Avec 2.000 à 3.000 bâtiments isolés avec des bottes de paille, le marché français est de loin le premier en Europe. Un marché qui reste cependant limité, alors que le matériau s'adapte aussi bien aux maisons particulières qu'aux bâtiments industriels, à l'image des locaux à énergie positive de l'entreprise l'Herbier de Diois (Drome). De même le matériau offre une bonne durabilité comme le prouve la maison Feuillette, la plus ancienne maison isolée en paille et construite à Montargis (Loiret) en 1921.
Quant au potentiel de développement de la filière, il n'est pas contraint par la disponibilité du matériau. En effet, en 2005 l'agriculture française a produit environ 50 millions de tonnes de paille et si tous les bâtiments neufs étaient isolés en paille, le Réseau français de construction paille (RFCP) estime que 5 millions de tonnes suffiraient. "La ressource est abondante et son usage comme isolant n'entraîne pas de conflit d'usage", explique Philippe Liboureau, délégué national et référent technique du RFCP, ajoutant que "le marché est avant tout régional et suscite un réel intérêt dans les régions céréalières comme la Beauce."
Faciliter l'assurabilité des constructions en paille
Reste que le développement des filières innovantes est délicat. En particulier, l'obtention d'une assurance décennale est l'un des points les plus problématiques car les assureurs exigent habituellement des garanties quant aux matériaux utilisés et à leur mise en œuvre. En général, trois procédures de normalisation, gérées par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), permettent de recourir à un large panel de matériaux.
Pour un matériau relativement courant, un document technique unifié (DTU) rassemble les informations relatives à ses caractéristiques et à sa bonne mise en œuvre. Autre possibilité, utiliser des produits ayant fait l'objet d'un avis technique qui présente les règles de mise en œuvre des matériaux ou techniques innovants qui ne sont pas encore prises en compte par les DTU. Enfin, si le produit est particulièrement innovant il est possible de recourir à une Appréciation technique d'expérimentation (ATEx) et qui permet une utilisation expérimentale sur un nombre limité de construction.
Si les matériaux ne bénéficient pas d'une certification, comme c'est le cas pour les bottes de paille, une dernière possibilité existe lorsque la filière est organisée et développe des règles professionnelles. Une fois validées par Commission prévention produit (C2P) de l'Agence qualité construction, le respect des règles professionnelles offre une garantie similaire au DTU.
Des règles professionnelles calquées sur les DTU
Le RFCP a retenu cette dernière démarche et l'a présentée à l'occasion du salon Ecobat qui s'est tenu à Paris, début mars. "La rédaction de nos règles est inspirée par les documents officiels des DTU", explique Luc Floissac, Chercheur à l'école nationale supérieure d'architecture de Toulouse et membre du RFCP, précisant que "l'objectif est de faire en sorte que la paille soit considérée comme du bois." La rédaction du document est maintenant achevée et il a été soumis le 8 février 2011 à la C2P.
Comme pour les DTU, les règles professionnelles de la filière paille présentent donc les références normatives, le domaine d'utilisation et les conditions spécifiques. Elles concernent l'ensemble des bâtiments dont le dernier plancher ne dépasse pas huit mètres de hauteur par rapport au sol. "Cette limite est avant tout psychologique, techniquement rien n'empêche de faire des bâtiments plus hauts puisque la paille est un isolant et ne supporte pas de contraintes", explique Luc Floissac, ajoutant que "ce n'est qu'un niveau courant qui correspond à la taille standard d'une grande échelle de pompier."
Un matériau reconnu par la RT 2012
De même, des tests ont été réalisés par l'Institut technologique forêt, cellulose, bois-construction et ameublement (FCBA), en particulier s'agissant de la résistance au feu et aux termites. "Les rongeurs, les parasites et les termites sont parfois un sujet d'inquiétude ", regrette Luc Floissac. Cependant, "les tests sont particulièrement rassurants : les termites peuvent percer l'ossature en bois, mais la paille n'est pas assez nourrissante pour elles !" explique le chercheur ajoutant que "de ce point de vue, la paille n'est qu'un isolant fibré comme les autres."
Quant à la qualité de l'air intérieur des bâtiments, un sujet d'inquiétude croissant, les membres du RFCP se veulent rassurants. Pour Philippe Liboureau, "si la paille est à l'origine d'émanations de produits toxiques, il faut alors sérieusement s'inquiéter du contenu de nos assiettes et interdire l'agriculture conventionnelle."
Enfin, cette certification s'est avérée particulièrement utile puisqu'elle a abouti à la prise en compte de la paille comme isolant thermique dans le cadre de la réglementation thermique 2012 (RT 2012). Un point important pour Luc Floissac qui estime qu'"avec une épaisseur de 37 cm en moyenne dictée par la taille des bottes de paille, les constructions en ossature bois ne sont pas forcément pénalisées par rapport à d'autres matériaux."