Contrairement aux espèces biologiques, les roches ne se renouvellent pas, ou alors à une échelle de temps totalement disproportionnée par rapport à l'échelle humaine. La détérioration d'un site provoque donc sa perte définitive. Il n'est pas possible de réintroduire « l'espèce disparue », ni même de la reproduire en laboratoire. La conservation et la protection de certains sites sont donc essentielles pour connaître l'histoire de la planète et comprendre l'origine des écosystèmes et de biodiversité actuels. L'objectif de l'inventaire du patrimoine géologique de l'ensemble du territoire français est donc d'identifier l'ensemble des sites et objets intéressants, de saisir leurs caractéristiques, de les hiérarchiser et d'évaluer leur vulnérabilité et les besoins en matière de protection.
Le lancement de l'inventaire a été l'occasion pour le MNHN de présenter des sites géologiques clés. C'est le cas par exemple de certains sites que l'on trouve dans les plus hauts sommets des Alpes qui étaient, à l'origine, au centre des premiers océans. En effet, certaines roches siliceuses que l'on trouve autour du mont Viso notamment se sont formées par l'accumulation de microplancton siliceux, les radiolaires, vieux de quelques 160 millions d'années. Dans ce cas, ce microplancton est utilisé comme chronomètres biologiques par le géologue. Autrement dit, il indique la présence d'un océan à cet endroit à une période donnée.
Autre exemple, dans la chaîne des Pyrénées, un site remarquable a donné son nom à une roche de renommée mondiale : la lherzolite. Le site de l'étang de Lherz en Ariège possède une formation géologique où un morceau du manteau terrestre affleure alors qu'il est habituellement enfoui à des dizaines de kilomètres de profondeur. Par conséquent, il est possible d'observer sur ce site une roche qu'on n'est pas censé pouvoir voir ou analyser, une roche qui représente 2 milliards d'années d'archives de l'histoire géologique qui a façonné les Pyrénées. Le massif de Lherz est donc considéré comme le lithotype de la lherzolite, c'est-à-dire le lieu de référence où cette roche a été définie pour la première fois. Décrypter ces archives au travers de l'étude des minéraux de la lherzolite est d'ailleurs un des objectifs d'une équipe de minéralogistes du Muséum.
L'histoire des découvertes géologiques est donc liée à l'histoire d'un site. Les lieux où a été découvert un ensemble de couches représentant une période géologique clef ont très souvent servi de porte-noms. Le Lutétien par exemple (40/49 millions d'années) a été décrit dans la région de Paris (Lutetia). Grâce aux informations recueillies, l'inventaire devrait permettre de définir et de mettre en place des politiques adaptées en faveur de la gestion et de la valorisation de ce patrimoine. De ce fait, cet inventaire est surtout l'occasion d'évaluer aussi rigoureusement que possible chaque site, en tenant particulièrement compte de son état de conservation et des éventuels besoins et moyens à mettre en œuvre pour le protéger.
À terme, cet inventaire constituera une référence nationale intégrée dans le Système d'Information sur la Nature et les Paysages (SINP) mis en place par la Direction de la nature et des paysages du MEDD. Ces informations seront mises à la disposition des gestionnaires et décideurs du territoire comme outil d'information et d'aide à la décision. Dans un cadre professionnel, les scientifiques français ou étrangers pourront accéder à ces données. Et elles seront également disponibles publiquement pour tous les usagers, en ce qui concerne les données non sensibles, et ce à titre informatif.
Concernant la méthodologie, la collecte de l'information est réalisée au niveau régional. La saisie se fait sur un logiciel développé spécifiquement, GEOTOPE, fourni par les Directions Régionales de l'Environnement (DIREN). Après validation régionale par le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN), les données sont transmises pour validation nationale par le MNHN.