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AccueilJean-Philippe BellotComprendre les intrusions d'eau salée dans les aquifères littoraux

Comprendre les intrusions d'eau salée dans les aquifères littoraux

Jean-Philippe Bellot, hydrogéologue expert au sein de la PME imaGeau, nous propose un avis d'expert sur les avantages du suivi et de la compréhension des intrusions d'eau salée pour la gestion des aquifères littoraux.

Publié le 19/10/2012

Les intrusions salines représentent un risque majeur de pollution pour les aquifères littoraux qui sont des réservoirs stratégiques. Ce risque s'accentue en raison de l'accroissement de la fréquence et de l'intensité des périodes de sécheresses et de canicules, mais aussi en réponse à l'augmentation importante de la population vivant en zone côtière. Il deviendra encore plus important lors de la remontée du niveau de la mer corrélative du changement climatique.

La bonne gestion de ces aquifères passe donc par une meilleure connaissance et une meilleure détection des intrusions salines.

Le phénomène de salinisation des aquifères est connu depuis la fin du XIXème siècle. Néanmoins, les modalités de la salinisation sont encore mal comprises compte tenu : (i) de l'absence de mesures de salinité représentatives des eaux souterraines ; (ii) du manque de données sur les structures perméables de ces réservoirs souvent complexes ; (iii) de la difficulté à établir des modèles hydrodynamiques robustes pour des fluides plus denses et plus visqueux que l'eau douce et en partie miscible dans cette dernière.

Nouvelle approche pluridisciplinaire

Le but de ce papier est de présenter une nouvelle approche pluridisciplinaire appliquée à un phénomène de salinisation récurrent d'un aquifère littoral exploité pour l'alimentation en eau potable. Cette approche amène des connaissances majeures sur le fonctionnement des intrusions salines. Ces connaissances ont des implications fortes sur la gestion des nappes littorales.

La méthode consiste, dans un premier temps, à déterminer les caractéristiques structurales et hydrodynamiques de l'aquifère, ainsi que les incidences quantitatives du captage sur la ressource, à partir de mesures de terrain (piézométrie, débit et fréquence de pompage) et d'une synthèse des éléments géologiques disponibles.

Dans un deuxième temps, l'acquisition de données sur la salinité des eaux souterraines à l'aide d'un outil innovant (SMD), permet des mesures de salinité in-situ, haute fréquence dans le temps (toutes les 3 heures) et sur une longue durée (16 mois). Cet outil mesure la salinité du fluide poral et n'induit pas de perturbation du milieu : il est donc à même de fournir une mesure représentative de la qualité des eaux souterraines.

Dans un troisième temps, les données de salinité ont été corrélées avec la piézométrie et les rythmes de pompage, et croisées avec les incidences prévues par les calculs hydrodynamiques.

Synthèse de résultats

Des intrusions salines compartimentées - Dans cet aquifère sableux, l'eau salée n'a pas tendance à s'accumuler uniquement vers le bas de l'aquifère, à l'inverse du modèle communément admis de type Ghyben-Herzberg. Elle est présente à trois profondeurs différentes et évolue, à chaque niveau, avec une dynamique propre. Ainsi, la minéralisation de l'eau souterraine présente une structure et une dynamique révélatrice de la sensibilité du réservoir à l'intrusion des eaux salées au regard des pompages en cours.

Compte tenu de l'hétérogénéité verticale de la qualité des eaux souterraines, le piézomètre apparait, dans le cas d'aquifère à perméabilité hétérogène, inadapté pour surveiller l'évolution de la salinité d'une nappe. Cet outil classique, qui intègre et mélange les différentes venues d'eau, est donc inadapté pour fournir un diagnostic de la salinisation des aquifères et le suivi de son évolution dans les milieux poreux et fissurés.

Des modalités de salinisation complexes - Les résultats montrent que la pénétration de l'eau de mer se fait passivement par un lac au fond perméable lors des marées hautes. L'avancée de l'eau salée en direction du captage est la conséquence du pompage trop important au niveau du forage d'exploitation pour l'eau potable, aggravé en été par le déficit d'alimentation de l'aquifère, le volume d'eau de mer se propageant dans l'aquifère étant similaire au volume d'eau souterraine pompé. Cette remontée se fait par deux niveaux où la perméabilité est élevée, au toit et au mur de l'aquifère. Elle est rendue possible grâce à une transmissivité élevée et un coefficient d'emmagasinement faible de l'aquifère, favorisant un rayon d'action du forage dépassant le lac. Dans son rayon immédiat, le forage en pompage induit des circulations verticales lorsque la nappe est en déficit d'alimentation, ce qui souligne la surexploitation de la ressource.

Une méthode simple pour estimer la bonne exploitation d'un aquifère littoral - Le captage induit dès sa mise en marche une augmentation de la salinité sur l'aquifère, puis dès sa mise à l'arrêt, une baisse de la salinité. Cette évolution montre que le forage a un effet immédiat sur la salinité mais que cet effet est réversible. Cet effet cyclique d'augmentation de la salinité se retrouve à l'échelle de la saison lors des périodes de pompages intenses sur le forage. Le retour à une eau moins salée après chaque période de pointe montre que la ressource n'est pas surexploitée par le captage. Notre approche de suivi de la salinité montre si un aquifère est sensible à un pompage au niveau d'un ouvrage donné, à toutes les échelles de temps, grâce à des données haute fréquence.

Des perspectives importantes pour la gestion et l'exploitation des aquifères littoraux - Cette étude permet de formuler des axes de réflexion quant aux modalités d'exploitation et de gestion de la ressource en zone littorale :

  • identifier et neutraliser le ou les forages parasites ;
  • prévenir le risque d'une salinisation majeure, et donc irréversibles, de l'aquifère ;
  • définir un usage optimal de chaque captage, en accord avec l'exploitant, de manière à limiter son incidence sur la salinisation de la nappe ;
  • le cas échéant substituer les captages vulnérables à l'eau salée par un nouveau ou plusieurs forage(s) qui ai(en)t une incidence moindre sur la salinité de la nappe ;
  • assurer une meilleure gestion de la ressource, en modulant les pompages.

Généraliser la méthode

La méthode mise en œuvre ici pourrait être généralisée à l'ensemble des nappes côtières où les enjeux de préservation de la ressource sont cruciaux. En réalisant un diagnostic permanent de la qualité des eaux souterraines, elle permet d'assurer une modulation des pompages afin d'exploiter de façon optimale la ressource dans la durée mais aussi de concevoir des systèmes de pompages et de réinjection plus adaptés que ce soit en terme de débit et de profondeur d'ouvrage.

Avis d'expert proposé par Jean-Philippe Bellot, hydrogéologue expert au sein de la PME imaGeau

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1 Commentaire

Benaldjia Tarek

Le 22/10/2012 à 16h06

Parmi les axes cités ci-dessus, cette étude permettra entre autre, d'améliorer le service de l'eau au profit des populations et de l'agriculture, notamment chez les voisins méditerranéen .

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