Le lundi 5 décembre vers 6h du matin, neuf militants de Greenpeace sont parvenus à pénétrer en ''environ quinze minutes'' la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine (Aube), selon l'ONG. ''Une partie des militants a réussi à grimper sur le dôme de l'un des réacteurs. Le nucléaire sûr n'existe pas'', avait alors déclaré Greenpeace.
Selon EDF, sept d'entre eux ont été interpellés deux heures après leur intrusion, soit vers 8h, par les gendarmes chargés officiellement de protéger les centrales tandis que les deux autres ont été arrêtés puis mis en garde à vue à 11h30. Alors que Greenpeace déclarait avoir des militants "dans d'autres installations" nucléaires, les opérations d'intrusion menées à Chinon (Indre-et-Loire), à Cadarache (Var) et au Blayais (Gironde) ont échoué. Exceptée celle opérée dans la centrale de Cruas (Ardèche) où deux militants, selon Greenpeace, présents depuis 6 heures du matin dans l'enceinte du site, auraient ''finalement été repérés aux alentours de 20h30, soit 14 heures après leur intrusion''…
Cette action militante ''spectaculaire" a "montré la fragilité aux risques d'intrusion" des installations nucléaires françaises, a déclaré Sophia Majnoni d'Intignano, chargée de campagne Nucléaire pour Greenpeace France. ''Il a fallu plus de quatorze heures à EDF pour trouver les deux militants introduits dans la centrale de Cruas. Ce délai hallucinant fait peser de très sérieux doutes sur la capacité d'EDF à assurer la sécurité des centrales, et donc de l'ensemble des Français'', poursuit-elle.
''Des défaillances dans notre dispositif''
Le ministre de l'Intérieur Claude Guéant, après avoir ordonné hier une ''fouille'' de toutes les sites nucléaires du pays, a admis que cette intrusion avait révélé ''des défaillances dans notre dispositif '' de sécurité. Un ''débriefing précis'' devra être effectué ''pour que le dispositif soit durci'', a-t-il indiqué. Le ministre de l'Energie et de l'Industrie Eric Besson a également reconnu que cette intrusion constituait ''un dysfonctionnement'' et réclamé une ''enquête approfondie''. La réaction de l'Elysée ne s'est pas non plus faite attendre… Le Président de la République Nicolas Sarkozy a qualifié ''d'assez irresponsable'' l'action de militants de Greenpeace et assuré que ''la totalité des audits'' débutés le 1er juin dernier sur la sûreté nucléaire serait publiée. "La transparence nous la devons aux Français", a-t-il plaidé. Or, ces audits ne portent pas sur la
Les deux autres militants entrés dans la centrale de Cruas étaient toujours en garde à vue mardi après-midi pour "s'être introduits sans autorisation sur un terrain clos intéressant la défense nationale". EDF a indiqué avoir lancé une enquête à la centrale de Cruas pour comprendre les circonstances d'intrusion.
Les stress tests, une ''opération de communication'' ?
Greenpeace, en lançant cette opération coup poing, dénonce l'audit demandé par le gouvernement y voyant ''une opération de communication qui ne prend en compte que les risques déjà identifiés dans le passé et ne tire pas les leçons de Fukushima''. Ce sont ''les exploitants nucléaires eux-mêmes - CEA, Areva et EDF - qui le réalisent. Cet audit prend en compte uniquement les problèmes liés à des évènements naturels. Risque terroriste, chute d'avion, virus informatique : aucun risque d'agression externe non-naturelle n'est pris en compte'', explique l'ONG.
Pour Sophia Majnoni, ''le refus du gouvernement d'inclure le risque d'intrusion humaine dans cet audit est irresponsable'', répond-elle à M. Sarkozy qui a fait de la défense du nucléaire une de ses priorités électorales. ''Greenpeace continuera à dénoncer les graves lacunes de l'audit jusqu'à ce que les dirigeants politiques assument leurs responsabilités en prenant la seule décision raisonnable : sortir du nucléaire", a affirmé l'association. Europe Ecologie - Les Verts (EELV) et le PS, favorables de leur côté à une réduction de la part du nucléaire dans la production électrique de 75 % aujourd'hui à 50 % en 2025, ont également réagi. Cécile Duflot, secrétaire nationale d'EELV a aussitôt remercié les militants de Greenpeace d'avoir mené un "audit gratuit" avant de conclure : "Le nucléaire sûr n'existe pas plus à Nogent qu'à Tchernobyl ou à Fukushima". ''La réalité de la sûreté et de la sécurité de notre parc nucléaire est très éloignée des discours lénifiants d'une industrie nucléaire aux abois et de ses représentants au sommet de l'Etat'', a ajouté Yannick Jadot, député européen EELV. Le porte parole du PS, Benoît Hamon, a quant à lui estimé que cette opération montrait "qu'il y a des failles et qu'on a raison de pointer les lacunes et les défaillances depuis le début".
EDF et l'IRSN minimisent l'affaire
De leur côté, EDF et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ont tenté de minimiser l'impact des intrusions dans les enceintes des deux centrales en se voulant rassurants. ''Il y aura un retour d'expérience à faire, mais il n'y a pas eu de dysfonctionnement, a contesté hier Dominique Minière, directeur de la production nucléaire chez EDF lors d'un point presse. Notre
Même son de cloche de la part de l'IRSN qui ce mardi 6 décembre confirme que l'opération coup de poing ''ne remet pas en cause la conception des dispositifs de sécurité des sites nucléaires français (...) Sans démontrer la vulnérabilité des installations, de telles opérations font donc courir de graves risques aux personnes qui les réalisent''. Le gendarme nucléaire, qui a rendu ses premières conclusions sur ces audits le 17 novembre, souligne que "les clôtures" ceignant les centrales ont "rempli le triple rôle qui leur est assigné : caractérisation – du fait de leur détérioration – d'une agression pénalement répréhensible, détection d'une intrusion par les services de sécurité, retard à la pénétration vers d'autres zones protégées du site". La prévention des risques ''doit cependant toujours faire l'objet de recherches d'amélioration en tirant notamment parti du retour d'expérience'', tempère l'IRSN. Les enquêtes et analyses ''à venir sur les circonstances précises de la gestion de ces incidents contribueront à cet objectif permanent'', selon l'Institut.