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Industrie verte : ce qui est prévu pour faciliter les implantations industrielles

Le Gouvernement souhaite diviser par deux les délais d'implantations industrielles. Pour atteindre cet objectif, la participation du public, la mise en compatibilité des documents d'urbanisme et les règles de compensation sont modifiées.

Aménagement  |    |  L. Radisson
Industrie verte : ce qui est prévu pour faciliter les implantations industrielles

« Faire de la France le leader de l'industrie verte. » Tel est l'objectif affiché par le Gouvernement à travers son projet de loi (1) relatif à l'industrie verte présenté, le 16 mai, en Conseil des ministres et dont la première lecture est attendue au Sénat.

Pour cela, l'exécutif prévoit, outre une mobilisation des financements privés et un soutien via la commande publique et la formation, des dispositions procédurales visant à accélérer le développement des projets industriels. « Aujourd'hui, les délais inhérents à l'implantation d'une usine sont deux fois plus élevés en France que dans d'autres pays partenaires ou concurrents, déplore le Gouvernement. Ce déficit de compétitivité est le principal obstacle soulevé par les entreprises qui souhaitent investir sur notre territoire. »

Pour réduire les délais, le projet de loi contient des dispositions touchant à la fois à la consultation du public, à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme, à la délivrance des autorisations environnementales ou encore aux sites de compensation environnementale.

Mutualisation des concertations préalables

En matière de participation du public, le texte prévoit tout d'abord une mutualisation des concertations préalables à l'échelle d'une zone géographique. Lorsque plusieurs projets d'aménagement susceptibles de relever de l'obligation de saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP) en vue de les soumettre à un débat ou à une concertation préalable sont envisagés dans les dix ans à venir « sur un même territoire délimité et homogène », il est possible d'organiser un débat public ou une concertation globale portant sur l'ensemble de ces projets.

Le projet de loi porte par ailleurs de cinq à dix ans le délai pendant lequel sont dispensés de débat public ou de concertation préalable les projets ayant fait l'objet d'un tel débat lors de l'élaboration d'un plan ou programme. Des dispositions sur lesquelles le Conseil d'État n'a rien trouvé à redire dans son avis (2) rendu le 11 mai, estimant qu'elles permettaient de mutualiser les « concertations amont » sur un ensemble de projets tout en conservant les compétences de la CNDP.

Procédure hybride de consultation du public

Le texte crée ensuite une procédure de consultation nouvelle pour les demandes d'autorisation environnementale actuellement soumises à enquête publique. Une procédure hybride entre l'enquête publique et la participation du public par voie électronique (PPVE), dans la mesure où elle est conduite dans les conditions prévues par cette dernière, mais par un commissaire enquêteur.

Si le projet a fait l'objet d'une concertation préalable sous l'égide d'un garant, celui-ci est désigné comme commissaire enquêteur, sauf opposition motivée du président du tribunal administratif. Cela présente l'avantage d'assurer une continuité entre deux phases jusque-là « administrativement très séparées », comme l'avait pointé Chantal Jouanno, alors qu'elle quittait la présidence de la CNDP. Mais cela peut aussi poser des questions d'indépendance dans la mesure où la procédure n'est plus conduite par un commissaire désigné par le président du tribunal administratif mais par un garant relevant de la CNDP à la tête de laquelle vient d'être nommé Marc Papinutti, ancien directeur de cabinet d'Élisabeth Borne et de Christophe Béchu.

“ Les délais d'implantation d'une usine sont le principal obstacle soulevé par les entreprises qui souhaitent investir sur notre territoire. ” Le Gouvernement
Dans le cadre de cette nouvelle procédure, le commissaire enquêteur doit organiser deux réunions publiques, au début et à la fin de la période de consultation. Une période dont la durée globale est portée de trente jours à trois mois, ou à une durée supérieure d'un mois au délai imparti à l'autorité environnementale lorsque son avis est requis. Le projet de loi prévoit en outre un déroulement simultané de la phase d'examen de la demande d'autorisation, qui comprend le recueil des avis obligatoires dont celui de l'autorité environnementale, et de celle de consultation du public. « La consultation publique est lancée dès que le dossier de demande d'autorisation est jugé complet et régulier, et se déroule parallèlement à l'instruction du dossier et au recueil des avis requis, qui sont mis en ligne au fur et à mesure, de même que les observations du public et les réponses du pétitionnaire », résume le Conseil d'État.

L'augmentation de la durée de consultation du public et la réalisation simultanée de ces deux phases de l'autorisation environnementale abaisseraient leur délai théorique de neuf à six mois tout en améliorant la consultation du public, vante le Gouvernement. « Le projet de loi s'attache à concilier une association précoce du public au processus de décision, au moment où le projet n'a pas encore évolué sous l'influence des avis des autorités consultées, et la possibilité pour le public d'être éclairé par ces avis avant de produire des observations, en allongeant le délai de la consultation du public », confirme le Conseil d'État, qui délivre un satisfecit sur le respect du principe de participation du public.

Mais celui-ci déplore l'absence d'analyse des effets des réformes successives intervenues en la matière. « Le séquençage actuel des phases d'examen, de consultation, puis de décision pour l'instruction des demandes d'autorisation environnementale n'est que partiellement et indirectement à l'origine des délais excessifs de traitement de ces demandes », pointe le Palais-Royal. Ce dernier préconise des mesures d'accompagnement en vue d'améliorer la qualité des demandes d'autorisation et de doter les services instructeurs de l'État de moyens adaptés, estimant que les réformes de procédure sont insuffisantes pour accélérer la délivrance des autorisations. Un avertissement à l'exécutif qui mise pourtant essentiellement sur ces mesures pour « diviser par deux les délais réels d'implantation d'usines en les faisant passer de dix-sept à neuf mois », même s'il annonce « un renforcement des moyens des services responsables de l'étude de ces dossiers ».

Création de sites naturels de restauration

Outre les mesures destinées à accélérer la réhabilitation des friches industrielles, le projet de loi contient des dispositions relatives à la compensation environnementale en vue de faciliter la mise en œuvre du dispositif de sites « clés en main » lancé en 2019. Ce dispositif permet à des porteurs de projet de s'installer rapidement sur des sites pour lesquels le maximum de procédures réglementaires ont été réalisées en amont. « La mesure proposée vise à faire émerger une véritable offre d'écosystèmes restaurés, par la mise en place de sites naturels de restauration et de renaturation (SNRR), en remplacement des sites naturels de compensation (SNC) », explique le Gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi. Celui-ci juge en effet que le dispositif des SNC est peu utilisé et « perçu comme techniquement complexe par les porteurs de projet ». Un seul site de compensation a effectivement été agréé par l'État depuis l'ouverture de cette possibilité par la loi de reconquête de la biodiversité de 2016 : le site de CDC-Biodiversité à Cossure (Bouches-du-Rhône).

La cause de ce désintérêt selon l'exécutif ? Le fait que les SNC ne peuvent actuellement être utilisés que dans le cadre législatif et réglementaire de la compensation, et non pour d'autres finalités de restauration de la biodiversité telles que celles qu'engagent les acteurs territoriaux de manière volontaire. Le texte crée par conséquent un cadre pour le développement d'opérations de restauration de la biodiversité conduites par des personnes publiques ou privées afin de mettre en œuvre des mesures de compensation de manière anticipée, de vendre des unités de restauration à d'autres personnes publiques ou privées, ou de mettre en œuvre des actions de restauration volontaires. Les SNRR devront toutefois faire l'objet d'un agrément préalable comme les SNC actuellement. Ces mesures seront complétées par des dispositions réglementaires, notamment la prolongation de la validité des études faune-flore à quatre ans, ont précisé les ministres chargés de l'Économie et de l'Écologie lors de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres. La durée minimale de ces inventaires est actuellement fixée à trois ans.

Mettre en compatibilité les documents d'urbanisme

Dans son projet de loi, le Gouvernement prévoit également une série de dispositions permettant une mise en compatibilité « rapide et sécurisée » des documents de planification régionale et des documents d'urbanisme « compte tenu de la nature des projets et de l'urgence à déployer l'industrie verte ». Pour ce qui est de la planification régionale, le texte prévoit une planification industrielle dans le cadre des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet). Pour ce qui relève des documents d'urbanisme, il intègre les projets d'implantation de certaines installations industrielles (production d'énergies renouvelables, stockage d'électricité, production d'hydrogène bas carbone, transport ou distribution d'électricité, etc.) dans le champ d'application de la procédure dite « de déclaration de projet ». Cette procédure permet de mettre en compatibilité le document d'urbanisme qui ferait obstacle à un tel projet.

Le Conseil d'État n'y voit pas de remise en cause du principe de libre administration des collectivités territoriales dans la mesure où la déclaration de projet ne peut être utilisée si elle porte atteinte au projet d'aménagement et de développement durable (PADD) du document d'urbanisme. Mais il s'interroge tout de même sur le cumul des cas où une modification des règles locales d'urbanisme peut être imposée aux collectivités territoriales, le dernier cas en date n'étant pas plus vieux que celui introduit par la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération des énergies renouvelables.

Le projet de loi prévoit ensuite quatre autres dispositions au profit des projets « d'intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique », qui devront faire l'objet d'une identification par décret. Il est ainsi prévu une procédure allégée de mise en compatibilité des documents d'urbanisme, « largement inspirée de celle élaborée pour les projets de construction de réacteurs nucléaires déclarés d'intérêt général » par la loi d'accélération du nucléaire, relève le Conseil d'État. Une deuxième disposition soustrait à la compétence de droit commun du maire les autorisations d'urbanisme de ces projets en vue de les confier à l'État. En troisième lieu, le texte étend aux projet d'intérêt général majeur le bénéfice des dérogations temporaires en matière de raccordement au réseau de transport d'électricité accordées par la loi relative à l'accélération de la production d'ENR. Enfin, la quatrième disposition prévoit de reconnaître à ces projets la qualité de projets répondant à « une raison impérative d'intérêt public majeur » (RIIPM), l'une des trois conditions nécessaires pour bénéficier d'une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées. Cette reconnaissance se fera au cas par cas, a assuré le Gouvernement après que le Conseil d'État a pointé l'absence de critères permettant d'établir cette présomption.

L'exécutif prévoit également de reconnaître à un projet la qualité d'opération répondant à une RIIPM dès la phase de déclaration d'utilité publique (DUP) du projet. Conséquences ? La reconnaissance de cette qualité ne pourra être contestée devant le juge administratif qu'au stade de la DUP et non plus au moment de la délivrance de la dérogation Espèces protégées. C'est donc à l'autorité administrative compétente pour prendre la DUP qu'il appartiendra d'apprécier si l'opération répond à une RIIPM.

Enfin, une dernière disposition vise à accélérer la transformation des zones d'activités économiques (ZAE) en facilitant le remembrement commercial pour accueillir de nouveaux projets, notamment industriels, explique le Gouvernement. Pour cela, le texte prévoit une exonération de nouvelle autorisation d'exploitation commerciale, considérée comme un « obstacle important », en l'assortissant de conditions précises liées en particulier à l'inscription de ce regroupement dans le cadre d'une grande opération d'urbanisme. Une disposition qui a reçu le feu vert du Conseil d'État.

1. Télécharger le projet de loi
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-41871-projet-loi-industrie-verte.pdf
2. Télécharger l'avis du Conseil d'État
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-41871-avis-conseil-etat-projet-loi-industrie-verte.pdf

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