Le ministère de la Transition écologique a mis en consultation (1) le 19 août un projet (2) de modification de la nomenclature des installations classées (ICPE) qui interpelle les spécialistes du droit de l'environnement. Ce texte prévoit que la puissance thermique nominale des installations de combustion, prise en compte pour le classement dans la rubrique 2910 (3) de la nomenclature, doit être calculée pour chaque installation présente sur un site et non pour le site pris dans son ensemble.
« Cette modification avait été oubliée lors de la transposition de la directive sur les moyennes installations de combustion intervenue en août 2018. En effet, la notion de « site » n'a pas de sens pour des installations relevant des régimes d'enregistrement et de déclaration », assène la direction générale de la prévention des risques (DGPR) qui propose de corriger cette « coquille ».
Sauf que cette modification est loin d'être neutre, surtout si elle préfigure une évolution plus globale de la réglementation des installations classées. « Pour les installations de combustion, comme pour toutes les rubriques ICPE, la règle a toujours été de déterminer le classement en sommant les grandeurs caractéristiques de l'ensemble des activités relevant d'une même rubrique à l'échelle d'un site géographique (ou établissement) exploité par un même exploitant », rappelle le représentant d'un bureau d'études. Cette modification, ajoute-t-il, aura notamment pour conséquence « que certains sites soumis à enregistrement se retrouveront soumis à simple déclaration (…). C'est donc une régression du droit ».
Moins d'évaluations environnementales
« C'est précisément à l'échelle du site et en tenant compte des effets cumulés des installations (…) que la décision du préfet de soumettre à évaluation environnementale la demande d'enregistrement doit être prise, comme l'a fermement rappelé le Conseil d'État dans ses décisions récentes... et que cette mesure, en élargissant le domaine de la déclaration préalable, réduit de fait celui de l'évaluation environnementale », renchérit l'avocat Emmanuel Wormser.
Une évolution d'autant plus étonnante qu'elle va à l'encontre des conclusions tirées par l'ex-ministre de la Transition écologique suite à l'accident de Lubrizol. En février dernier, Élisabeth Borne avait en effet annoncé l'adoption de mesures pour éviter le « saucissonnage » d'entrepôts qui pouvait conduire à l'adoption d'un régime administratif moins contraignant. Des mesures allant dans ce sens sont d'ailleurs contenues dans un autre projet de décret qui a été soumis à la consultation du public fin juin. Reste à voir si les membres du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT), qui doivent se prononcer le 15 septembre sur ce nouveau texte, pointeront également cette contradiction.