L'utilisation dans la construction de matières premières dites « secondaires » (MPS) car issues de déchet, commence à faire son chemin dans les pratiques. En France, certains déchets sont déjà utilisés pour la constitution de granulats et de produits d'addition pour béton comme les laitiers de hauts fourneaux, les fumées de silice et les cendres volantes de charbon. Plus récemment, l'utilisation des mâchefers d'incinération dans les techniques routières se banalise.
Mais au côté de ces matières premières secondaires bien connues et déjà utilisées, il existe des gisements de déchets dont la valorisation en matériaux de construction parfois envisagée, n'a jamais réellement débouché. C'est le cas par exemple des résidus issus du traitement thermique des boues d'origines diverses (stations d'épuration, bassins de retenue, curage de fossés, de rivières et de canaux), ainsi que du traitement des sédiments de dragage de ports et estuaires. L'absence d'encadrement méthodologique nationalement reconnu pour évaluer les conditions d'utilisation des déchets dans les matériaux de construction figurait jusqu'à aujourd'hui parmi les principaux freins au développement de ces filières. Ce n'est désormais plus le cas puisqu'un cadre méthodologique a été défini pour évaluer la faisabilité technique et économique ainsi que l'acceptabilité sanitaire et environnementale de l'intégration de matières premières secondaires (MPS) dans la fabrication de matériaux et produits de construction pour le bâtiment.
Défini par le CSTB, l'équipe POLDEN de l'INSA de Lyon et le Réseau Santé Déchets, le cadre méthodologique a été présenté fin 2005 aux institutionnels et aux professionnels. Depuis, il fait l'objet d'une application pour validation et améliorations éventuelles dans le cadre du programme « VALIREB ». Mené par l'équipe POLDEN en collaboration avec le CSTB, le Réseau Santé Déchet et l'INERIS, ce programme est le résultat d'un partenariat passé entre l'INSA de Lyon et la société Degrémont. Il porte sur l'incorporation de résidus de traitement thermique des boues de stations d'épuration dans des matériaux de construction pour le bâtiment. Ces résidus proviennent de la station d'épuration de Valenton (94) exploitée par le SIAAP (syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne) qui en produit plus de 16.000 tonnes par an suite au traitement de 600.000 m3 d'effluents par jour.
Conformément au cadre méthodologique, les résidus doivent faire l'objet d'une évaluation technique, économique, sanitaire et environnementale appliquée à tous les cycles de vie du produit : fabrication, mise en œuvre, fin de vie.
La première étape d'évaluation technique a déjà débuté sur les résidus au cours de l'année 2006. Cela a consisté à identifier les matières premières secondaires susceptibles d'être obtenues à partir de ce déchet et les applications possibles pour chacune d'entre elles (couple MPS/application). Les propriétés techniques intéressantes observées pour les résidus (prise hydraulique, granulométrie fine, faible niveau de relargage d'éléments métalliques) ont conduit à identifier quatre pistes de valorisation : la substitution de ciment dans le béton prêt à l'emploi ou dans des produits préfabriqués en béton, la substitution de ciment dans des sous-couches routières, la substitution de charges minérales naturelles dans la fabrication de plastiques ou de peintures comme pigments notamment et la substitution de matières premières naturelles dans la fabrication de ciments.
Pour chacune de ces pistes, les propriétés techniques des MPS doivent ensuite être comparées aux exigences techniques tirées des normes « produits », des cahiers des charges industriels ou des clauses techniques particulières de certaines utilisations. Les MPS doivent répondre aux mêmes exigences que les matières premières naturelles. Cette phase méthodologique doit débuter en janvier 2007 pour les résidus de Valenton.
Tous les couples MPS/application seront ensuite étudiés sur le plan économique pour vérifier que la filière peut être rentable et pérenne. Il ne s'agit pas de créer un matériau qui ne pourrait pas se vendre ou ne pourrait pas être produit en quantité suffisante.
Une fois les étapes techniques et économiques validées, les MPS feront l'objet d'une étude sanitaire et environnementale à toutes les étapes de leur cycle de vie pour vérifier leur innocuité pour la santé des salariés qui les fabriqueront ou les utiliseront, pour la santé des populations qui seront à leur contact et pour l'environnement. Ces évaluations se basent sur des données épidémiologiques, toxicologiques et écotoxicologiques mais également sur les comparaisons des analyses de cycle de vie de la MPS par rapport au produit classique. Il s'agit d'identifier pour chaque étape de vie du produit, les polluants susceptibles d'être relargués, leur quantité, leur pouvoir de nuisances et de comparer ses informations à la réglementation en vigueur comme les directives 1999/45/CE et 1999/31/CE concernant l'évaluation environnementale ou les valeurs toxicologiques de référence pour l'évaluation sanitaire.
Concernant les résidus de traitement thermique des boues de station d'épuration, l'INSA de Lyon et Degrémont sont très enthousiastes et imaginent déjà les intégrer dans les matériaux de construction des STEP. Mais de nombreux tests sont encore nécessaires avant de se prononcer définitivement sur la question. Les résultats devraient être connus courant 2007.