Dans le cadre de l'examen du projet de loi biodiversité en troisième lecture, les députés se sont mis d'accord le 22 juin pour une nouvelle version de l'article interdisant les pesticides néonicotinoïdes. Après avoir refait le point sur les débats menés depuis bientôt deux ans sur cette question, la rapporteure du texte Geneviève Gaillard (socialiste) et le président de la commission développement durable Jean-Paul Chanteguet (socialiste) ont fait adopter un amendement de compromis qui devrait figurer dans le texte final.
Le projet de loi prévoit désormais une interdiction de principe au 1er septembre 2018 avec des dérogations possibles jusqu'au 1er juillet 2020. Les arrêtés dérogatoires seront pris conjointement par les ministères de l'Agriculture, de l'Environnement et de la Santé sur la base des travaux de l'agence nationale de sécurité sanitaire. L'Anses va devoir évaluer le degré de substitution possible de ces substances. Un rapport est attendu d'ici la fin de l'année. Il prendra en compte les alternatives possibles et les impacts des interdictions sur les pratiques et les revenus des agriculteurs.
Dans les faits, cette tournure se rapproche de la volonté du Sénat qui prônait une interdiction progressive par l'Anses selon les alternatives disponibles. Les sénateurs ne souhaitaient pas en revanche de date butoir d'interdiction totale. La secrétaire d'Etat à la biodiversité Barbara Pompili a appuyé ce compromis : "Cette rédaction est intéressante car ce que je redoute le plus c'est de prendre des décisions très jolies sur le papier mais pas applicables. Nous devons faire une loi applicable". "La période de transition est importante. Il faut un peu de temps pour changer les pratiques", a justifié de son côté Geneviève Gaillard.
2018 trop tard pour certains, 2020 trop tôt pour d'autres
D'ailleurs pour l'Union des industries de protection des plantes (UIPP), ce vote nie la réalité des besoins du monde agricole et va conduire à des impasses agronomiques : il s'agit d' "un vote punitif alors qu'aucun nouvel élément scientifique ne démontre que leur suppression serait efficace à la préservation des pollinisateurs. Cette disposition est contraire à la réglementation européenne et portera de ce fait une atteinte évidente à la compétitivité de l'agriculture française en accélérant les distorsions de concurrence", réagit la fédération dans un communiqué.
Du côté des associations, Agir pour l'Environnement ne cache pas sa colère. L'association avait en effet été reçue lundi 16 juin par la ministre de l'Environnement qui leur avait promis une interdiction stricte en 2018 : "La pression du lobby agricole a une nouvelle fois payé. Érigeant la procrastination en mode de gouvernance, ce gouvernement a une nouvelle fois pris une décision qui revient à simuler une interdiction qui dans les faites n'adviendra que dans quatre longues années", estime Stephen Kerckhove, délégué général d'Agir pour l'Environnement.
Pour l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf), ces quatre années supplémentaires d'utilisation font craindre de nouvelles pertes de colonies d'abeille : "Une interdiction totale dans 4 ans, c'est potentiellement 1,2 million de ruches supplémentaires décimées. La décision n'est pas à la hauteur des enjeux car il y a urgence à protéger les abeilles et les pollinisateurs et le service de pollinisation qu'elles rendent gratuitement", commente Gilles Lanio, le président du syndicat apicole.