
Responsable plaidoyer du Reses
Actu-Environnement : Quels sont les objectifs du Réseau étudiant pour une société écologique et solidaire (Reses) ?
Coralie Rasoahaingo : Le Reses (anciennement Refedd) regroupe 150 associations étudiantes réparties partout en France, autour de trois grandes missions. La première est de rassembler les étudiants de différentes universités et grandes écoles à travers des rencontres et des actions en synergie. La deuxième est de former gratuitement les étudiants volontaires à, entre autres, écoresponsabiliser les événements qu'ils organisent, à pratiquer un bilan carbone, à assurer une alimentation durable. Ce service de formation est payant pour les écoles. Notre troisième et dernière mission est de porter la voix des étudiants dans les débats nationaux et internationaux, à l'occasion des COP par exemple. Nous militons pour la transition écologique des campus, notamment en matière d'alimentation et de gestion des déchets, et l'intégration des enjeux écologiques au sein de toutes les formations.
AE : Comment vous positionnez-vous vis-à-vis de l'appel à la bifurcation écologique ou à la désertion prôné par les diplômés d'AgroParisTech, surnommés les « Agros qui bifurquent » ?
CR : Nous le soutenons complètement. Nous proposons déjà tout un programme d'orientation professionnelle dans lequel nous favorisons uniquement l'insertion dans des entreprises à impact, et non dans d'autres sociétés qu'il faudrait changer de l'intérieur.
AE : Le message de ce discours a-t-il été entendu par les écoles et universités à la rentrée 2022 ? Se sont-elles vraiment engagées à changer les choses ?
CR : Les formations dans l'enseignement supérieur ne sont, aujourd'hui, pas à la hauteur des enjeux écologiques. Même les discours tenus par les écoles sont incohérents. De ce que nous constatons, leurs actions sont inégales en fonction des établissements. Proposer une « rentrée climat » ne suffit pas s'il n'y a pas, derrière, une démarche qui repense la transition écologique du campus.
Cette situation n'est néanmoins pas nouvelle. Depuis déjà deux ou trois ans, de plus en plus d'établissements nous demandent de l'aide et soulèvent la question écologique lors, par exemple, d'événements organisés par les conférences d'établissements. Ce n'est pas nécessairement une conséquence directe du discours des « Agros qui bifurquent » : cette tendance a émergé depuis le discours de Clément Choisne, en 2018, à Centrale Nantes, et des marches pour le climat. Mais même cette évolution n'est pas suffisante. Il est nécessaire d'engager une démarche globale, une transformation profonde des formations et des campus, et pas simplement un atelier climat à la rentrée.
AE : Vers quel objectif les établissements devraient-ils tendre ?
CR : Selon nous, il est primordial que tous les étudiants soient formés aux enjeux écologiques à travers un tronc commun. C'est notamment ce que recommande le récent rapport Jouzel, pour tous les étudiants en bac + 2 d'ici cinq ans. Et s'agissant des campus, davantage d'écoles et d'universités devraient, par exemple, être labellisées DD&RS (développement durable et responsabilité sociale). Ce label couvre tous les champs de la transition, selon des critères de référence : formations, campus, accessibilité, etc. À l'heure actuelle, seulement une trentaine d‘établissements sont labellisés.
AE : Pouvez-vous nous donner des exemples d'initiatives pertinentes de progrès en la matière ? Et inversement ?
CR : En septembre 2022, l'université Rouen Normandie a introduit un examen obligatoire, comptant pour le contrôle continu de tous ses étudiants en première année, et qui porte sur leurs connaissances concernant le réchauffement climatique. Et en mars dernier, l'université de Cergy s'est engagée à repenser l'ensemble de ses maquettes de formations pour y inclure l'enseignement des enjeux écologiques. Par ailleurs, elle s'est dotée d'un parlement étudiant pour entretenir des concertations sur les questions d'approvisionnement en énergie du campus. Elle constitue un exemple en avance, qui montre un peu la voie.
À l'inverse, nous avons aussi repéré des initiatives allant à l'encontre des valeurs prônées par les étudiants, comme certaines politiques partenariales incohérentes. Plusieurs formations en lien avec l'écologie ou le développement durable sont financées par des entreprises néfastes pour l'environnement. Par ailleurs, de nombreuses écoles qui mettent en place des « rentrées climat » vont, par la suite, organiser des forums des métiers avec des entreprises néfastes pour l'environnement.
Globalement, il est très facile pour les établissements de tomber dans le « greenwashing » en se limitant à une semaine de rentrée avec des activités en lien avec la lutte contre le dérèglement climatique, sans intégrer, tout au long de l'année, les enjeux du dérèglement climatique dans les formations, les projets tutorés ou les partenariats d'insertion professionnelle.
En dehors de quelques exemples prometteurs, nous attendons encore des signaux de mise en œuvre d'une vision écologique systémique. Cela reste pourtant faisable, notamment dans les grandes écoles, qui disposent de davantage de moyens et de moins d'étudiants. Il ne faut pas se contenter du minimum acceptable.