
Catherine Ribes : Le Conseil régional d'Ile-de-France a commencé à parler de biodiversité en 1999 avec la création du Forum des acteurs de la biodiversité qui réunissait une fois par an un réseau de spécialistes d'associations naturalistes, mais aussi des organismes de recherche, des collectivités territoriales, des fédérations de chasse… Mais les élus régionaux ont souhaité aller plus loin en engageant la région dans une politique cadre de protection de la biodiversité. Est née dans un premier temps la Charte régionale de la biodiversité qui comprenait des orientations, une sorte de guide des bonnes pratiques, mais également un règlement d'attribution des aides régionales en matière de biodiversité. Nous avons mis en place des actions, nous réalisons des diagnostics écologiques des territoires et nous faisons, à partir de ces diagnostics, des propositions de gestion. En 2006, après avoir fait un bilan de la charte, nous avons bâti la stratégie régionale de la biodiversité, dix plans d'actions transversales parmi lesquelles la création d'une agence régionale pour la nature et la biodiversité en Ile-de-France. Dès le départ, il y a eu une demande très forte des associations naturalistes pour qu'à l'échelle de la région soit créé un observatoire de la biodiversité. Il y a énormément de données en Ile-de-France et il fallait les regrouper quelque part. Nous sommes partis de cette idée pour aller plus largement vers un projet d'agence qui a aujourd'hui trois missions principales : un pôle observatoire, un pôle forum des acteurs et un pôle sensibilisation et pédagogie.
Aujourd'hui l'agence est installée. Elle rassemble la région, l'Etat, des collectivités territoriales, des associations et des entreprises. Une équipe de 10 personnes est chargée d'animer le réseau.
AE : Quelles sont les urgences en matière de biodiversité en Ile-de-France ? Quelles sont les richesses et les faiblesses du territoire ?
CR : La première cause de perte de biodiversité est la fragmentation du territoire. Les espèces invasives posent également un gros problème en Ile-de-France, notamment les nouveaux animaux de compagnies (les NAC) que les gens achètent et relâchent parfois dans la nature. La tortue de Floride, qui vit jusqu'à 25 ou 30 ans, a été très fortement relâchée dans la nature. Il y a également dans les forêts franciliennes un petit écureuil qui vient de Sibérie et qui est porteur d'une maladie… Nous travaillons sur ces problèmes aujourd'hui. La pollution et le manque d'espace pour certaines espèces comme les grands mammifères constituent également une cause de perte de la biodiversité.
Nous sommes dans une région extrêmement intéressante au niveau climatique, on y retrouve beaucoup de milieux, donc une richesse très importante d'espèces. Sur 375 espèces d'oiseaux présentes en France, on en trouve 228 en Ile-de-France. Nous sommes très bon sur ce que nous connaissons mais nous avons besoin d'accroître nos connaissances. Nous connaissons seulement 10 % des espèces faune et flore présentes en Ile-de-France. Malgré tout, nous sommes très privilégiés : l'Ile-de-France a été très étudiée, nous avons la chance d'avoir à proximité le Muséum d'histoire naturelle, le conservatoire du bassin parisien, beaucoup d'associations naturalistes très compétentes… Donc un groupe de chercheurs très important mais aussi des écrits anciens, par exemple sur la flore qui datent de 1700, de 1800… Un suivi a été fait au fur et à mesure des années. De ce fait, nous savons ce qui a disparu en Ile-de-France et nous nous devons d'être très vigilants.
AE : Quelles sont les premières actions de NatureParif ?
CR : L'agence est toute récente. Aujourd'hui, nous faisons d'abord un recensement de ce qui existe : inventaires, études… Des scientifiques nous proposent également des études phares. Par exemple, sur la récupération des anciennes carrières et la réutilisation de ces milieux. L'enjeu est double : utiliser les ressources locales (sable…) dans notre région pour limiter l'impact du transport de ces matières mais il faut le faire de manière intelligente, en récupérant les lieux d'extraction. Nous pouvons réhabiliter ces carrières en créant des milieux artificiels, certes, mais qui peuvent être intéressants dans une région urbaine pour la réinstallation d'espèces.
Nous devons également évaluer l'aspect socio économique de la biodiversité dans l'inventaire faune et flore si nous voulons que nos concitoyens prennent plus en compte la biodiversité. Il faut montrer au public comment la biodiversité est importante pour notre survie, quels services la diversité biologique nous rend au quotidien.
Nous souhaitons également créer un fichier d'expériences et le mettre en avant au niveau international. Il faut valoriser les bonnes pratiques, faire savoir son savoir-faire et échanger avec d'autres collectivités, d'autres pays. Nous allons organiser des rencontres sur des thèmes précis pour regrouper tous les acteurs. Le site Internet va également servir de lieu d'échange pour des acteurs qui n'ont pas toujours l'occasion de se rencontrer. Enfin nous aurons un rôle d'évaluation des politiques publiques régionales.
AE : Beaucoup de travail pour une équipe de 10 personnes !
CR : Notre travail n'est pas de faire à la place de… Il y a des gens très compétents dans les collectivités, dans les associations… Notre rôle est de les mettre en réseau, de les aider à travailler, d'orchestrer…
Quelques chiffres :
- 20 % de l'Ile-de-France sont couverts par la ville, 52 % sont occupés par des espaces agricoles, 24 % par la forêt, 4 % par des espaces naturels,
- 4 parcs naturels régionaux couvrent 14 % de la région,
- 34 sites sont classés Natura 2000 (réseau européen pour la préservation de la biodiversité),
- 200 espèces sont protégées sur l'ensemble du territoire francilien,
- la région accueille 228 espèces d'oiseaux, 18 000 espèces d'insectes, 60 espèces de mammifères, 17 espèces de reptile, 12 espèces d'amphibiens et 1500 espèces de végétaux vasculaires.
* NatureParif est présidé par Jean-Vincent Placé, président du groupe des élus Verts au conseil régional d'Ile-de-France et président de la Fédération nationale des élus pour la promotion des énergies propres (Fneppep).