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Union européenne : incohérences environnementales des politiques de cohésion

Le réseau Bankwatch a réalisé une évaluation de la prise en compte des objectifs environnementaux et climatiques dans les investissements soutenus par les fonds de cohésion. La Commission cherche à accentuer leur cohérence écologique.

Gouvernance  |    |  A. Sinaï

Lors d'une conférence de presse à Bruxelles le 2 février, conjointement organisée par Bankwatch et les Amis de la Terre Europe, des représentants d'organisations environnementales des pays d'Europe centrale et de l'Est ont passé au crible les allocations de fonds de cohésion européens. Ce fonds de soutien aux politiques régionales se monte à 347 milliards d'euros et représente un tiers du budget de l'UE pour la période 2007-2013. Selon Bankwatch, entre 2007 et 2013, plus de 12 milliards d'euros auront servi à financer des infrastructures polluantes. L'objectif des politiques de cohésion est de réduire les disparités économiques, sociales et territoriales entre les régions européennes. La Commission ne vise pas à un simple transfert de richesse, mais à un effet d'entraînement en faveur du développement durable et de la création d'emplois. Elle se heurte à la souveraineté des Etats à qui il revient de mettre en œuvre les décisions politiques. Des discussions sont en cours afin de promouvoir une stratégie commune d'orientation des fonds (Common Strategic Funding), sur la base d'indicateurs de suivi, afin de relier le fonds de cohésion avec les objectifs européens de 2020. La Commission veut affecter ces fonds par une législation ex ante, plutôt que remédier aux dysfonctionnements a posteriori.

Seuls 2,4% des financements de cohésion alloués aux objectifs climatiques

Tandis que se négocie entre Etats membres le prochain budget de l'UE 27 (1) , qui pourrait atteindre le trilliard d'euros pour la période 2014-2020, comment se traduisent les objectifs énergétiques et climatiques européens dans ces subventions ? "La refonte des systèmes de transports, l'énergie et la gestion des déchets devraient être les composantes intégrées et transversales d'une action européenne cohérente", affirme Marcus Trilling, chargé de cette campagne pour Bankwatch et les Amis de la Terre Europe, qui ont aussi souligné le nombre élevé d'emplois – chiffrés en centaines de milliers – que ce basculement des politiques pourrait contribuer à créer. Or l'Union européenne n'est pas partie pour achever ses objectifs de réduction de 20% de ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020, sans parler de ses objectifs pour 2050 de société faiblement carbonée à -95% des niveaux de 1990. "Echouer à atteindre ces objectifs revient à menacer la sécurité énergétique de l'Europe", affirme Markus Trilling. Seuls 2,4% des financements de cohésion ont été alloués aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique. Et ce dans le contexte d'allocation d'"air chaud" qui, au titre des négociations climatiques, confère aux pays d'Europe centrale et de l'Est d'importantes marges de revente de leurs crédits carbone.

Les pays de l'Est héritent d'industries lourdes très intensives en énergie et de problèmes environnementaux non résolus comme des eaux polluées et des surplus de déchets. Selon l'Agence européenne de l'environnement, les économies de l'Europe centrale et d'Europe de l'Est sont encore classées parmi les dix économies les plus consommatrices d'énergie par unité de PIB de l'UE. L'orientation des fonds de cohésion vers des politiques de soutenabilité dans ces pays pourraient les aider à rejoindre les standards de l'Europe de l'Ouest. Or la part des fonds de cohésion destinée à l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables pour les pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est atteint à peine 2,4% de l'enveloppe 2007-2013. Dans les pays de l'Est, les systèmes de chauffage urbain sont particulièrement inefficaces, avec des pertes énergétiques pouvant atteindre 25 à 30%. En Lituanie et en République tchèque, les fonds de cohésion ont eu un effet d'entraînement sur l'économie locale grâce aux investissements publics dans les économies d'énergie.

Quand cohésion rime avec émissions

Le volet transport, levier crucial de la baisse des émissions de carbone, est une des aires principales d'investissement des politiques de cohésion, dans des régions où le PIB est inférieur de 75% à la moyenne européenne. Plus de la moitié de ces fonds sont investis dans le secteur routier, alors que les émissions de gaz à effet de serre issues des transports ont augmenté de 24% entre 1990 et 2008 dans l'UE 27, et représentent maintenant près de 20% des émissions totales. Durant les deux dernières décennies, les pays de l'Est ont vu basculer massivement le trafic de passagers et de marchandises du train vers la route et les fonds européens renforcent cette tendance. En Pologne, le plus gros récipiendaire des fonds européens, la compagnie nationale ferroviaire n'a pas pu développer à temps des projets de développement pour absorber les fonds de cohésion. L'étude de Bankwatch (2) pointe aussi les contradictions entre politiques de transports et protection de la biodiversité dans les zones Natura 2000. Mais il y a aussi des exemples positifs, comme la vallée de Rospuda en Pologne, l'une des plus anciennes réserves naturelles du pays, où un projet d'autoroute vers les Pays Baltes a été abandonné sous la pression conjointe de la société civile et de l'UE.

Les pays d'Europe centrale et de l'Est sont confrontés à des difficultés de traitement des déchets. La plupart des décharges municipales ne sont pas aux normes européennes. La politique de cohésion pourrait y remédier, en subventionnant le tri des déchets et leur réduction à la source. La nouvelle législation européenne en matière de déchets fixe à 50% l'objectif de recyclage d'ici à 2020, ce qui implique que les investissements soutenus par les fonds européens aillent dans le même sens. "Or les incinérateurs demeurent favorisés par les politiques nationales", explique Genady Kondarev, du réseau Bankwatch Bulgarie, qui s'inquiète du projet d'incinérateur de la capitale, Sofia, et de l'absence totale d'information préalable du public dans le pays : "Les Etats membres ne veulent pas de formalités administratives supplémentaires, et ceci pose problème si l'on veut voir appliquées les règlementations climatiques européennes d'ici 2020. Les émissions ont grimpé depuis que l'UE finance l'Est " En République tchèque, le plan national de traitement des déchets a été radicalement modifié en 2009 pour que les incinérateurs puissent entrer en ligne de compte dans les investissements européens. Cette modification s'est produite sans avoir été soumise à une évaluation environnementale préalable et malgré les protestations des environnementalistes qui en appelaient à des options telles que le recyclage et le traitement mécanico-biologique.

D'ici fin 2012, le Parlement européen et le Conseil devraient avoir approuvé le nouveau cadre des politiques de cohésion pour la période 2014-2020. Adoptée le 6 octobre 2011, la proposition de la Commission prévoit des conditionnalités plus fortes pour encourager les Etats membres à mettre en oeuvre les législations européennes et lever les obstacles au développement de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables. "Mais les régulations ne vont pas assez loin pour éliminer les subventions toxiques comme celles qui soutiennent le transport routier, et elles ne garantissent pas un vrai basculement vers les secteurs compatibles avec la protection du climat", souligne MarcusTrilling, qui en appelle au renforcement des propositions de la Commission afin d'éviter le gâchis de subventions publiques.

1. En savoir plus sur le prochain budget de l'UE
http://ec.europa.eu/regional_policy/what/future/proposals_2014_2020_en.cfm#2
2. Consulter l'étude de Bankwatch
http://bankwatch.org/sites/default/files/FundingEuropesFuture.pdf

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