. Parmi les principaux arguments en faveur de ces ouvrages figure celui d'une condition considérée comme indispensable pour maintenir les cultures et garantir une souveraineté alimentaire. À l'inverse, les opposants considèrent les retenues comme un facteur qui ralentit les démarches d'adaptation de l'agriculture et prélève pour un usage privé une part d'eau qui aurait pu servir aux milieux et à la recharge des nappes.

569 grands ouvrages et 600 000 à 700 000 petits plans d'eau

À l'échelle nationale, 560 grands ouvrages ont été recensés en France métropolitaine, pour environ 10 milliards de mètres cubes. Plus nombreuses, les petites retenues sont également plus difficiles à quantifier. Les scientifiques tableraient toutefois, selon les méthodes, sur 600 000 à 700 000 petits plans d'eau pour une surface de 4 000 à 4 500 km2 (0,7 à 0,8 % de la France).

Des retenues catégorisées en fonction de leur alimentation

D'une façon large, les retenues sont des plans d'eau artificiels. Mais cette première approche cache une multitude de types de stockage d'eau. Pour y voir plus clair, les scientifiques en ont distingué cinq sortes en fonction du mode d'alimentation. Première catégorie : les retenues qui se remplissent grâce à la nappe, appelées parfois bassines. Le second type réunit les retenues qui pompent dans les rivières. Les retenues collinaires constituent la troisième catégorie. Ce sont normalement des ouvrages remplis lors de la période de pluie pour éviter des prélèvements en période d'étiage. Elles sont également en principe strictement alimentées par le ruissellement et déconnectées du réseau hydrographique. La quatrième catégorie sont les retenues en dérivation, avec deux configurations possibles : soit le cours d'eau est dévié vers la retenue, soit la retenue est installée sur un bras annexe. Enfin, le dernier type correspond aux retenues en barrage sur des cours d'eau.

« Les petits plans d'eau entre 10 et 1 000 hectares représentent la surface la plus importante, a situé Nadia Carluer, ingénieur-chercheur dans l'unité de recherche RiverLy de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), à l'occasion d'un webinaire organisé par le Centre de ressources et d'expertise scientifique sur l'eau de Bretagne (2)Mais, en termes de nombre, les retenues de moins de 10 hectares sont écrasantes. » Un inventaire est en cours dans le cadre du Varenne agricole de l'eau.

Le monde de la recherche s'est également intéressé à l'influence de ces ouvrages sur les milieux. Les scientifiques ont identifié un certain nombre de conséquences de la présence d'une retenue - prise de manière isolée - sur le milieu : elle modifierait ainsi les volumes et la dynamique de l'écoulement et constituerait un piège à sédiments ou jouerait un rôle de stockage pour le phosphore et les éléments traces métalliques. « Pour ce qui concerne les pesticides, les retenues jouent plutôt un rôle tampon, car la dégradation et l'adsorption des produits vont pouvoir y advenir », a expliqué Nadia Carluer. Avec la présence de phosphore, d'azote et une température de l'eau souvent réchauffée, les retenues présentent un risque accru d'eutrophisation. Elles modifient également la structure des communautés vivant en aval, mais aussi en amont de l'ouvrage. « Ces petits plans d'eau pris individuellement n'ont pas forcément d'impacts majeurs pour le milieu, c'est leur multiplication qui pose un problème », a souligné Nadia Carluer. Or l'évaluation des impacts cumulés des retenues s'avère particulièrement complexe au vu de la diversité des situations possibles.

Une évaluation difficile de l'impact cumulé des retenues d'eau

Pour essayer d'y voir plus clair, le ministère de l'Environnement et aujourd'hui l'Office français de la biodiversité (OFB) avaient lancé une expertise collective (3) de 2014 à 2016. Le contexte s'y prêtait avec la mise en œuvre de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (Lema). Celle-ci visait notamment la diminution des volumes prélevables lors de l'étiage dans les bassins versants en tension. Et ceci a provoqué une augmentation de la demande de construction de retenues. En parallèle, sur le plan européen, une réforme des études d'impacts demandait l'évaluation des conséquences cumulées des projets de même nature. « Un des constats a été que les services de l'État sur les territoires, notamment les DDT [directions départementales des territoires], étaient démunies en termes de méthodes et d'outils pour évaluer les effets des retenues déjà présentes sur les bassins versants et si nous avions déjà dépassé le seuil préoccupant pour le milieu », a précisé Nadia Carluer.

Cette expertise scientifique a mis l'accent sur le manque de données et de résultats, notamment sur l'hydromorphologie (les effets sont principalement évalués pour les grandes retenues installées sur des cours d'eau), les processus biogéochimiques et écologiques. « La présence des retenues influence l'ensemble des caractéristiques fonctionnelles des cours d'eau, a noté Claire Magand, chargée des questions relatives à la gestion quantitative à l'OFB. La difficulté est d'évaluer leur singularité en fonction du territoire. »

Quelques grandes tendances ont toutefois pu être dégagées. « Sur l'hydrologie, l'analyse bibliographique montre une réduction forte des débits annuels pour les bassins fortement aménagés et cette diminution des débits annuels était d'autant plus marquée que les années étaient sèches », a expliqué Claire Magand. Les flux sédimentaires sont également modifiés avec des effets différents selon la position de la retenue dans le bassin versant. Les retenues jouent également sur la morphologie des cours d'eau, avec une réduction de la bande active (4) et la migration des chenaux (5) .

Un guide méthodologique mis à jour en 2023

À la suite de cette étude, l'OFB a publié en 2017 un guide (6) avec des éléments de méthode pour aider à l'évaluation de l'impact cumulé des plans d'eau. Il propose une démarche en trois étapes : l'identification des principaux impacts liés aux retenues, la détermination de l'importance de ces derniers et l'étude des effets des projets d'aménagement. La faisabilité de ce guide a été éprouvée dans huit bassins versants entre 2019 et 2022 dans le cadre du projet « Impacts cumulés des retenues d'eau sur le milieu aquatique » (Icra). Grâce aux retours de ces derniers, le document va être actualisé cette année. Cette étude a également permis de mettre l'accent sur une utilisation abusive du terme de retenues collinaires. « Nous nous sommes rendu compte dans le cadre du projet Icra que nombre de retenues dites collinaires étaient en réalité situées sur des sources », a souligné Nadia Carluer.

D'une manière plus large, pour l'ingénieur-chercheur de l'Inrae, l'installation de retenues implique une réflexion à l'échelle du territoire, mais suppose aussi une vision à long terme qui s'accompagne d'une évolution du modèle agricole. « Il existe déjà des retenues qui régulièrement ne se remplissent pas et nous pouvons penser qu'avec des années avec un hiver comme celui que nous vivons, cela se multiplie », a-t-elle averti.

1. Société coopérative anonyme de l'eau a vu le jour en 2011, à l'initiative des élus de la Chambre d'agriculture des Deux-Sèvres et de Coop de France Poitou-Charentes2. Regarder le webinaire Les retenues d'eau : une opportunité d'adaptation au changement climatique ? <br /><br /><br />
https://www.creseb.fr/les-retenues-deau-comme-opportunite-dadaptation-au-changement-climatique/
3. Consulter les résultats de l'expertise collective<br /><br /><br />
https://professionnels.ofb.fr/fr/doc-comprendre-agir/impact-cumule-retenues-deau-milieu-aquatique-expertise-scientifique-collective
4. Espace constitué par le lit mineur et les bancs d'alluvions (graviers, sables, vases, etc. amenés par un cours d'eau) plus ou moins végétalisés5. Partie la plus profonde où passe le courant principal6. Consulter le guide méthodologique de l'OFB (qui sera actualisé courant 2023)
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-41392-cumul-impacts-retenues-eau-milieux-aquatiques-ofb-guide.pdf

Réactions10 réactions à cet article

les bassines sont promises à l'eutrophisation car sans eau circulante; elles perdent 25% d'eau par an avec le vent et le soleil; elles nécessitent apport d'eau des nappes phréatiques d'autant plus vulnérables.

babucologne | 23 mars 2023 à 18h49 Signaler un contenu inapproprié

L'évapotranspiration des retenue d'eau est un bienfait pour les alentours.
De même l’irrigation participe à l'évapotranspiration.
L'évapotranspiration refroidie les alentours et alimente le ciel en humidité.
A noter, en 2017 l'OFB n’existait pas.

ouragan | 24 mars 2023 à 18h36 Signaler un contenu inapproprié

@ouragan et les centrales nucléaires font des nuages de pluies?
je ne crois pas que cet été il soit tombé plus d'eau autour des zones irriguées??
le probleme est que l'eau quand elle manque doit etre économisée: maïs/sorgho...culture énergétique/nourricière... tourteau/prairie et foin...
stockage dans le sol ou en bassine... sol vivant/sol mort?

quand on mangera les pissenlits par la racine.. | 24 mars 2023 à 22h27 Signaler un contenu inapproprié

L'évaporation de l'eau par la végétation ou la sur-
face du sol constitue une perte d'eau. Elle permet, par contre, à la végétation de survivre et de produire; enfin, elle alimente l'atmosphère en vapeur d'eau et contribue ainsi, en fermant le cycle de l'eau, à entretenir les précipitations. (R. J. BOUCHET Maître de Recherches, Station centrale de Bioclimatologie(I.N.R.A.)

la conclusion intéressante des études sur l'évapotranspiration
est que L’IRRIGATION, non seulement comble des besoins (agricole entre autres) de déficits en eau, mais diminue ces mêmes besoins de déficits en eau, en créant une sorte de micro-climat qui abaisse l'évapotranspiration potentielle et place le végétal dans de meilleures conditions de production.

On a un spécialiste qui s'appelle Laurent et qui commente souvent sur actu-environnement qui pourrait expliquer tout cela mieux que moi.

ouragan | 27 mars 2023 à 23h55 Signaler un contenu inapproprié

Bonjour Dorothée Laperche,
Merci pour cet article. Je prends le sujet en cours de route, les réponses à mes questions sont peut-être évidentes et je m'en excuse par avance :
Pour ces bassines, y-a-t-il une étude d'impact, si oui quelles mesures compensatoires ? par exemple :
- imposer des cultures adaptées à la sécheresse?
- programme de diminution, optimisation des traitements phyto ?
- programme d'optimisation de l'utilisation d'engrais pour limiter l'eutrophisation ?
- programme de re-création de haies bocagères avec essai de végétation adaptée ( avec arrosage ciblé pendant les premières années) ?
- mise en place panneaux solaires pour autonomie électrique des pompes, des oxygénateurs et couverture partielle de la bassine?
- tableau de bord des volumes consommés selon le type de culture ( ex le maïs pourrait être réduit) , d'exploitation, et de production ( ex bio)?
- Contrat de culture entre un organisme public et des agriculteurs : quels contrôles? quelles pénalités et par qui sont-elles appliquées?
merci de m'avoir lu.

Aux arbres citadins! | 28 mars 2023 à 11h53 Signaler un contenu inapproprié

@ouragan. Vous confondez évaporation et évapo-transpiration.
L'OFB est issu de la fusion de l'AFB et de l'ONCFS. L'AFB étant pour sa partie eau issue de l'ONEMA, organisme spécialisé dans le domaine de l'eau depuis longtemps. L'INRA et l'IRSTEA ont fusionné dans l'INRAE.
La citation de l'INRA explique l'évapo-transpiration des végétaux dans le cycle de l'eau et c'est le cycle de l'eau à l'échelle mondiale quand il parle des alimentations de précipitations (en tout cas, ce n'est pas du local). Le problème des retenues est tout autre, c'est bien de l'évaporation dont il s'agit dans un plan d'eau stagnant (du coup besoin de prélever plus d'eau), tout ce que vous écrivez derrière sur l'irrigation n'est donc pas fondé.

espritcritique | 29 mars 2023 à 18h00 Signaler un contenu inapproprié

Le nouvel établissement public regroupant l'AFB et l'ONCFS a vu le jour au 1er janvier 2020. L'OFB ne pouvait donc pas faire d'expertise collective de 2014 a 2016 comme écrit dans l'article puisqu'elle n'existait pas, ni publier en 2017 le guide des plans d'eau.
Définition de l'évapotranspiration par l'ONCFS : "L'évapotranspiration désigne le processus par lequel l'eau liquide terrestre est renvoyée dans l'atmosphère environnant sous forme gazeuse. Cette eau provient de la sublimation de la neige, de l'évaporation de l'eau libre ou contenue dans le sol, et d'autre part de la transpiration des plantes."
L’irrigation est donc une des mesures importantes pour favoriser cette évapotranspiration et par ricochet les retenues d'eau y participent grandement.
Il est évident que l'évapotranspiration dans la Drome par exemple a peut de chance de retomber en pluie dans ce même département. Mais si tout le monde si met ça devrait fonctionner globalement.

ouragan | 29 mars 2023 à 20h01 Signaler un contenu inapproprié

je serai curieux de connaitre la formation scientifique de votre spécialiste Laurent
encore une fois pouvez vous prouver que l'irrigation ait été à l'origine d'une quelconque pluie ? L'été dernier est intéressant puisque des irrigants à partir de bassine ont arrosé des mais, quels ont été les bienfaits observés selon vous?

lameraboire | 29 mars 2023 à 22h37 Signaler un contenu inapproprié

@lamerzboire désolé mais c'est une étude de l'INRA par un maître de recherche : "L'évaporation de l'eau par la végétation ou la surface du sol constitue une perte d'eau. Elle permet, par contre, à la végétation de survivre et de produire; enfin, elle alimente l'atmosphère en vapeur d'eau et contribue ainsi, en fermant le cycle de l'eau, à entretenir les précipitations."
Peut être pourriez vous le contacter (R. J. BOUCHET) pour lui expliquer qu'il se trompe et lui donner votre version?
Il est évident que les précipitations dues à l'évapotranspiration ne se fait pas au dessus des bassines!

ouragan | 30 mars 2023 à 10h03 Signaler un contenu inapproprié

@lamerzboire
Effectivement, Laurent me semble faire parti du même lobby qu'Ouragan car j'ai déjà déconstruit les arguments de Laurent dans d'autres articles sur l'eau qui avaient été commentés.
@ouragan, oui l'article a fait un raccourci en utilisant le nom actuel de l'organisme ayant fait l'étude sous un autre nom à l'époque.
Je m'étonne que l'ONCFS, dont le domaine est la chasse et la faune sauvage donne une définition dans le domaine de l'eau. Selon la fresque de l'eau, l'évapotranspiration est le passage de l'atmosphère de l'eau contenue dans les sols et dans les plantes. On parle d'évaporation terrestre pour le passage à l'atmosphère de l'eau libre (rivières, plans d'eau...) et de sublimation pour le passage direct de l'eau solide (glaciers et neiges) en vapeur d'eau.
Encore une fois, vous mettez un "donc" entre deux phrases qui n'ont en réalité pas de rapport entre elle, une sorte de syllogisme mais c'est déjà bien que vous reconnaissiez que les précipitations ne se feront pas dans la même région.

espritcritique | 03 avril 2023 à 22h20 Signaler un contenu inapproprié

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