Samedi 7 novembre, le candidat démocrate Joe Biden, bientôt 78 ans, a été élu 46ème président des États-Unis pour les quatre prochaines années, l'emportant face à Donald Trump, son prédécesseur climatosceptique. La vice-présidente, la sénatrice Kamala Harris, 56 ans, sera la première femme à occuper ce poste.
Le retour des États-Unis dans l'Accord de Paris sur le climat pourrait être l'une des premières mesures de Joe Biden. Le 4 novembre, alors que le gouvernement Trump a officiellement quitté l'Accord de Paris, le candidat démocrate a promis sur Twitter, son retour « dans 77 jours exactement ». Soit le 20 janvier 2021 quand il investira la Maison Blanche. Le nouveau président devra envoyer une notification à la Convention cadre des nations unies sur le changement climatique (Ccnucc) et attendre 30 jours avant que celle-ci ne devienne effective. Soit au plus tôt le 20 février 2021 pour revenir à la table des négociations internationales sur le climat. Joe Biden pourrait ainsi rejoindre l'Accord de Paris sans le soutien total du Congrès américain, et s'engager à nouveau en faveur du Fonds vert pour le climat.
Le retour « attendu » du « leadership » américain
Pour Laurence Tubiana, présidente de la Fondation européenne pour le climat et cheville ouvrière de l'Accord de Paris, le retour des USA dans ces négociations est « attendu avec impatience ». « L'administration américaine a contribué à l'élaboration de l'Accord de Paris de manière décisive. Nous avons besoin des États-Unis pour aider à le mettre en œuvre », soulignait-elle sur Twitter, le 5 novembre.
La victoire du démocrate « est une très bonne nouvelle pour tous les défenseurs du climat », salue Pascal Canfin, député européen Renaissance et président de la commission Environnement du Parlement. A un mois du 5ème anniversaire de l'Accord de Paris, les défenseurs du climat espèrent un retour du leadership américain sur la scène climatique mondiale. « Cette élection est une source d'espoir pour relever ensemble les défis écologiques du siècle », s'est aussi réjouie Barbara Pompili, la ministre française de la Transition écologique, sur Twitter.
Joe Biden s'est engagé à atteindre la neutralité carbone en 2050, après l'Union européenne, le Royaume-Uni, le Japon ou encore la Corée du Sud. Idem pour la Chine pour 2060. « L'administration Biden-Harris a une occasion historique de mettre en œuvre l'un des plus grands efforts de relance écologique au monde, afin d'orienter l'économie américaine vers une réduction durable des émissions tout en reconstruisant le pays et en créant une société plus juste », a ajouté Laurence Tubiana.
Le programme « ambitieux » de Joe Biden « dispose de nombreux points de convergence avec le Green Deal européen », met aussi en avant l'eurodéputé Pascal Canfin. « Nous devons passer à l'action ensemble en renforçant la coopération transatlantique avec l'Union européenne », appelle-t-il de ses vœux.
Si Joe Biden s'engage à rejoindre les autres puissances économiques dans la neutralité carbone, il envoie aussi un signal à tous les pays encore indécis ou retardant leurs efforts au respect de l'Accord de Paris. « Le retour des États-Unis dans les accords de Paris aura un effet d'entraînement vis-à-vis de pays qui ne jouent actuellement pas le jeu, comme le Brésil, l'Australie et la Russie », indique, de son côté, le climatologue français Jean Jouzel au journal Le Figaro.
Les ONG appellent Biden à prendre « maintenant » des mesures « ambitieuses »
Joe Biden a annoncé vouloir investir 2 000 milliards de dollars dans l'énergie propre et les infrastructures « résistantes au climat », en vue d'atteindre aussi 100 % d'électricité décarbonée dès 2035. Son plan climatique comprend 1 700 milliards de dollars de dépenses du gouvernement fédéral sur une période de dix ans.
Le démocrate ne prévoit pas d'interdire la fracturation hydraulique qui représente 35 % de la production énergétique des États-Unis. Mais il chercherait à mettre fin aux nouvelles concessions de pétrole et de gaz sur les terres fédérales. M. Biden pourrait également rétablir et renforcer les réglementations environnementales qui ont été supprimées sous l'administration Trump. Et ainsi remettre en place le plan « Clean Energy ». Il propose par ailleurs d'augmenter les crédits d'impôt pour l'efficacité énergétique et l'énergie propre. Et d'installer des « millions » de panneaux solaires et des « milliers » d'éoliennes terrestres et marines, rappelle Nina Lagron chez La Française Asset Management. Le nouveau président veut en outre déployer 500 000 bornes de recharge des véhicules électriques à l'horizon 2030.
Avec ce programme prometteur, les ONG américaines environnementales se félicitent de l'élection de Joe Biden et ont soif de changements rapides. Elles l'appellent à prendre des mesures « ambitieuses » dès son arrivée à la Maison Blanche. Le président « a maintenant pour mandat de prendre des mesures audacieuses contre le changement climatique », estime Erich Pica, président de l'ONG Les Amis de la Terre US. Même son de cloche pour Tamara Toles O'Laughlin, directrice Amérique du Nord à 350.org : « La victoire de Joe Biden est une opportunité pour nous toutes et tous. Nous sommes prudemment optimistes quant à la route à suivre et nous ferons pression pour que l'action climatique soit la plus ambitieuse possible ».
La crise climatique a été « un enjeu majeur » de cette élection, rappelle 350.org, « avec 7 électeurs sur 10 soutenant le gouvernement à prendre des mesures contre le changement climatique », selon un sondage publié par The Guardian, le 23 septembre dernier.
350.org a donc publié dix actions que pourrait mener Joe Biden durant les 100 premiers jours de son mandat pour tourner le dos aux combustibles fossiles et construire une « transition juste ». « Nous devons éliminer progressivement l'extraction de combustibles fossiles et mettre en œuvre un Green New Deal qui protège les communautés, les travailleurs et notre planète », demande l'ONG.
Une marge de manœuvre limitée au niveau national ?
S'il veut faire adopter des législations climatiques ambitieuses au niveau national, Joe Biden risque toutefois d'être paralysé par le Sénat américain, qui pourrait rester sous domination des républicains. « Si le Congrès reste divisé, les législations climatiques seront difficiles à adopter. C'est pourquoi nous nous concentrons sur les mesures que Biden peut prendre immédiatement », souligne 350.org. « Bien sûr, le vote du Sénat va avoir une importance considérable », reconnaît aussi Laurence Tubiana, interviewée par Europe 1, « mais il peut faire beaucoup de choses sur la base des ordonnances, c'est-à-dire sans passer par la loi ».
L'Agence de protection de l'environnement (EPA) et le ministère de l'énergie seront « chargés de rédiger, de mettre en œuvre et de faire respecter les règlements et autres mesures liées au climat dirigées par le président ou le Congrès. L'une des principales tâches de la nouvelle administration sera de redonner à ces agences la capacité de mener des politiques ambitieuses », note également Julie Henches chez la Fondation européenne pour le climat. La communauté climatique et environnementale américaine devrait faire pression sur la nouvelle administration Biden pour « qu'elle nomme des champions du climat et évite les personnes ayant des liens avec l'industrie des combustibles fossiles », indique Mme Henches.