Le saucissonnage des projets pour échapper à l'obligation d'évaluation environnementale ne se fait pas en toute impunité. Le département de l'Hérault vient de l'apprendre à ses dépens. Par une décision du 25 mai 2022, le Conseil d'État a suspendu les travaux des « Jardins de la Méditerranée », un parc à thème dans le domaine de Bayssan sur la commune de Béziers, faute d'évaluation environnementale.
Le département avait déposé, en juillet 2020, une simple déclaration au titre de la loi sur l'eau portant sur le rejet des eaux pluviales et ne nécessitant pas d'évaluation environnementale. France Nature Environnement (FNE) Languedoc-Roussillon avait demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier la suspension de la décision implicite de non-opposition du préfet à cette déclaration. À la suite du rejet de cette requête en novembre 2020, l'association de protection de la nature s'est pourvue en cassation devant le Conseil d'État. Celui-ci lui donne aujourd'hui raison en annulant l'ordonnance du juge montpelliérain et en suspendant la décision préfectorale dans l'attente du jugement sur le fond.
Le projet consiste en la création de jardins destinés à accueillir 300 000 visiteurs par an et en la construction de divers bâtiments : aquarium, géode, bâtiment administratif, restaurant, pavillon des vins, équipements d'accueil, sanitaires, voies d'accès, terrassements. Le tout sur un terrain d'assiette de 19 hectares. Ce projet doit être regardé comme une opération d'aménagement dont le terrain d'assiette est supérieur à 10 hectares, juge le Conseil d'État. Or, un tel aménagement est soumis à évaluation environnementale systématique selon l'annexe de l'article R. 122-2 du code de l'environnement. Le fait que ce projet soit susceptible de donner lieu ultérieurement à un permis d'aménager de moins de 5 hectares et à différents permis de construire est sans incidence sur la qualification de cette opération, ajoute la Haute Juridiction administrative.
« Un projet de cette dimension nécessitait une étude d'impact, une demande d'autorisation environnementale comprenant une autorisation de défrichement et une dérogation pour la destruction d'espèces protégées. Et donc également une consultation du public à travers une enquête publique », explique FNE Languedoc-Roussillon. « Il est très regrettable d'avoir à en arriver à de si longues et lourdes procédures, que ce soit pour la garrigue de Bayssan, fortement dégradée depuis deux ans suite au rejet du référé en première instance, mais aussi pour les entreprises qui ont été entraînées dans un projet dont la fragilité juridique était évidente et, enfin, pour le contribuable, qui paye l'inconséquence environnementale du département de l'Hérault », réagit Simon Popy, président de l'association.