Ce mardi 18 mars à 5h50 du matin, une soixantaine de militants de l'ONG Greenpeace se sont introduits dans l'enceinte de la plus vieille centrale de France Fessenheim (Haut-Rhin). Les militants de 14 nationalités (allemande, française, hollandaise, belge, suisse, italienne, polonaise, tchèque, suédoise, autrichienne, slovène, turque, australienne et israélienne) sont venus "occuper" Fessenheim, "pour dénoncer le risque que fait courir le nucléaire français à l'Europe entière, et pour rappeler l'impérative nécessité d'une vraie transition énergétique en France", a indiqué Greenpeace dans un communiqué.
Intrusion en zone protégée de la centrale
Les réacteurs de la centrale de Fessenheim "ont 37 ans. Fessenheim est située à proximité des frontières suisse et allemande, dans une zone exposée aux risques sismiques et d'inondations, et connaît de sérieux problèmes de sûreté. Plus de 7 millions de personnes vivent à moins de 100 km et seraient affectées en cas d'accident majeur", a de nouveau alerté l'association.
A 9 heures, 34 militants ont été interpellés, indiquait EDF l'exploitant de la centrale. "56 personnes sont sous contrôle de la gendarmerie" qui "poursuit les opérations d'interpellation sur le site en toute sécurité", a ajouté l'exploitant dans un communiqué, en affirmant que "ces événements n'ont aucune conséquence sur la sûreté des installations qui fonctionnent normalement."
Selon EDF, les équipes de protection de site ont "sécurisé, tout au long de l'opération, les points sensibles de l'installation". D'après l'exploitant, les personnes ne sont pas entrées à l'intérieur des bâtiments. Mais Pierre-Henry Brandet, porte-parole du ministère de l'Intérieur a confirmé à l'AFP qu'une quarantaine des militants "ont réussi à entrer en zone protégée" . "Dix-neuf militants ont été interpellés immédiatement, puis quinze autres au fur et à mesure", a-t-il ajouté.
De son côté, Greenpeace affirme que certains activistes ont d'abord déployé une banderole à côté du réacteur n°1 de la centrale, tandis que d'autres seraient "montés sur la piscine du réacteur n°1 et sur le dôme." Depuis ce dôme, plusieurs militants grimpeurs ont déployé une banderole de 200 m2 indiquant "Stop risking Europe". "Ces activistes sont restés en place quatre heures avec cette grande banderole", assure l'ONG.
Vers 10h, plusieurs militants étaient toujours juchés sur le toit de la centrale et sur son dôme de protection du réacteur, en train de déployer cette banderole. Peu avant 11 h, les forces de l'ordre étaient en train de maîtriser les derniers militants.
ASN : pas d'impacts sur la sûreté nucléaire
A 11h45, l'ONG a annoncé que 20 autres activistes à bord de zodiacs déploient actuellement une banderole flottante de 32 m2 avec le message "Future is renewable! Stop Nuclear!"(le futur est renouvelable, arrêtez le nucléaire !) au pied de la centrale de Fessenheim, sur le canal du Rhin.
L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a indiqué avoir été alertée à 6h10 de l'intrusion de Greenpeace sur le site. "Conformément aux procédures, l'ASN a mobilisé son centre national de crise à 7h00 ce matin. Elle se tient informée de l'évolution de la situation, notamment auprès du Haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) qui est en charge du contrôle de la sécurité des installations", a-t-elle indiqué.
L'ASN assure que l'événement "n'a pas eu d'impact sur la sûreté de l'installation".
"La centrale de Fessenheim est un symbole", a déclaré, Cyrille Cormier, chargé de campagne Énergie pour Greenpeace France. "Sa fermeture annoncée ne doit être que le début d'une série de nombreuses fermetures de réacteurs en Europe pour limiter les risques, accidentels et financiers, liés au vieillissement et pour enfin lancer la transition énergétique", a-t-il ajouté.
La fermeture de la centrale de Fessenheim d'ici fin 2016, promise par le gouvernement, est prévue dans le projet de loi de transition énergétique. "En France, 80% des réacteurs nucléaires atteindront 40 ans entre 2017 et 2027. La meilleure manière pour François Hollande de tenir sa promesse de réduire à 50% la part du nucléaire est de fixer à 40 ans la limite d'âge des réacteurs dans le cadre de la future loi sur l'énergie", a déclaré Cyrille Cormier.
Zones nucléaires à accès réglementé
Dans un communiqué, Philippe Martin, ministre de l'Écologie et de l'Énergie, a annoncé que le Haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) du ministère, en charge de la sécurité nucléaire, "va diligenter une inspection permettant d'analyser les évènements. Ses équipes se rendront sur place dès aujourd'hui".
Philippe Martin a confirmé le calendrier prévu pour l'arrêt définitif de la centrale de Fessenheim à la fin 2016."L'engagement de son démantèlement en 2018/2019 sera respecté", a-t-il indiqué.
Dans le cadre de la Loi de Programmation Militaire, les installations nucléaires seront désormais considérées comme "zones nucléaires à accès réglementé", a précisé le ministre. Ceci permet d'adapter les dispositions "pour la protection en profondeur et les capacités de surveillance (renseignement amont, dispositions autour du site)".
Le gouvernement va demander aux opérateurs de "renforcer la protection physique des zones les plus sensibles au sein de leurs installations nucléaires, par exemple en rendant obligatoire l'installation de dispositifs de protection dangereux (barrières à haut voltage)", a ajouté Philippe Martin.