Logos blancs sur fond bleu azur : à première vue, rien ne distingue les 23 nouveaux camions alignés ce vendredi 31 mars sur le parking du logisticien Kuehne+Nagel, à Villefranche-sur-Saône (Rhône), des autres poids lourds du groupe. Excepté le discret symbole d'une prise électrique ajouté à l'arrière. Livrés ce jour-là par Renault Trucks, ces premiers porteurs de 16 tonnes pour une charge utile de 5 560 à 5 880 kilos roulent en effet grâce à un moteur de 185 kW, alimenté par cinq batteries de 66 kWh.
D'abord testés dans la région lyonnaise, durant un an, afin de trouver le bon compromis entre charge utile et quantité d'énergie embarquée notamment, des prototypes ont montré qu'ils pouvaient assurer des trajets de quelque 200 kilomètres sans recharge. De quoi effectuer une tournée classique de collectes et de livraisons en milieu urbain, avec de nombreux arrêts, après un temps de charge de dix à douze heures la nuit sur site. Afin d'éprouver plus finement les capacités de ces porteurs dans des environnements variés, la petite flotte sera désormais répartie entre huit villes aux climats très différents : Nice, Montpellier, Bayonne, Rouen, Saint-Omer, Nantes, Strasbourg et Nancy.
Un cycle de vie peu carboné
À raison d'un investissement trois fois plus élevé que pour des camions diesel, soutenu cependant par des subventions, ce premier parc électrique permettra d'économiser 730 tonnes de CO2 par an. « Sur l'ensemble de son cycle de vie, chaque camion émet 83 % de CO2 en moins qu'un diesel. Et sur le plan énergétique, la batterie reste trois fois plus efficace que le moteur à hydrogène », précise Emmanuel Duperray, vice-président électromobilité de Renault Trucks. Elle n'émet pas non plus de particules fines.
Ce choix s'inscrit dans la politique durable de Kuehne+Nagel, qui s'est fixé pour objectif de réduire de 33 % ses
Enfin, sur un marché en forte tension, ces camions constituent un atout pour recruter et fidéliser les chauffeurs, qui accueillent bien ces nouveaux équipements. « Ils ne font pas de bruit et ne produisent pas de vibrations. Leur conduite est en outre plus facile et plus agréable », explique Xavier Léger. Renault Trucks : c'est le watt qu'ils préfèrent
Pour Renault Trucks, l'avenir passe sans conteste par l'électricité. La société, qui détient 75 % des parts de marché de la mobilité électrique lourde en France, avec quelque 500 véhicules en circulation, s'est fixé comme objectif de vendre un véhicule électrique sur deux en 2030. Elle compte se passer de toute énergie fossile en 2040 et proposer un parc roulant complètement neutre en 2050.
Depuis l'ouverture de sa ligne d'assemblage de vélos-cargos Kleuster, sur son site de Lyon, sa gamme s'étend du « petit » vélo de 650 kilos aux camions de 44 tonnes attendus pour la fin de l'année. Ces Renault Trucks T E-Tech (transport régional) et C E-Tech (métiers de la construction) seront dotés de deux ou trois moteurs électriques et développeront une puissance combinée allant jusqu'à 490 kW. Ils disposeront de quatre à six packs de batteries d'une puissance de 360 à 540 kWh, rechargeables en neuf heures et demie par courant alternatif ou en deux heures et demie par courant continu. Leur autonomie atteindra ainsi 300 km en une seule charge et jusqu'à 500 km avec une recharge rapide intermédiaire (250 kW) d'une heure. En 2025, ces tracteurs devraient parcourir 500 kilomètres sans recharge et 800 kilomètres avec une charge rapide de trente minutes.
Pour 2023, l'entreprise a déjà enregistré plus de 1 700 commandes de véhicules électriques. Ces derniers sont certes toujours plus chers à l'achat. Néanmoins, estime Renault Trucks, le coût total de leur détention devrait venir flirter avec celui des camions diesel sous dix ans.
Des tests tous azimuts
Afin d'accélérer sa décarbonation, Kuehne+Nagel mène plusieurs autres expérimentations de front. En France par exemple, une vingtaine de ses véhicules roulent au gaz dans le Nord et en région parisienne. L'essai ne devrait toutefois pas avoir de suite. Par ailleurs, depuis un peu plus de dix-huit mois, une soixantaine d'autres poids lourds sont alimentés au HVO (Hydrotreated Vegetable Oil) dans cinq agences du groupe, dont celles d'Amiens, de Valence et de La Roche-sur-Yon. Issu de graisses animales et d'huiles de friture retraitées (à l'exclusion d'huile de palme pour Kuehne+Nagel), ce biocarburant réduit les émissions de CO2 de 83 % environ. Il permet aussi aux camions de rouler presque sans interruption. En revanche, même soutenue par des investissements conséquents de la part des groupes pétroliers, la production de HVO est également convoitée par d'autres secteurs qui n'ont pas beaucoup d'autres carburants alternatifs, à l'instar du transport aérien.
Avec Air liquide et Hyveco, Kuehne+Nagel participe enfin au projet de camion à hydrogène R'HySE. En 2024, deux premières stations de haute capacité réservées aux véhicules lourds devraient ravitailler 50 camions à hydrogène sur la zone industrielle de Fos-sur-Mer. Le camion Hyveco, quant à lui, devrait exécuter ses premiers tours de roue à Salon-de-Provence, en 2024 ou en 2025.
Ces actions se complètent d'une formation à l'écoconduite pour les chauffeurs et de l'optimisation des tournées par le biais d'un logiciel dédié. La première année, ces deux initiatives ont permis d'économiser 2 500 tonnes de CO2. Si Kuehne+Nagel ne dévoile pas ses projets pour la suite, ses décisions impacteront inévitablement le marché. Le groupe basé en Suisse renouvelle en effet sa flotte tous les trois ans. Pour les seuls tracteurs, sa commande atteindra 200 exemplaires l'année prochaine.