Lors de l'examen du projet de loi sur la biodiversité en commission développement durable de l'Assemblée, les députés ont adopté mercredi 25 juin au soir un amendement, déposé par la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal, qui interdit la mise à disposition de sacs de caisse en plastique à usage unique à partir du 1er janvier 2016, afin de limiter leur impact sur le milieu marin et ses écosystèmes.
"Les enjeux environnementaux, tant en matière d'impacts sur les milieux et la biodiversité, notamment pour le milieu marin, qu'ils soient directs par l'abandon des sacs ou indirects par l'impact des installations de production et le transport liés à l'importation d'une part importante des sacs utilisés en Europe, qu'en matière de consommation des ressources et d'énergie, justifient que des actions soient mises en œuvre rapidement visant à une réduction significative de la consommation des sacs plastiques", souligne l'amendement.
L'adoption de ce texte intervient alors que l'ONU a dénoncé lundi le coût de cette pollution marine sur les écosystèmes, le tourisme et la pêche, évalué au minimum à 13 milliards de dollars chaque année !
En France, une taxe d'environ 6 centimes par sac plastique de caisse à usage unique est entrée en vigueur le 1er janvier 2014. Les grandes surfaces alimentaires ont par ailleurs engagé, via une convention volontaire, "un retrait progressif des sacs plastiques" à usage unique en caisse, dont le nombre est passé de 10 milliards à 700 millions, entre 2002 et 2011, rappelle Ségolène Royal. Mais "il y a lieu de poursuivre cette réduction" car près de 5 milliards de sacs de caisse en matière plastique à usage unique et plus de 12 milliards de sacs dits "fruits et légumes" sont encore distribués dans les commerces annuellement en France, a-t-elle toutefois pointé. "La date limite du 1er janvier 2016 permettra d'y mettre fin", estime Mme Royal.
Promouvoir des sacs en matières biosourcées
Cet amendement vise donc à prendre en compte les enjeux liés à la consommation "importante" des sacs "fruits et légumes" qui jusqu'à présent "n'ont jamais fait l'objet de dispositions visant à en réduire leur consommation", tout en maintenant un lien entre l'usage de ces sacs (emballage des fruits et légumes) et "le monde agricole au travers du biosourçage des sacs et d'un retour à la terre dans des conditions acceptables".
En caisse, seuls des sacs plastiques réutilisables (plus épais) ou en papier pourront être utilisés (à titre gratuit ou non) à compter du 1er janvier 2016, a précisé la ministre.
L'amendement promeut l'utilisation de sacs à usage unique qui sont "compostables en compostage domestique et constitués pour tout ou partie de matières biosourcées". Un décret en Conseil d'Etat fixera la teneur biosourcée minimale des sacs et les conditions dans lesquelles celle-ci serait progressivement augmentée.
Pour les produits frais (fruits et légumes, poissons, viandes…), cette mesure "constitue une opportunité de valoriser les entreprises qui fabriquent de nouveaux sacs biodégradables et compostables, alors que 90% des 12 milliards de sachets plastiques dits «fruits et légumes » sont importés depuis l'Asie", a déclaré Ségolène Royal.
UE : la France prend "le lead"
Les travaux de normalisation afférents au compostage domestique des sachets plastiques seront menés "au niveau français ou européen" d'ici 2016, ajoute l'amendement. "De telles mesures s'intègrent parfaitement au projet de directive européenne en la matière en cours de négociation. La restriction de mise sur le marché serait effectivement possible avec cette nouvelle directive, ce qui n'est pas le cas avec la directive emballages actuelle", souligne-t-il.
En avril dernier, le Parlement européen a en effet adopté en première lecture la proposition de la Commission de modifier la directive 94/62/CE visant à réduire l'utilisation des sacs plastiques légers à poignées dans l'UE. Le projet de texte européen prévoit une réduction de 50% de la consommation des sacs en plastique légers, d'une épaisseur inférieure à 50 micromètres, d'ici 2017 puis de 80% en 2019 par rapport à 2010. La nouvelle directive promeut également le développement des sacs de course biodégradables ou compostables certifiés EN 13432 notamment.
Les professionnels de la distribution protestent
Avant l'entrée en vigueur de l'interdiction française des sacs, les "secteurs marchands concernés" sont invités par Mme Royal à signer des accords volontaires à l'instar des grandes surfaces alimentaires.
Dans un communiqué, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution ainsi que l'Union nationale des syndicats de détaillants en fruits, légumes et primeurs ont d'ores et déjà dénoncé le "surcoût" de cette mesure estimé à 300 millions d'euros qui, selon elles, "entraînera une hausse des prix". En revanche, l'ONG environnementale Surfrider s'est réjouie "de cette avancée significative qui devra encore être confirmée à l'automne prochain lors de son passage en vote au Parlement".
Le député écologiste François-Michel Lambert s'est également félicité : "Les solutions offertes jusque-là n'ont pas permis d'enrayer ce fléau qui pollue les paysages et les océans et atteint même notre santé. Pourtant les solutions existent, l'Italie et San Francisco l'ont fait. Il fallait agir et je me réjouis que Ségolène Royal ait eu le courage de le faire dans une vision d'économie circulaire".