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Actu-Environnement

“Nous voyons renaître des revendications sur l'Antarctique qui prennent le pas sur l'intérêt général”

Les récentes négociations n'ont pas réussi à instaurer des aires marines protégées dans l'océan Austral, même si nombre d'Etats restent résolus à faire de ces régions des aires de gestion raisonnable. Précisions avec Robert Calcagno, Directeur général de l'Institut océanographique.

Interview  |  Biodiversité  |    |  A. Sinaï
   
“Nous voyons renaître des revendications sur l'Antarctique qui prennent le pas sur l'intérêt général”
Robert Calcagno
Directeur général de l’Institut océanographique
   

Actu-Environnement : Où en sont les négociations sur l'Antarctique ?

Robert Calcagno : De 1959, date de la signature du Traité sur l'Antarctique, à 1991, date de la ratification du Protocole de Madrid pour la protection de l'Antarctique et de l'océan Austral,  les négociations ont été extrêmement positives. Elles ont été un modèle exceptionnel de coopération internationale. La création de cette fameuse Commission pour la conservation de la faune et de la flore dans l'océan Austral (CCALMR) en est une preuve supplémentaire. Les dix premières années du 21ème siècle se sont illustrées par des avancées remarquables dans la mise en œuvre : effectivement, l'océan austral jouit encore d'une bonne santé environnementale. Il y a eu par exemple des alertes liées à la pêche au krill, et une menace sur la légine australe, mais les pêcheries sont globalement durables. Toute une série de garde-fous ont pu fonctionner. Si aujourd'hui nous tirons la sonnette d'alarme, c'est que nous voyons les demandes des Etats prendre le pas sur l'intérêt général. Nous voyons renaître des revendications politiques et économiques sur l'Antarctique. Cela se traduit concrètement par le fait que si, en 2009, tous les pays s'étaient accordés au sein de la CCALMR sur l'objectif de créer un réseau d'aires marines protégées, les trois dernières réunions n'ont pas permis de se mettre d'accord et le dispositif risque de se bloquer. La mission que je nous donne est d'alerter l'opinion publique et de lancer une mobilisation diplomatique.

AE : Comment expliquer ces tensions ?

RC : A la fin du XXème siècle, il y a eu effectivement des succès de la coopération multilatérale du type ONU. Tous les pays semblaient vouloir aller vers le consensus, dans le même esprit que celui qui a prévalu, à l'époque, dans le domaine des négociations climatiques et sur le droit de la mer. Au début du 21ème siècle, les difficultés politiques, économiques, migratoires, ont déclenché un repli des Etats qui pensent surtout à leurs intérêts. L'affrontement entre pays développés et pays en développement complique les négociations, de même que chaque pays défend ses propres intérêts plutôt que la construction d'une gouvernance mondiale. Ce qui pose la question de la capacité des nations à maintenir notre planète dans un état viable...

AE : Quels sont les enjeux géopolitiques qui pèsent sur l'Antarctique et l'océan austral ?

RC : Les océans se vident de plus en plus de poissons et la pêche intensive fait baisser les ressources halieutiques. Les industries de pêche vont toujours plus au large, plus profond, et plus au sud jusqu'à l'Antarctique. Actuellement, cet espace est couvert par trois traités internationaux. Depuis 1959, le Traité sur l'Antarctique a permis de geler les revendications territoriales sur ces régions. En 1982, un deuxième instrument a été adopté, la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique. Et, en 1991, le Protocole de Madrid sur la protection de l'Antarctique et de l'océan Austral en a fait une réserve naturelle dédiée à la science. Aujourd'hui, c'est la CCAMLR qui protège la région et qui gère les activités économiques, notamment la pêche. C'est un instrument particulièrement efficace, car il englobe conjointement enjeux économiques et environnementaux, ce qui permet de dépasser les affrontements stériles que l'on peut observer dans d'autres négociations, comme celles qui se déroulent actuellement au Parlement européen sur la pêche en eaux profondes. Tous les ans, les Parties se réunissent à Hobart (Tasmanie) et tentent de mener une discussion constructive. Cependant, à trois reprises depuis 2012, la CCAMLR a achoppé sur la création d'aires marines protégées. Pour autant, le blocage n'est pas irréversible. Il faut que les diplomates puissent prendre les bonnes décisions et mobiliser l'opinion publique, comme l'avait fait le Commandant Cousteau, ancien directeur du Musée océanographique. En 1988, il s'était aperçu que les Etats négociaient pour ouvrir l'Antarctique à l'exploitation minière et a mobilisé plus d'un million de signatures. Aujourd'hui, il y a bien un front de consensus, mais la Russie, l'Ukraine et la Chine ont demandé à obtenir plus d'études afin de gagner du temps, sans pour autant s'opposer frontalement au processus.

AE : Quelles sont les zones à protéger et quelles matières premières renferment-elles ?

RC : Deux grandes séries de zones sont en discussion. Etats-Unis et Nouvelle-Zélande proposent de mieux réguler la mer de Ross, principale zone de pêche dans l'océan Austral. Australie, Union européenne et France en particulier proposent de gérer plus finement la côte Est. La question de la pêche gouverne les positions. Et l'on voit poindre à l'horizon quelques entreprises qui ne voudraient pas laisser leur échapper ce vaste continent. On est cependant loin des pressions qui pèsent sur l'Arctique. Et les macrostructures de ces deux océans sont différentes : l'Antarctique n'est pas le continent le plus favorable à des ressources hydrocarbures. Et le Protocole de Madrid impose un moratoire de cinquante ans sur l'exploitation des ressources minières de l'Antarctique.

Réactions1 réaction à cet article

La France à la pointe de la gestion des pêches en antarctique( ce qui est une bonne chose) et complétement nulle pour cette même gestion sur ces propres cotes !!!!

lio | 10 décembre 2013 à 11h22 Signaler un contenu inapproprié

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