Selon l'association européenne de l'énergie éolienne (EWEA), en 2012, la capacité éolienne installée en Europe a dépassé les 100.000 MW, soit plus de 6,3% des besoins en électricité. Déjà en 2011 au Danemark, l'énergie du vent comptait pour 26% de la consommation d'électricité, 15,9% en Espagne et 15,6% au Portugal.
Or, les experts estiment que lorsque la production intermittente représente 30% de la puissance installée, des problèmes desécurité du réseau peuvent survenir. Outre le stockage de l'énergie, les supergrid et l'adaptabilité de la demande, l'amélioration des prévisions de production représente un défi pour l'intégration des sources d'énergie intermittentes. La production d'un parc éolien dépend de la zone géographique, du site d'implantation des éoliennes, de la direction et de la vitesse du vent, du nombre d'éoliennes…
Un programme européen, Anemos, a été lancé en 2002 afin de fédérer les différents savoir-faire développés sur la prévision de production de l'éolien et a permis de réduire les marges d'erreurs et de développer un leadership européen dans le domaine.
Un enjeu pour les gestionnaires de réseau et les opérateurs
"Les travaux sur les prévisions ont commencé il y a 25 ans, au Danemark où étaient installées les premières fermes éoliennes pour la production d'électricité. Depuis, différents laboratoires ont développé des modèles de prévision utilisés par les gestionnaires de réseau. L'objectif d'Anemos était d'améliorer le degré de précision des prévisions", explique Georges Kariniotakis, coordinateur du projet et responsable du groupe de travail sur les énergies renouvelables et systèmes électriques intelligents au Centre énergétique et procédés de Mines Paritech.
Ces travaux intéressent les gestionnaires de réseau, mais aussi les opérateurs de fermes éoliennes. Si en France, les tarifs de l'électricité éolienne sont fixés par les pouvoirs publics (tarifs d'achat), en Espagne ou au Danemark, les opérateurs de l'éolien participent au marché de l'électricité et doivent présenter chaque jour un plan de production à J+1. En cas d'erreur de prévision, ils encourent des pénalités qui, additionnées, peuvent peser sur la rentabilité de l'installation. "Les prévisions facilitent l'intégration à grande échelle et améliorent la compétitivité de l'énergie éolienne dans les réseaux électriques et les marchés d'électricité", explique Georges Kariniotakis.
Améliorer la confiance des prévisions
Le premier prototype de prévision Anemos, présenté en 2006, affichait une marge d'erreur des prévisions à 24 heures pouvant osciller entre 12 et 17%, selon la complexité du terrain. Le programme de recherche s'est poursuivi avec le projet Anemos plus (2008-2011), qui visait à optimiser les outils de prédiction et leur intégration dans les outils des gestionnaires de réseau et par là, la sécurité du réseau électrique.
La troisième étape s'est réalisée dans le cadre du projet SafeWind (2008-2012) qui visait à mieux prévoir la production éolienne dans les situations météorologiques complexes voire exceptionnelles, du type tempête Klaus. Ces situations représentent potentiellement 10 à 15% des cas et peuvent avoir de graves impacts sur le réseau si elles ne sont pas anticipées. "Un ensemble d'outils a été développé dans cet objectif. Par exemple nous avons rassemblé les données de 2.000 stations météo et de 150 fermes éoliennes pour obtenir un monitoring de la situation météorologique et de la production éolienne au niveau européen. Nous avons développé des approches qui permettent de comparer ces mesures à des prévisions et de détecter les situations anormales (erreurs importantes, déviations) et leur propagation dans l'espace et dans le temps. Sur cette base on peut envoyer un signal ou une alarme, pour le très court terme (quelques minutes à quelques heures) aux gestionnaires de réseau", explique le chercheur.
Aujourd'hui, la marge d'erreur à 24h pour une ferme éolienne est proche de 10%. "C'est un effort continu. Même s'il n'y aura jamais de prévision parfaite, les améliorations des prévisions météorologiques, l'intégration d'informations issues des instruments de mesure comme les radars pour l'éolien offshore, et d'autres pistes de recherche devraient encore permettre d'améliorer le degré de confiance des prévisions".
A l'échelle nationale, la marge d'erreur est plus faible : 3 à 4%. Il y a un effet de lissage : les différentes productions disséminées sur le territoire atténuent les irrégularités et les erreurs de prévisions s'auto-annulent. La France, par exemple, bénéficie de trois régimes de vent différents, au nord, à l'ouest et au sud.
Les travaux sur la prévision éolienne sont utiles pour d'autres énergies renouvelables : "Ces avancées constituent un accélérateur pour la prévision de la production du photovoltaïque (PV). Mais cette source d'énergie pose des défis supplémentaires : par exemple dans le cadre des réseaux de distribution ou des systèmes insulaires avec une forte intégration PV, l'échelle géographique est plus petite et les variations de production sont plus rapides, par exemple lorsque des nuages passent". Face àcette problématique, Mines ParisTech travaille aujourd'hui sur des solutions avancées, qui seront évaluées dans le cadre des projets démonstrateurs comme Nice Grid.