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Actu-Environnement

« L'hydrogène doit être fléché vers les usages sans alternative »

Le développement de l'hydrogène fait face à de nombreux défis : disponibilité de l'électricité renouvelable, développement des usages pertinents, choix d'infrastructures adaptées… Tour d'horizon avec Nicolas Berghmans, de l'Iddri.

Interview  |  Energie  |    |  S. Fabrégat
Hors-série - Février 2023
Cet article a été publié dans le Hors-série - Février 2023
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« L'hydrogène doit être fléché vers les usages sans alternative »
Nicolas Berghmans
Responsable Europe et expert Énergie-Climat à l’Iddri
   

Actu-Environnement : L'hydrogène a d'abord été perçu comme un outil pour décarboner certains secteurs économiques. La crise actuelle a accéléré les ambitions en en faisant un facteur de sécurité énergétique. Quels sont les défis à relever pour y parvenir ?

Nicolas Berghmans : Le premier défi sur l'hydrogène, en Europe, repose sur la disponibilité des énergies renouvelables électriques, puisque l'ambition est de développer de l'hydrogène décarboné, produit à partir de l'électrolyse. C'est un marché naissant, mais un marché prometteur. Cependant, la situation est actuellement tendue en Europe sur l'électricité. Il faudra accélérer fortement le déploiement des énergies renouvelables. Les besoins d'électricité pour la production d'hydrogène bas carbone ne sont pas immédiats, mais ils vont arriver rapidement ; les choses se mettent en place pour la deuxième partie de la décennie. Quant au développement du nucléaire, comme le souhaite la France, l'horizon est plus tardif : autour de 2035.

Le deuxième défi est de cibler les bons usages. Le recours à l'hydrogène dans les raffineries va disparaître, ou être fortement réduit. En revanche, d'autres usages valent la peine d'être développés. La production d'acier, d'ammoniac ou de méthanol font partie des usages prometteurs, tout comme certaines utilisations dans les transports, maritimes par exemple. Dans l'acier, de grandes ambitions reposent sur l'hydrogène pour réduire l'usage du gaz et décarboner le secteur. Si on se limite à ces usages-là, les besoins devraient s'établir autour de 60 à 70 térawattheures (TWh) en France, et 350 à 400 TWh en Europe, à l'horizon 2035. Ce qui représente 10 à 15 % de la consommation actuelle, c'est absorbable, en anticipant ces volumes et en renforçant les réseaux.

AE : D'autres usages sont envisagés dans les transports lourds, la haute température, la chaleur…

N. B. : Ces autres utilisations posent question. Concernant les usages de chaleur dans l'industrie, l'électrification directe est généralement plus efficace, y compris pour la haute température. Dans les flottes de transport, l'électrification est également en train de gagner la course, sauf dans certains segments de transports lourds et longue distance. Enfin, l'hydrogène dans les réseaux de chaleur ou en substitution du gaz pour chauffer les bâtiments est à éviter car cela nécessiterait des volumes trop importants d'électricité. Il faut s'assurer que l'hydrogène soit utilisé à bon escient et qu'il soit fléché vers les usages sans alternative.

AE : Le type d'usages développés déterminera également les besoins en infrastructures. Quels sont-ils aujourd'hui ?

N. B. : Il y a du sens à développer, dans un premier temps, l'hydrogène dans des zones où l'industrie est très présente, avant de vouloir développer des réseaux d'échanges plus structurés. C'est un peu prématuré de vouloir construire un réseau européen, même si certains échanges transfrontaliers peuvent apparaître nécessaires rapidement. Il va y avoir une compétition entre le transport d'électrons sur le réseau électrique pour produire de l'hydrogène au plus près de la consommation ou transporter directement de l'hydrogène, par exemple du sud de l'Europe vers le nord. Il faut bien évaluer ces deux stratégies avant de lancer le développement d'infrastructures.

“ Il y a du sens à développer, d'abord, l'hydrogène dans des zones où l'industrie est très présente ” Nicolas Berghmans
La question des réseaux se posera aussi au regard de l'utilisation de l'hydrogène comme moyen de stockage intersaisonnier pour sécuriser le réseau électrique. L'Allemagne, par exemple, qui veut se passer du nucléaire, aura besoin d'acheminer de grandes quantités d'hydrogène pour produire de l'électricité. Elle souhaite donc aller vers une stratégie d'importation d'hydrogène qui implique nécessairement le développement d'un réseau.

Le transport maritime d'hydrogène sous forme liquide de pays où les énergies renouvelables sont très compétitives (Chili, Australie…) semble pour l'heure très onéreux. En revanche, l'Afrique du Nord est plus proche de l'Europe et le transport via des hydrogénoducs peut s'avérer moins cher. Mais cela pose des questions de gouvernance et de financement.

AE : Et de nouvelles dépendances énergétiques ?

N. B. : Cela dépend des niveaux d'importation… La dépendance européenne au gaz russe était très élevée, autour de 40 %. Si l'hydrogène importé représente 10 % des besoins en hydrogène, cela reste raisonnable, tout est une question de proportion. Il peut également y avoir une diversification des approvisionnements pour éviter une dépendance trop grande à un seul fournisseur.

En revanche, l'une des limites pour la production dans ces pays fortement ensoleillés peut être la ressource en eau, puisque l'électrolyse nécessite de l'eau. Cela peut devenir une limite dans les zones désertiques, ou engendrer des conflits d'usage. Il y a certes des solutions alternatives comme le dessalement d'eau de mer, mais ces solutions ont un coût.

AE : D'autres secteurs tablent sur l'hydrogène bleu, produit à partir de gaz naturel, mais en captant le CO2 (CCUS)…

N. B. : Ces technologies en sont au stade de la démonstration. Mais elles présentent plusieurs limites. La première est qu'adopter ces solutions signifie continuer à consommer du gaz naturel. Or, on le sait, cette ressource devient rare et chère. Cela peut convenir pour certains acteurs comme la Norvège, qui est productrice de gaz naturel. Dans ce cas précis, c'est une solution prometteuse.

Par ailleurs, nous aurons besoin du CCUS pour baisser les émissions de CO2 d'autres secteurs industriels. Or, les capacités de stockage de carbone étant limitées, il vaut mieux là encore privilégier les process où il n'existe pas de solution alternative.

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