La directive relative aux émissions industrielles, dite « directive IED », règlemente les installations les plus polluantes dans l'UE. Ce texte impose de réviser les conditions d'autorisation des installations d'un secteur industriel dès que sont publiées au Journal officiel les conclusions sur les meilleures techniques disponibles (MTD) le concernant. C'est ce qui est advenu, le 3 décembre, pour les installations d'incinération des déchets avec la publication d'une décision d'exécution de la Commission européenne. Après plus de cinq ans de travaux, ces conclusions résultent de la révision du document de référence sur les MTD applicables à ce secteur (Bref WI) qui datait d'août 2006. Elles font suite à celles applicables au traitement de déchets, publiées en août 2018.
Les conclusions sur les MTD servent de références contraignantes pour la fixation des valeurs limites d'émission (VLE) applicables aux installations concernées. En effet, ces valeurs doivent être fixées de telle sorte que les émissions n'excèdent pas les niveaux d'émission associés aux MTD (NEA-MTD ou Batael). La publication de ces conclusions déclenche le réexamen des conditions d'autorisation des installations existantes. Celles-ci disposent d'un délai d'un an à compter de la publication, pour adresser un dossier de réexamen au préfet. La mise en conformité des installations avec les nouvelles dispositions doit être assurée dans un délai de quatre ans à compter de la publication, soit avant le 4 décembre 2023.
« Standards plus stricts »
« Les conclusions sur les MTD sont censées être un document autonome qui sert de référence pour les permis. Cependant, de nombreuses informations pratiques, qui seront nécessaires à leur mise en œuvre, font défaut dans le document et ne sont pas autrement disponibles pour (…) les exploitants d'installations et les autorités compétentes », pointe la Confédération des usines européennes de valorisation des déchets (Cewep). C'est la raison pour laquelle cette fédération publie, avec d'autres organisations professionnelles européennes (Eswet, Fead, Euroheat & Power), relayées au plan français par trois syndicats professionnels (Snide, SVDU, Fnade), un document d'orientation sur ces conclusions.
« Les conclusions MTD imposent des standards plus stricts que ceux de l'annexe VI de la directive sur les émissions industrielles, actuellement en vigueur et déjà très exigeants, notamment sur les émissions atmosphériques et aqueuses. De plus, de nouvelles substances devront être mesurées et certaines dispositions de mesurage seront renforcées », analyse le groupe Cnim, équipementier et ensemblier industriel français.
Pour les usines françaises, explique le Syndicat national des bureaux d'études environnement (SN2E), il s'agit principalement « de renforcer l'épuration des poussières, de l'acide chlorhydrique (HCl) et du dioxyde de soufre (SO2), d'imposer une réduction importante des oxydes d'azote (NOx), d'imposer de nouvelles contraintes sur le mercure (contrôle continu) et de renforcer les mesures sur les émissions de dioxines/furanes par un contrôle périodique des PCB-DL (dioxin-like) ». Le syndicat a lui aussi rédigé des recommandations techniques destinées aux collectivités gestionnaires d'unités de valorisation énergétique de déchets.
« Les conclusions MTD ne se limitent pas aux émissions », relève toutefois le Cnim. Elles traitent aussi des techniques les plus avancées en termes de performance de combustion, d'efficacité énergétique, de récupération de matériaux, de la réduction du bruit et de la mise en œuvre d'un système de management environnemental ».
Ajouter de la biomasse pour alléger la réglementation
Pourtant, tout n'est pas aussi rose que le laissent entendre les industriels. « Au lieu de réduire l'impact environnemental de l'une des industries les plus controversées d'Europe, [ces nouvelles règles encouragent] certaines installations à ajouter des déchets de biomasse à leur mélange de carburants afin de les faire tomber dans un cadre réglementaire plus clément », dénonce le Bureau européen de l'environnement (BEE), qui fédère des associations de protection de l'environnement dans toute l'Europe.
De manière plus générale, cette dernière rappelle que plus de 80 millions de tonnes de déchets ménagers sont brûlées chaque année en Europe. « Cela est incompatible avec l'objectif de passer à une "économie circulaire", dans laquelle les déchets sont évités et les produits réutilisés ou recyclés », dénonce le BEE. Un point de vue diamétralement opposé de celui du président du Cewep. « Nous sommes très fiers des performances environnementales des usines de valorisation énergétique des déchets en Europe, qui continuent à agir comme un puits de pollution dans une gestion intégrée des déchets, en traitant les déchets qui ne peuvent pas être recyclés de manière écologiquement rationnelle, tout en utilisant des technologies robustes et une longue expérience », se félicite Paul De Bruycker.