Par un arrêt du 14 octobre 2011 (1) , le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi de la société Ocréal (Novergies - Groupe SUEZ Environnement-SITA), exploitant de l'incinérateur, contre la décision d'appel ayant confirmé l'illégalité de l'arrêté préfectoral d'autorisation de son installation. L'annulation est fondée sur l'insuffisance de l'étude d'impact.
Insuffisances de l'étude d'impact présentant un caractère substantiel
Les effluents liquides industriels issus du lavage industriel des fumées produits et stockés par l'usine d'incinération relèvent de la catégorie des déchets dangereux. Or, "l'étude d'impact ne mentionnait pas la dangerosité de ces effluents alors même qu'ils devaient faire l'objet d'un traitement avant de pouvoir être rejetés dans le canal de Lunel", souligne la décision du Conseil d'Etat.
D'autre part, l'étude d'impact "ne fournissait aucune précision sur les effets possibles de l'usine, située notamment dans une zone à dominante agricole, sur les cultures maraîchères, sur les arbres fruitiers ou encore sur les animaux d'élevage". La cour administrative d'appel de Marseille avait aussi relevé "l'analyse insuffisante tant des risques de pollution de la nappe phréatique du Villafranchien et de l'étang de l'Or que des mesures de protection des eaux".
Le Conseil d'Etat valide ainsi l'arrêt de la cour par lequel elle avait estimé que ces insuffisances présentaient un caractère substantiel de nature à entacher la régularité de la procédure d'autorisation.
Compatibilité avec le SDAGE
On relèvera toutefois que, pour le Conseil d'Etat, la cour n'avait pas à apprécier si l'étude d'impact mentionnait ou non la compatibilité de l'installation avec les dispositions du SDAGE en matière de qualité des eaux de surface, car "celui-ci ne s'imposait pas à la décision attaquée".
Cette position du Conseil d'Etat interroge lorsque l'on sait que l'article L. 214-7 du Code de l'environnement (2) prévoit que les ICPE sont soumises aux dispositions relatives aux SDAGE.
Il existe toutefois des précédents, puisque la haute juridiction administrative dans un arrêt du 10 janvier 2011 (3) relevait que "la décision litigieuse d'autorisation d'exploiter une carrière de sables et de graviers alluvionnaires ne constituait pas une décision administrative dans le domaine de l'eau au sens de l'article L. 212-1 du Code de l'environnement, et que, par suite, cette décision n'était pas soumise à l'obligation de compatibilité avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux".
"Alors que le Conseil d'Etat ne motive toujours pas sa position, cette décision est susceptible d'induire des répercussions juridiques notables sur les SDAGE", avertissait David Deharbe, avocat spécialisé en droit de l'environnement, commentant cette décision en juin dernier. Cette remarque reste valable aujourd'hui, la formulation de l'arrêt du Conseil rejetant la compatibilité de l'autorisation ICPE avec le SDAGE étant encore plus lapidaire.
Arrêté préfectoral provisoire
"La confirmation par le Conseil d'Etat de l'annulation de l'arrêté préfectoral initial de 1999 n'apporte pas un fait nouveau et ne change rien à l'existant", déclare inflexible le préfet de l'Hérault. "Depuis le 12 mars 2007, l'incinérateur de Lunel-Viel est autorisé à fonctionner par un arrêté préfectoral provisoire, parfaitement légal, ayant été validé par le tribunal administratif de Montpellier", justifie-t-il.
Pour le représentant de l'Etat, la situation déficitaire dans l'Hérault en matière d'installations de traitement de déchets, n'a pas laissé d'autre alternative que d'autoriser la poursuite de l'exploitation "assurant ainsi la continuité du service public d'élimination des déchets ménagers (Ocréal ayant une capacité annuelle de traitement de 120.000 tonnes)".
Pour Claude Duport, vice-président de l'association pour la protection de l'environnement du Lunellois, à l'origine du recours avec l'association Lunel-Viel, "depuis sa construction, cet incinérateur fonctionne sans arrêté préfectoral valide (…), il va bien falloir que cette situation anormale soit régularisée".
Le préfet indique toutefois qu'il a permis la poursuite de l'exploitation "tout en prescrivant des normes environnementales rigoureuses et en mettant en demeure la société Ocréal de régulariser sa situation administrative". Le 10 décembre 2009, il signait effectivement un arrêté complémentaire imposant à cette dernière "la suppression totale des rejets liquides dans le milieu naturel et la réduction significative des rejets atmosphériques".
"Depuis, l'exploitant a modifié le traitement des fumées pour supprimer les rejets liquides qui, à travers le canal de Lunel, arrivaient dans l'Étang de l'Or, zone protégée et fragile", concède Claude Duport. "Mais cette modification a été entièrement financée par le délégataire (le syndicat mixte Entre Pic et Etang SMEPE)", ajoute-t-il en pointant les relations "bizarres" entre le syndicat et le délégataire, d'ailleurs soulevées dans le récent rapport de la Cour des comptes sur la gestion des déchets ménagers. Le contrat initial de 1995 a en effet été modifié six fois entre 1997 et 2000, puis quatre fois entre 2003 et 2007.
Nouvelle enquête publique
"La société Ocréal devrait déposer son dossier définitif et complété très bientôt, permettant ainsi la poursuite de la procédure de régularisation et le lancement d'une enquête publique dans le courant du 1er trimestre 2012", indique le préfet.
Nous attendons "une nouvelle enquête publique préalable à la délivrance d'un nouvel arrêté", confirme Claude Duport. Mais, cette fois-ci, avec "un dossier irréprochable".