Réglementation, dépollution, formation… Pour faire face à ce qu'il considère comme une urgence – la réindustrialisation de la France –, le président de la République veut accélérer sur tous les plans.
Après l'accélération du développement des énergies renouvelables et celle du nucléaire, le président de la République, Emmanuel Macron, veut désormais passer la vitesse supérieure en matière de réindustrialisation. Un enjeu crucial sur le plan économique et social, mais également environnemental, estime-t-il. « On ne peut pas réussir la bataille pour le climat et la biodiversité par une stratégie de désindustrialisation, parce qu'on importe des produits que l'on ne choisit pas (…), des modèles peut-être moins-disant que nous sur le plan climatique et plus attentatoires à la biodiversité », a-t-il expliqué lors de sa présentation de sa stratégie en la matière, jeudi 11 mai, à l'Élysée, devant un vaste parterre d'industriels, d'élus locaux et de ministres.
Et dans ce domaine, constatant pêle-mêle l'accélération du changement climatique, des atteintes à la biodiversité, des technologies, de la science, des tensions géopolitiques et de la concurrence mondiale, le chef de l'État se montre très pressé. « On doit s'appuyer sur ce que l'on a réussi ces dernières années, en le stressant, en le poussant aux limites », explique-t-il, afin de permettre l'installation ou la réinstallation massive des usines, dans les secteurs considérés comme « verts » – batteries, semi-conducteurs, hydrogène… – ou bénéficiant de process décarbonés. « On peut proposer beaucoup de milliards à des industriels, si on met trois quatre ans à déployer les projets, on est déjà en retard (…). Il est clair que nous devons changer nos approches. »
Des procédures deux fois plus courtes
Afin de réduire les délais de contentieux et de garantir le traitement des dossiers de création d'une usine en neuf mois au lieu de dix-huit, à partir de l'idée initiale au lancement des travaux, le chef de l'État propose de faire traiter toutes les procédures en parallèle, par une « équipe projet », et de mieux consulter les scientifiques, les experts et les publics, sans préciser comment. « Pour les projets d'intérêt majeur national nous allons prévoir une procédure exceptionnelle pour éviter qu'ils ne partent vers des économies concurrente », ajoute-t-il, sans plus d'informations, là encore.
On doit s'appuyer sur ce que l'on a réussi ces dernières années, en le stressant, en le poussant aux limites
Emmanuel Macron, président de la République
La planification de la dépollution des
friches industrielles à très court terme, en collaboration avec les collectivités locales, devrait également permettre de gagner du temps et de mettre à la disposition des industriels des sites préaménagés, prêts à l'emploi, tout en luttant contre l'artificialisation des sols. Pour répondre aux besoins de la réindustrialisation, 20 000 à 30 000 hectares seraient en effet nécessaires alors que ces friches en représentent entre 90 000 et 150 000. Ces chantiers baptisés «
sites France 2030 » pourraient être financés par la Banque des territoires, qui prévoit une enveloppe d'un milliard d'euros sur les cinq prochaines années, notamment pour l'accompagnement des industriels et des collectivités sur ces zones. Une démarche saluée par les intercommunalités, mais qui ne satisfait pas complètement les élus de Villes de France. «
L'État ne peut pas agir seul, la réindustrialisation doit s'appuyer sur une gouvernance territoriale partagée, maire-président d'intercommunalité-préfet-chefs d'entreprise pour obtenir des résultats concrets », soulignent-ils. Une stratégie nationale consacré à cette question du foncier industriel sera par ailleurs élaborée collectivement, en y associant les filières du recyclage des terres et matériaux.
Des financements had hoc
Emmanuel Macron compte également faire perdurer le dispositif des territoires d'industrie en mettant, cette fois, l'accent sur les projets « à fort impact territorial » pour les collectivités les plus en difficulté, grâce à une enveloppe de 100 millions d'euros cette année. La mesure a déjà permis de soutenir 2 000 actions au sein de 800 projets, grâce à 140 regroupements de collectivités, un peu partout en France. Elle devrait déboucher sur la création de 50 000 emplois. En appui aux projets de décarbonation et d'industrie verte des entreprises, pour les technologies identifiées comme telles dans les textes européens (batteries, éoliennes, pompes à chaleur, etc.), Emmanuel Macron prévoit des crédits d‘impôts qui seront présentés lors du prochain Conseil des ministres. De quoi déclencher 20 milliards d'investissements sur le territoire national, d'ici à 2030, selon ses ministres.
Prêts verts, garanties vertes, subventions vertes… Les aides aux PME et aux ETI, octroyées par l'Ademe ou la BPI, par exemple, seront clarifiées et simplifiées. L'épargne sera aussi mobilisée et fléchée vers l'industrie verte par du capital investissement dans l'assurance-vie. Enfin, via les fonds « Tibi » consacrés au financement des entreprises technologiques,
De nouveaux projets annoncés
Ce vendredi 12 mai, le président de la République a poursuivi son plaidoyer en faveur de la réindustrialisation de la France, notamment à Dunkerque, sur le site de l'entreprise Aluminium. L'occasion pour Emmanuel Macron d'annoncer le choix de l'entreprise chinoise XTC, associée au français Orano, d'investir 1,5 milliard d'euros, dans cette même ville, dans un site de production de matériaux de cathodes pour les batteries au lithium. Quelques heures plus tôt, le groupe taïwanais ProLogium avait annoncé son projet d'installer sur le territoire une usine de production de batteries pour voitures électriques, en y consacrant 5,2 milliards d'euros.
les investisseurs institutionnels seront sollicités. Un label « Industrie verte » permettra de garantir la destination de ces fonds. Enfin, un fonds d'investissement de 2 milliards d'euros sera créé pour faciliter l'accès aux métaux critiques nécessaires à la transition énergétique. L'État lui apportera 500 millions d'euros. Il sera géré par la société InfraVia.
Formation à tous les étages
Sur le volet des compétences, le président de la République espère passer le cap du million d'apprentis et poursuivre la réforme du lycée professionnel. Mais pour occuper les centaines de milliers d'emplois à venir dans le secteur de l'industrie, il prévoit aussi de développer et d'adapter les autres formations à tous les échelons, tous les niveaux de qualification, de l'opérateur à l'ingénieur, des jeunes aux demandeurs d'emploi en reconversion, via une enveloppe de 700 millions d'euros. Dans ce but, « d'ici à la fin de l'année », il envisage de revoir entièrement la carte des formations par territoire, en fonction des débouchés, notamment pour les « métiers d'avenir », avec le soutien du plan France 2030. « Plus de 15 000 places de formation seront ouvertes dès la rentrée 2023, en travaillant avec les centres de formation des apprentis, les écoles d'ingénieurs et les universités », annonce-t-il. En parallèle, afin de « casser » les représentations négatives liées aux métiers industriels et les faire découvrir aux collégiens, il envisage de permettre aux acteurs du monde économique de venir présenter leurs spécialités et leurs opportunités aux élèves, dès la classe de cinquième. Aujourd'hui, déjà, 60 000 emplois ne sont pas pourvus dans ce secteur, remarque-t-il.
En parallèle, Emmanuel Macron compte aussi actionner le levier de la compétitivité qui passe, selon lui, par l'allègement du coût du travail et du capital, en particulier par la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et par la « décomplexification » du droit du travail. Enfin, considérant l'avance de l'Union européenne en matière de législation environnementale, il appelle à « une pause réglementaire » accompagnée d'investissements massifs. Le risque encouru est de devenir « les mieux-disants en termes de réglementation et les moins-disants en termes de financement », plaide-t-il. Emmanuel Macron défend également l'idée d'un étiquetage carbone européen et plus généralement le ciblage des achats en fonction du bilan carbone des produits : le bonus écologique des véhicules électriques devrait ainsi être revu à l'aune de leur bilan environnemental, mais les achats publics devraient aussi être concernés.
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