Faciliter le processus de fin d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE). Tel est l'objectif visé par l'article 57 de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) promulguée en décembre 2020. À cet effet, il est prévu l'intervention obligatoire d'un bureau d'études certifié.
Le décret qui met en œuvre cette nouvelle procédure a été publié le 21 août au Journal officiel. Son contenu a évolué par rapport au projet de texte soumis à la consultation du public en février dernier, en particulier suite à l'avis rendu le 10 mars par le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT). La nouvelle procédure entrera en vigueur le 1er juin 2022 en vue de laisser du temps aux entreprises concernées pour obtenir la certification désormais obligatoire. Certaines dispositions du décret entrent toutefois immédiatement en vigueur.
Intervention d'un bureau d'études certifié
Que prévoit au final le texte publié ? Lors de la cessation d'activité d'un établissement renfermant des ICPE, l'exploitant doit, d'une part, assurer la mise en sécurité du site et, d'autre part, sa réhabilitation afin de permettre son nouvel usage. L'article 57 de la loi Asap prévoit l'intervention d'un bureau d'études certifié dans le domaine des sites et sols pollués (SSP) ou « disposant de compétences équivalentes ». Ce dernier doit, pour les établissements relevant du régime de l'enregistrement et de l'autorisation, attester de la mise en sécurité du site, de l'adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation, puis de la mise en œuvre de ces mesures.
L'obligation de faire appel à un bureau d'études est aussi instituée pour les installations relevant du régime de la déclaration au titre des 128 rubriques de la nomenclature listées à l'article 18 du décret, mais uniquement pour ce qui concerne l'attestation de mise en sécurité du site. Ces rubriques ont été « sélectionnées principalement sur la base de la dangerosité des substances mises en œuvre et du retour d'expérience des Dreal », avait expliqué le ministère de la Transition écologique lors de la mise en consultation du projet de décret.
Les entreprises auxquelles les exploitants pourront faire appel doivent être certifiées conformément à une norme et des modalités qui seront définies par un arrêté interministériel. La norme de référence sera la norme NF X 31-620 « Qualité du sol - prestations de services relatives aux sites et sols pollués », avait précisé le ministère de la Transition écologique. Elle devait être modifiée avec la création de trois nouvelles parties correspondant aux trois attestations : mise en sécurité, adéquation des travaux et réalisation de ceux-ci. L'arrêté ministériel annoncé devait, quant à lui, modifier l'arrêté du 19 décembre 2018 qui prévoit déjà la certification des bureaux d'études chargés d'attester d'un changement d'usage d'un site ou de la réalisation d'une étude de sols (dont le contenu est par ailleurs précisé dans le décret) en cas de construction dans un secteur d'information sur les sols (SIS).
Mais, par une
« Il est temps de mettre un terme au monopole du Laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE), seul habilité à délivrer la certification SSP (…) avec ses abus (tarifs exorbitants, auditeurs ne pratiquant pas nos métiers en gestion SSP et n'ayant souvent aucune connaissance du terrain, comité de la marque LneSSP non représentatif et partial, etc.) », prend position M. Blondel. Celui-ci demande la reconnaissance des qualifications professionnelles en gestion SSP de l'Organisme professionnel de qualification de l'Ingénierie Bâtiment Industrie (OPQIBI), qui reconnaissent tous types de prestataires, y compris les entreprises individuelles.
S'assurer de la prise en compte d'une éventuelle pollution résiduelle
« L'intervention d'un bureau d'études certifié ou équivalent [permet] d'avoir une assurance que la situation de l'éventuelle pollution résiduelle a été correctement vérifiée et prise en compte, permettant de centrer l'action de l'Administration sur les cas complexes comme ceux nécessitant des discussions avec les différents acteurs sur l'usage futur du site », expliquait le Gouvernement dans l'étude d'impact du projet de loi Asap.
L'attestation de mise en sécurité doit en effet être transmise à l'inspection des installations classées dès que les mesures pour assurer cette mise en sécurité ont été mises en œuvre. Dans le cas où l'attestation sur l'adéquation des mesures de réhabilitation établit que l'installation est à l'origine d'une pollution du sol ou des eaux, et qu'une exposition des populations ne peut être exclue, l'exploitant doit transmettre son mémoire de réhabilitation à l'agence régionale de santé (ARS), qui pourra faire part au préfet de ses observations. « L'ARS ne se penchera pas sur le sujet si le site revient à un usage industriel », a précisé Caroline Paul, chef du bureau environnement extérieur et produits chimiques au ministère de la Santé, lors du CSPRT.
Obligations applicables avant la réduction d'activité
Le décret indique que la mise à l'arrêt définitif consiste à « arrêter totalement ou à réduire dans une mesure telle qu'elle ne relèvent plus de la nomenclature (…) toutes les activités classées d'une ou plusieurs installations classées d'un même site, indépendamment de la poursuite d'autres activités sur le site et de la libération des terrains ».
En cas de réduction d'activité d'une installation classée ayant entraîné un changement de régime applicable, les obligations en matière de cessation d'activité restent celles applicables avant cette réduction d'activité. En revanche, en cas de modification de la nomenclature des ICPE conduisant une installation à changer de régime, les obligations en matière de cessation d'activité sont celles du nouveau régime applicable.
En cas de demande de report de la réhabilitation par l'exploitant, l'absence de réponse du préfet durant quatre mois vaudra refus de cette demande. « Le report doit rester une exception lors de l'arrêt d'une activité, la norme étant de réhabiliter le site au moment de cet arrêt, ce que certaines entreprises peuvent avoir tendance à oublier », a rappelé Philippe Merle, chef du service des risques technologiques, lors du CSPRT. « En pratique, aujourd'hui, certains grands industriels français arrêtent toutes les activités sur des parcelles conséquentes en laissant juste une clôture, leur permettant de ne pas enclencher la réhabilitation », a expliqué le représentant du ministère de la Transition écologique. « La cessation d'activité doit (…) s'appliquer lors de la mise à l'arrêt de l'installation, et non lors de la libération foncière des terrains », a ajouté Jacques Vernier, président du CSPRT. D'autant que le décret prévoit également la possibilité de changer les modalités d'une remise en état en cas d' « impossibilité technique imprévue engendrant des surcoûts manifestement excessifs ».
« Pas de remise en cause des pouvoirs de police du préfet »
« Ces différentes évolutions ne remettent pas en cause le pouvoir de police du préfet qui aura toujours la possibilité d'intervenir à toute étape de la cessation d'activité, et également après la remise en état du site », avait tenu à préciser le ministère de la Transition écologique, certainement vis-à-vis de ceux qui voient dans cette réforme une certaine privatisation des contrôles administratifs.
Le texte prévoit ainsi qu'« après la réalisation des travaux de réhabilitation, le préfet pourra prendre, si nécessaire, des mesures de surveillance, de conservation de la mémoire du site, ainsi que des restrictions d'usages ».