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Actu-Environnement

“Une copropriété "normale" qui arrive à lancer un CPE c'est un bon message pour le marché”

Une copropriété de Neuilly-sur-Marne vient de signer un Contrat de Performance Energétique pour économiser 40% d'énergie. Olivier Ortega et Sidonie Fraiche-Dupeyrat respectivement avocat associé et avocat counsel au cabinet Lefèvre Pelletier & associés nous présentent le montage juridique du projet.

Interview  |  Energie  |    |  F. Roussel
   
“Une copropriété "normale" qui arrive à lancer un CPE c'est un bon message pour le marché”
Olivier Ortega - Sidonie Fraiche
Avocats chez Lefèvre Pelletier & associés
   

Actu-environnement : Qu'est-ce qui caractérise un Contrat de Performance Energétique ?

Olivier Ortega : Le CPE n'est pas un contrat habituel de gestion de l'énergie. C'est un contrat qui prévoit que l'opérateur s'engage véritablement sur une obligation de diminution des consommations d'énergie. La vraie nouveauté par rapport aux autres types de contrat c'est l'obligation de résultat que l'on fait peser sur l'opérateur énergétique. Et si jamais la baisse des consommations n'est pas au rendez-vous, l'opérateur indemnise pour la part de l'objectif qu'il n'a pas réussi à atteindre. C'est un vrai changement !

AE : Quels-sont les particularités du CPE signé par la copropriété de Neuilly-sur-Marne ?

Sidonie Fraiche Dupeyrat : Ce projet est assez singulier. Il est premièrement grenello-compatible car l'audit énergétique qui a été réalisé en amont de cette opération, est conforme aux exigences de la loi Grenelle et du décret qui impose aux copropriétés de plus de 50 lots la réalisation d'un audit énergétique. La copropriété a donc fait d'une pierre deux coups en remplissant son obligation qu'elle a choisi de prolonger par la signature d'un CPE. De plus, dans le cadre de la réalisation des travaux, la copropriété obtiendra le label BBC Effinergie Rénovation. Un financement de l'Ademe de 400.000 euros a d'ailleurs été obtenu. Ce qui représente 50% du montant total du projet, soit l'équivalent du "surcoût" liée à la rénovation énergétique par rapport à un ravalement classique. L'agence a considéré que c'était un projet suffisamment exemplaire pour le financer. Enfin, c'est un projet qui a été voté à l'unanimité des copropriétaires ce qui doit être souligné !

AE : Quels sont les différents acteurs du contrat et comment le financement a-t-il été prévu entre les copropriétaires ?

SFD : Ce CPE fonctionne de la même manière que les contrats classiques conclus dans les copropriétés. Le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic - en l'occurrence Nexity - signe le contrat et fixe le montant des charges à appeler auprès des copropriétaires qui les paient au syndic qui à son tour paie le prestataire.

Pour ce CPE, le prestataire est constitué d'un groupement de plusieurs entreprises car le contrat a plusieurs phases : une phase d'audit et de conception des travaux à réaliser qui dans notre cas a été assurée par un architecte, Jérome Leroy, et la société Elan du groupe Bouygues. Une seconde phase de réalisation des travaux sera assurée par une société spécialisée dans la rénovation, Bati-renov du groupe Bouygues. Une fois les travaux achevés, démarre la phase de maintenance des installations de chauffage qui est assurée par un chauffagiste en l'occurrence la société Cogemex.

Le cabinet Lefèvre Pelletier & associés a été consulté par le groupement d'entreprises afin de vérifier que le contrat était équilibré et qu'il intégrait surtout une obligation de résultat méritant la qualification de "garantie de performance énergétique".

AE : Comment le projet s'est-il monté et quels sont les travaux prévus ?

SFD : Les réflexions et études ont commencé fin 2009. Ces dossiers peuvent être longs à monter car il faut faire mûrir la réflexion des copropriétaires. La phase d'audit et de conception est également un préalable nécessaire qui prend du temps. Les travaux vont commencer au printemps 2012 et devraient être achevés à la fin de l'année. Il est prévu de réaliser des travaux d'isolation par le toit et par le sol. Une seconde peau doit être installée tout autour du bâtiment et les huisseries anciennes seront changées. Au final l'ensemble du projet coutera 805.475 euros TTC pour les 60 logements de la copropriété. Les travaux permettront de réduire de 40% la consommation énergétique du bâtiment qui passera ainsi d'une étiquette énergie D à C. Les économies seront vérifiées tous les ans pendant six ans à compter de l'achèvement des travaux.

AE : Que se passera-t-il si les économies attendues ne sont pas aux rendez-vous ?

SFD : Dans le cadre de la garantie de performance énergétique, on se fixe un objectif de réduction des consommations associé à des conditions d'utilisation du bâtiment. La température intérieure des logements sera par exemple contractualisée, de même que le mode de calcul des consommations et la manière dont on annule les effets de la météo via l'utilisation des degrés jour unifiés (DJU). Si l'on constate que l'objectif est rempli, la garantie du prestataire n'est pas mise en œuvre. Le contrat doit alors précisé le sort des gains qui excèdent l'objectif. Dans ce contrat, par exemple, il a été décidé que 100% des économies exédant l'objectif bénéficieraient à la copropriété, mais ce n'est pas obligatoirement le cas. En revanche, si l'on constate que l'objectif n'est pas rempli, le contrat défini la pénalité qui sera supportée par le prestataire.

AE : A qui la copropriété doit-elle s'adresser puisque de nombreux acteurs sont concernés ?

SFD : Les acteurs se sont organisés en groupement. Le groupement, représenté par un mandataire solidaire, prend la responsabilité des phases et des exigences qui lui incombent. S'agissant de la garantie de performance, c'est le mainteneur qui est en première ligne. Car à l'année n+3 par exemple, les travaux seront terminés et le seul interlocuteur que la copropriété aura en face d'elle sera le mainteneur. Les différents membres du groupement peuvent s'ils le souhaitent se répartir dans une convention de groupement, non opposable à la copropriété, les responsabilités en fonction des clés qu'ils ont définies entre eux.

La pénalité, payée par le prestataire, au syndicat des copropriétaires sera ensuite reversée aux copropriétaires à proportion de leur tantième de copropriété ou, selon le choix des copropriétaires, conservée pour être réinvestie dans d'autres travaux ou charges.

AE : Quels conseils donneriez-vous aux copropriétés qui souhaitent se lancer ?

SFD : Le CPE vise une obligation de résultat, il est donc essentiel de vérifier l'effectivité de la garantie de performance. Cette effectivité résulte de plusieurs éléments et notamment économiques et juridiques. Sur le terrain économique, il faut par exemple s'assurer que sur toute la durée du contrat l'interlocuteur tenu de la garantie demeurera solvable et pérenne. D'autres précautions d'ordre juridique doivent également être prises : le prestataire ne doit pas avoir trop de facilité à sortir du contrat et échapper ainsi à sa garantie. Il faut qu'il soit contraint de tenir ses engagements dans la durée.

Une attention particulière doit être portée sur la situation de référence. Le prestataire s'engage sur une garantie mais il faut définir précisément les conditions d'utilisation des locaux. Si on ne contractualise pas la température des logements par exemple, il est assez aisé pour le prestataire de tenir ses engagements de consommations énergétiques en baissant la température. Il faut également être précis sur la façon dont on vérifie les consommations : fréquence des vérifications, contrôle sur facture, relevé de compteur, protocole de mesure.... Il ne faut pas qu'il y ait place au désaccord ou à la discussion.

AE : L'importance et le montant des travaux rend-il plus complexe l'établissement d'un CPE ?

OO : Un CPE peut loger tout une série d'actions d'amélioration qui peuvent être des travaux, des fournitures (changement de chaudière) et des services c'est-à-dire la maintenance et la régulation des installations. Il y a une palette assez large. Plus on monte des services vers les fournitures puis vers les travaux plus le montant de l'investissement est élevé. Lorsqu'il n'y a pas de gros travaux, les propriétaires s'y retrouvent car les économies de charge qu'ils réalisent peuvent, sur la durée du contrat, représenter un montant supérieur ou égal au montant de l'investissement de départ.

Le CPE avec travaux ne s'autofinance pas en général. Toutefois c'est un CPE qui ne travaille pas que sur l'énergie : il travaille aussi sur la valeur du patrimoine. Refaire la façade ne fait jamais plaisir à la copropriété, mais il faut le faire car on n'a pas le choix. Aujourd'hui avec le CPE on peut refaire sa façade mais le coût net, c'est-à-dire le cout de l'investissement diminué des économies de charges qu'il va générer, va être de 80% tout en améliorant le patrimoine et donc sa valeur. Donc le fait que les travaux ne s'autofinancent pas sur une courte durée n'est pas grave. En tout cas ce n'est pas une raison de ne pas faire un CPE.

Et il ne faut pas oublier que chaque cas dépend du point de départ qui n'est pas le même d'un bâtiment à l'autre. Faire 10% d'économie d'énergie sur un bâtiment ultraperformant ça peut couter très cher. En partant d'une passoire thermique, simplement en changeant la chaudière vieille de vingt ans, les copropriétaires peuvent y gagner assez vite.

AE : Les CPE vont-ils enfin convaincre ?

OO : Aujourd'hui, il y a une barrière un peu psychologique sur les CPE qui pousse à croire que c'est compliqué, trop sophistiqué. Mais le fait que l'on ait une copropriété "normale" qui arrive à lancer un CPE c'est un bon message pour le marché. Des copropriétaires ont réussi à adhérer à un projet de cette nature avec leurs qualités et leurs défauts habituels. C'est formidable ! Le CPE est un marché de pionnier qui se déclenche souvent par un ou deux contrats visibles. C'est un marché où les pionniers entraînent les autres qui se disent : si eux y sont arrivés il n'y a pas de raison que l'on n'y arrive pas.

Réactions2 réactions à cet article

Bonjour,

Merci pour ce travail juridique, tellement essentiel! Les montages appropriés sont (encore) si rares!

Je suis un professionnel du secteur bâtiment-énergie, convaincu mais parfois tellement désespéré que rien n'avance assez vite!

Trois questions :

1. 400 k€ de l'Ademe, c'est beaucoup, et financé car projet exemplaire! Que cela représente t-il dans l'investissement global?

2. Le modèle économique est-il viable sans ces subventions? A fortiori non généralisable avec ces niveaux de subventions...

3. L'obligation de résultat, c'est très bien, mais est-ce que les résidents sont eux-mêmes concernées par ces objectifs? Consommation par foyer / critères : nombres d'occupants, taille du logement?

Merci pour votre retour,

Cdt
Rémi Bouschon

remrem78 | 06 mars 2012 à 02h50 Signaler un contenu inapproprié

Bonjour,
pour faire court le CPE repose, d'un point de vue thermique ou énergétique sur trois pieds: l'état des lieux, les calculs d'améliorations/d'économies et les bases ou références d'exploitation et de mesures. Le métier, quasiment pas cité, au centre de ceci est celui de thermicien (ou bureau d'études thermiques). La prestation de celui-ci, centrale, me semble évidemment devoir être parfaitement indépendante, particulièrement du ou des prestataires financièrement et juridiquement responsabilisés sur les résultats.
Je m'interrogeais donc pour ce cas précis sur ce critère d'indépendance et souhaiterais connaître les avis des principaux acteurs ...

phbarde | 06 mars 2012 à 09h51 Signaler un contenu inapproprié

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