Mercredi 4 août, le Conseil d'État a rendu public sa décision au regard de sa saisine de 2017 par l'association Les Amis de la Terre sur la question de la qualité de l'air. Il condamne l'État à payer une astreinte fixe de 10 millions d'euros. « Il s'agit de la plus grosse amende jamais ordonnée par le juge administratif, se réjouissent Les Amis de la Terre dans un communiqué. C'est un symbole fort contre l'inaction étatique. »
Pollution de l'air encore trop élevée
A l'origine, Les Amis de la Terre avaient pointé du doigt la non-conformité de la France vis-à-vis des valeurs limites de concentration de particules fines (PM10) et de dioxyde d'azote (NO2), fixées par une directive européenne, dans treize zones. En juillet 2020, les concentrations mesurées dépassant effectivement les seuils européens dans huit de ces zones, le Conseil d'État avait avait donné six mois au Gouvernement pour se mettre en conformité sous peine de verser une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard.
Le Conseil d'État relève que les données provisoires pour l'année 2020 indiquent « que les dépassements persistent pour Paris et Lyon et que les taux ne sont que légèrement inférieurs aux seuils limites pour [Toulouse, Marseille-Aix et Grenoble], alors même que plusieurs sources de pollution, notamment la circulation routière, ont été très fortement diminuées avec les mesures prises pour faire face à la crise sanitaire. » Autrement dit, « l'État n'a pas su prouver [que cette baisse de la pollution de l'air dans certaines zones concernées] était le fruit de politiques publiques de lutte contre la pollution de l'air et non le résultat des limitations d'activités et de déplacements liés à la crise sanitaire et au(x) confinement(s) ».
Par ailleurs, le Conseil d'État considère les mesures mises en avant par l'État pour renverser la tendance « dans le délai le plus court possible » (instauration de nouvelles zones à faible émission (ZFE), interdiction progressive des chaudières à gaz ou à fioul, entre autres) insuffisantes et incertaines. « Aucun nouveau plan de protection de l'air n'a été adopté pour les zones concernées, alors que ces plans constituent aujourd'hui un outil connu et adapté pour préciser les actions à mener et évaluer dans quel calendrier elles permettront de repasser sous les valeurs limites », souligne en outre le Conseil d'État dans son communiqué.
Le Conseil d'État « maintient la pression sur le Gouvernement »
En conséquence, le Gouvernement est désormais contraint de verser 10 millions d'euros, au titre de son premier semestre de retard sur l'astreinte (du 11 janvier au 11 juillet 2021), aux parties suivantes :
- 100 000 euros aux Amis de la Terre, qui avaient initialement saisi le Conseil d'État ;
- 3,3 millions à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ;
- 2,5 millions au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ;
- 2 millions à l'Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments (Anses) ;
- 1 million à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) ;
- 1 million aux associations de surveillance de la qualité de l'air, Atmo France (350 000 euros à AirParif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune, et 200 000 à Atmo Occitanie et AtmoSud chacune).
En plus de ce paiement, le Conseil d'État prévient qu'il « évaluera les actions du Gouvernement pour le second semestre de l'année 2021 au début de l'année 2022 et décidera si l'État devra verser une nouvelle astreinte de 10 millions d'euros, majorée ou minorée. »
Les Amis de la Terre se félicitent de ce partage de la somme avec des administrations non-étatiques et le maintien de l'astreinte sur la durée. « La juridiction administrative suprême invente une solution originale pour maintenir la pression sur le Gouvernement tout en préservant les deniers publics, a déclaré Louis Cofflard, avocat des Amis de la Terre. Il s'agit d'une nouvelle jurisprudence historique. Le Conseil d'État donne encore raison à la société civile. »