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Actu-Environnement

“Criminalité environnementale : un service interministériel tel que le nôtre est unique”

L'office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique ne connaît pas la crise. Le chef du bureau, le colonel Jacques Diacono, détaille pour Actu-environnement ce qui fait la spécificité de ce service unique au monde.

Interview  |  Gouvernance  |    |  F. Roussel
Environnement & Technique N°354
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°354
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“Criminalité environnementale : un service interministériel tel que le nôtre est unique”
Colonel Jacques Diacono
OCLAEPS, Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique
   

Actu-environnement : Comment et pourquoi l'OCLAEPS a-t-il été créé ?

Jacques Diacono : Le service a été créé en 2004 après deux ans de réflexions menées dans le cadre des préparatifs de la charte de l'environnement. Chaque ministère devait faire des propositions. Le ministère de l'Intérieur a proposé de créer un office central spécialisé en matière d'environnement à l'image des offices centraux sur les stupéfiants, le crime organisé ou encore la grande délinquance financière. 
La gendarmerie possédait déjà un réseau de gendarmes appelés "formateur relai environnement écologie". Ce n'était pas des enquêteurs mais plutôt des formateurs de gendarmes pour les sensibiliser aux questions environnementales. Le fait que la gendarmerie possédait une compétence de sécurité générale sur 95% du territoire français, a fini de convaincre le ministère de l'Intérieur de nous confier cet office central. 
A notre création, nous étions une quinzaine et aujourd'hui, nous sommes plus de 70 personnes.

AE : Quelle est votre mission ?

JD : Depuis notre création, notre champ de compétences porte sur les questions environnementales mais également de santé publique. En 2009, ce champ a été étendu à la lutte contre le dopage avec des produits autres que des stupéfiants.

En tant qu'unité de police judiciaire, notre mission première est de coordonner les enquêtes judiciaires dans notre champ de compétence, soit en s'investissant directement, soit en appui d'autres unités ou services, soit enfin en suivant les enquêtes d'autres unités et services sans engagement de notre part. Nous sommes saisis par le procureur de la République à partir des infractions constatées par différents acteurs sur le terrain comme l'Onema, l'Oncfs, les Dreals. C'est-à-dire tous les organismes chargés de contrôler la bonne application du droit de l'environnement en matière d'ICPE, d'amiante, de gestion des déchets, de produits phytosanitaires, d'installations nucléaires de base (INB), d'espèces protégées ou encore de pollution des sols, de l'eau, de l'air. Nos enquêtes judicaires ne sont pas exclusivement initiées par les contrôles des autres administrations. Nous pouvons également lancer l'initiative des investigations, à la suite d'éléments portés à notre connaissance.

Nous avons également d'autres missions : centralisation et diffusion du renseignement, suivi des phénomènes émergents, actions de formation, point de contact unique pour la coopération policière internationale. Nous sommes également force de proposition en matière d'évolutions normatives, au regard des difficultés rencontrées dans le cadre de nos enquêtes ou des évolutions que nous constatons dans le cadre de ces dernières.

AE : Quelle place prend l'environnement dans votre activité par rapport à la santé ?

JD : Nous avons constamment un portefeuille global (santé et environnement) de 70 enquêtes qui se partage équitablement entre les deux thématiques. On intervient également en appui sur d'autres affaires mais on ne s'investit directement que dans les enquêtes les plus importantes : dimension interrégionale ou internationale de l'infraction, nombre de victimes, retentissement médiatique, sensibilité due à l'implication de personnalités, technicité, ou encore si la criminalité organisée est impliquée.

La gestion de déchets est un domaine très prolifique en enquêtes. De même que les espèces protégées : trafic d'ivoire, vols dans les zoos. Dans les ICPE, les problèmes sont assez rares. Il y a aussi beaucoup d'enquêtes sur les pesticides. Ce sont souvent des cas de mauvaise application de la réglementation, mais pas toujours. Idem avec l'amiante car c'est une réglementation très stricte, coûteuse et qui a beaucoup évolué ces dernières années.

AE : Quel recul avez-vous sur l'évolution des infractions au cours des 10 dernières années ?

JD : La criminalité environnementale est en plein essor. Il y a beaucoup d'argent à gagner avec des sanctions très faibles donc ça attise les convoitises notamment le crime organisé. En France, nous ne sommes pas touchés mais ça ne veut pas dire qu'on ne le sera pas. En Europe, seule l'Italie est vraiment concernée car elle a une mafia implantée depuis longtemps.

AE : Un service tel que le votre existe-t-il dans tous les pays européens ?

JD : Des services d'enquête spécialisés existent, notamment en Espagne ou en Italie, mais ils ne possèdent pas cette structure et cette vocation interministérielles. L'Italie possède une unité spéciale au sein des carabiniers. En Espagne, il existe un service dans la Guardia civile mais il fait moins d'enquêtes judiciaires. Un service interministériel tel que le nôtre est unique.

AE : Comment s'organisent les enquêtes internationales ?

JD : De très nombreuses enquêtes ont un volet international, traité la plupart du temps dans le cadre des commissions rogatoires internationales : un juge français demande à un pays étranger de bien vouloir procéder aux actes qu'il demande ; dans ce cas, les enquêteurs français ne font qu'assister aux investigations mais n'y participent pas directement.

Nous participons depuis peu à des équipes communes d'enquête (ECE). Dans ce cadre, la stratégie d'enquête est définie en commun et les actes sont faits par les enquêteurs dans leur propre pays mais également dans les autres pays participants à cette ECE. Ces enquêtes sont rares. La dernière date d'avril 2015 et concerne un trafic de chevaux. Ces animaux impropres à la consommation avaient des passeports maquillés pour pouvoir être introduits dans la chaine alimentaire. Nous avons monté une équipe commune avec la Belgique. 
Le principe des équipes communes d'enquête est récent, il a une dizaine d'années en Europe, et encore, tous les pays n'ont pas signé.

AE : Quid de la fraude de Volkswagen ?

JD : L'Oclaeps a été saisi de cette affaire par le parquet de Paris suite à une plainte d'un élu francilien pour tromperie aggravée avec incidences possibles sur la santé. Celle-ci étant en cours, je ne peux pas vous en dire plus. Il n'y a pas, à ce stade, d'enquête internationale unique coordonnée, mais différentes enquêtes ouvertes dans plusieurs pays (Allemagne, Espagne, France, Italie).

Réactions1 réaction à cet article

On peut souhaiter que les Magistrats soient aussi bien formés à ce domaine très sensible et hélas, d'avenir !

jeanmaco | 24 novembre 2015 à 12h28 Signaler un contenu inapproprié

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