Elaboration d'un « PIB vert »
En réponse à cette situation, certains pays développent de nouveaux indicateurs à l'image du Bhoutan, pays d'Asie qui prône son « Bonheur national brut » (BNB) en lieu et place de son « Produit National Brut ». Les pays occidentaux se penchent aussi sur la question des nouveaux indicateurs. En 2007, les représentants de la Commission européenne, de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de l'Organisation de la conférence islamique, du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et de la Banque mondiale ont signé la déclaration d'Istanbul invitant à aller au-delà des indicateurs habituels.
En France, le groupe de travail n°6 mis en place en 2007 dans le cadre du Grenelle de l'environnement a défini un premier programme d'actions visant à « améliorer et mieux diffuser les indicateurs du développement durable ». Le projet de loi Grenelle 1 prévoit d'ailleurs de disposer en 2010 d'indicateurs du développement durable à l'échelle nationale.
Une commission présidée par Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, a été mise en place en 2008 dans ce sens. Elle travaille à l'élaboration d'un « PIB vert » également appelé « Epargne nette ajustée ». Indicateur développé à l'origine par la Banque mondiale, l'Epargne nette ajustée cherche à mettre en évidence le surplus de ressources dont dispose une économie à l'issue d'un cycle de production et de consommation une fois compensée la dépréciation du capital économique humain et naturel. Cet indicateur se base par conséquent sur l'évaluation monétaire des dommages environnementaux et des bénéfices économiques procurés par l'environnement pour les compenser et réajuster le PIB initial. Si cet indicateur présente le mérite de coupler les enjeux économiques, humains et environnementaux, il est le fruit d'une réflexion basée uniquement sur les mécanismes financiers actuels. La commission Stiglitz souhaite le compléter par un indicateur de développement humain et un indicateur d'empreinte écologique.
L'autre approche du Conseil économique, social et environnemental
En parallèle, le Premier ministre a saisi le Conseil économique, social et environnemental en janvier 2009 sur cette question. Dans son avis adopté et publié hier2, le CESE propose une autre approche que celle de la commission Stiglitz. Il recommande de privilégier une logique de tableau de bord intégrant une douzaine d'indicateurs rattachés aux trois piliers du développement durable que sont l'économie, le social et l'environnement. Chaque indicateur serait associé à des objectifs quantifiés et tous devraient être diffusés auprès d'un large public sous forme d'un livret. La mise en place d'un tel tableau de bord nécessitera toutefois d'intensifier la production de données surtout dans les domaines social et environnemental où les données datent parfois de plusieurs années. Cela supposera d'améliorer la fréquence de mise à jour, leur adaptation à la décision publique et leur déclinaison géographique notamment pour l'Outre-mer.
Le CESE propose déjà une liste de ces indicateurs mais estime qu'il faudra associer étroitement les citoyens à leur définition. Le Conseil veut éviter que les informations fournies soient en décalage avec la perception de la population comme c'est le cas souvent pour l'indicateur économique du « pouvoir d'achat ».
Dans le cas où le gouvernement choisirait le trio d'indicateurs de la commission Sliglitz, le CESE recommande d'opter pour des indicateurs emblématiques et robustes pour compléter celui du « PIB vert ». Le conseil considère que l'empreinte écologique n'est pas suffisamment aboutie pour être utilisé à grande échelle. Cet avis est d'ailleurs partagé par le Service de l'observation et des statistiques du ministère (CGDD–SOeS) qui vient de publier son expertise de l'empreinte écologique3. Le CESE lui préfère le bilan carbone sachant que la forte hausse de l'empreinte écologique du pays observée ces dernières années est principalement due à l'augmentation des émissions de CO2.
Les travaux du CESE sont désormais dans les mains du Premier ministre. La commission Stiglitz doit quant à elle rendre son rapport au Président de la République au cours de l'été 2009. Une fois choisis, les indicateurs « développement durable » intégreront la prochaine Stratégie National de Développement Durable attendue au cours de l'année. Une conférence nationale réunissant les cinq parties prenantes au Grenelle de l'environnement devrait être organisée à cet effet avant la fin de l'année 2009.